La Déclaration de Cape Town pour une éducation libre

PalmerFreedom.jpgLa liberté est un bien immense, mais qu’on ne peut goûter qu’à la condition de vivre. (Jules Verne)

Les défis mondiaux auxquels nous sommes désormais confrontés ne peuvent guère être résolus par les seuls gouvernements, lesquels sont modelés sur les intérêts nationaux. Les Nations-Unies ont été la première tentative d’un organe de gestion à l’échelle planétaire. Malgré son impuissance à régler d’importants problèmes, l’ONU a réussi à désamorcer bon nombre de conflits politiques, notamment durant Guerre froide. Néanmoins, l’exacerbation des problèmes mondiaux souligne les limites des instances politiques. L’ampleur des phénomènes appelle à l’action individuelle, une participation à laquelle les technologies de la communication commencent à donner cohésion.

(suite…)

Les cellulaires pour apprendre

WaldeToyCellphone.jpgLa résignation à l’emmerdement est un des premiers acquis de l’éducation.
(Edgar Morin)

Pour la plupart des enseignants québécois, les cellulaires équivalent au dérangement des sonneries et à la crainte de se retrouver sur YouTube. C’est signe d’une conception linéaire et directive de l’enseignement. Mais hormis les applications pédagogiques des technologies de poche, dont on ne fait qu’entrevoir les possibilités, il y a urgence d’éduquer les jeunes à un usage responsable et civique de ces ogives à longue portée qu’ils brandissent un peu inconsciemment. En outre, l’école n’a-t-elle pas avantage à apprivoiser les technologies qui font déborder l’apprentissage hors de ses murs?

Wesley Fryer a raison : c’est en prenant des décisions que les élèves apprennent à prendre de bonnes décisions, et c’est en participant qu’ils apprennent le mieux (Moving at the Speed of Creativity : Opening minds about cell phones for learning).

Je n’avais pas encore rassemblé dans un seul billet l’information se rapportant à l’utilisation des cellulaires à des fins d’apprentissage, comme je l’ai fait pour l’iPod. Je comble donc cette lacune à l’aide du petit répertoire qui suit.


Web 2.0 :

Blogues et wikis :

Articles :

Vidéos :

Mise à jour, 10 avril 2009 | Un article de Cathy Grimes (WKTR News : Cell phones get top marks in class) fait cette intéressante énumération des fonctions d’un cellulaire qui peuvent servir à des fins d’apprentissage dans la classe :

    • appareil photo
    • enregistrement audio
    • enregistrement vidéo
    • calculette
    • calendrier
    • messagerie instantanée

Ces outils peuvent servir à :

    • alimenter un blogue scolaire
    • assembler un album
    • créer des reportages multimédia
    • répondre à des questionnaires
    • vérifier la compréhension en lecture
    • résoudre des problèmes mathématiques
    • mener des expériences
    • trouver de l’information et des références.


(Image thématique : L.C./enactments, “toy-cellphone”, Vienna, par Martin Walde)


Par ricochet :
L’inévitabilité des cellulaires à l’école
Les cellulaires au service de l’école
M-learning
Spotcodes : info via cellulaire
Des cellulaires que seuls les ados entendent
La vidéo par le cellulaire, et la négligence des écoles
Le prochain grand courant: le MoSoSo
Le mariage iPhone-Google
Applications mathématiques pour cellulaires à l’école
Les NTIC en éducation : une illusion

L'incohérence du P.E.I.

ChevalNatureAbsurdity.jpgIl y a deux sortes d’abus : ceux qui naissent de la logique d’un régime, et ceux qui naissent de son incohérence. (Gilbert Cesbron)

Je sors d’une présentation pénible pendant laquelle la direction de l’école avait la tâche ingrate d’exposer à l’ensemble des enseignants une ébauche de la maquette des cours pour l’année prochaine. Avec l’arrivée du prétendu renouveau pédagogique, les changements affectent principalement le 4e secondaire. Les ukases du ministère ne laissent malheureusement que très peu de marge de manoeuvre à la direction. Par conséquent, nous avons assisté aux récriminations usuelles des corps disciplinaires qui revendiquent chacun plus de temps d’enseignement. Sauf au P.E.I., où tout est prédéterminé.

Quelques observations d’abord sur les revendications des professeurs, dans l’ensemble légitimes. Le système ne sait plus comment composer avec l’explosion des connaissances, des savoirs, des disciplines et des compétences. Tout ce beau monde continue de se disputer 36 blocs de cours, étalés sur 9 jours, dans un cadre immuable. Devant si peu d’élasticité, la chaudière commence à surchauffer. Sans compter que des disciplines comme l’éducation physique maintiennent leur frugalité de 2 périodes par cycle de neuf jours au moment où les besoins n’ont jamais été aussi criants.

Le problème de l’exiguïté de la maquette tient largement à la vieille compartimentation disciplinaire. Or, il n’y a plus assez de blocs pour l’ensemble de la matière. La seule solution est d’abandonner l’inflexibilité des solides pour la fluidité de l’interdisciplinarité et de l’individualisation. La beauté des fluides est dans leur liberté de forme et leur mixtion. La maquette est un casse-tête administratif en grande partie parce que l’on reste coincé dans de vieilles pratiques. Poursuivant sur l’analogie des blocs disciplinaires, l’expression anglaise think outside the box n’a jamais été plus appropriée.

Je suis sidéré que l’on fasse si peu de cas des élèves dans l’élaboration de la grille des cours. Il faut bien une logique d’administrateur plutôt que d’éducateur pour justifier l’absence de choix en fonction de la majorité. Les nouvelles technologies, pourtant, pourraient assouplir un cadre de fonctionnement en fonction des besoins des élèves, plutôt que d’obliger ceux-ci à se mouler à la rigidité du cadre organisationnel.

Le problème est encore plus grand au Programme d’éducation internationale, alors que tous les cours ont déjà été arrêtés de la première à la cinquième année. Pour mousser ce qui appert de plus en plus comme un programme élitiste, on a déjà décidé, dans l’éventualité d’un choix et sans égard pour la spécificité de l’élève, du cours le plus difficile, notamment en anglais et en mathématiques. Comme le dénonçait une enseignante, la vocation humanisante du P.E.I. est abandonnée aux impératifs des sciences et de la technologie, à la compétition et à l’égocentrisme. L’humanisation cède le pas à l’aliénation.

L’incohérence du P.E.I. se manifeste plus particulièrement dans la négation de ses fondements. La philosophie du P.E.I. repose sur la primauté d’apprendre à apprendre. Mais comment, d’une part, justifier l’admission à un programme qui repose sur la nature de l’apprentissage à une élite intellectuelle? Pis encore, comment valoriser la notion d’apprendre à apprendre dans un programme où tout le parcours est réglé d’avance? Est-ce que le choix de cours n’est pas intrinsèquement relié à la notion d’apprendre à apprendre? Je signale, au passage, que l’autonomie, définie comme la « capacité de se prendre en charge, d’effectuer des choix et d’assumer la responsabilité de ses actions », constitue l’une des cinq valeurs fondamentales du projet éducatif (PDF) de l’école. Comme quoi les grandes idées ne sont que poudre aux yeux.

Un directeur adjoint s’est rabattu à plusieurs reprises sur les exigences de la SÉBIQ. C’est là, il me semble, que le bat blesse : l’autorité décisionnelle est reléguée à un organisme extérieur. Nous avons la bureaucratie facile au Québec, comme ailleurs. Mais dans le cas présent, il faut rapatrier le leadership à proximité des élèves.


(Image thématique : The Nature of Absurdity, par Michael Cheval)


Par ricochet :
Des écoles abandonnent le P.E.I. : je suis d’accord

Nourrir le monde tout en apprenant

JirehscopeRicePlanters.jpgPlus on est de fous, moins il y a de riz. (Coluche)

Certaines idées m’émerveillent par leur simplicité, particulièrement celles qui se matérialisent. En voulant aider son fils à développer son vocabulaire, John Breen a cherché un moyen d’en faire profiter le monde. FreeRice est un jeu questionnaire comme on en trouve partout, sauf que chaque bonne réponse contribue 20 grains de riz au Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies (Christian Science Monitor : How to Build Your Vocabulary — and Feed the World). Pour ajouter du piquant, les quelques 50 échelons de difficulté s’adaptent à la progression du joueur.

Il est amusant de voir les grains de riz s’empiler au fur et à mesure des bonnes réponses. 100 ou 1000 grains peuvent sembler une goutte dans l’océan, mais c’est sans compter sur l’effet multiplicateur de la Toile. Les 9 milliards de grains amassés en seulement deux mois auront permis de nourrir plus de 500 000 personnes.

Les activités éducatives ne peuvent pas toutes aboutir à des résultats aussi humanitaires. Néanmoins, il serait souhaitable de voir plus de partenariats entre les écoles et les entreprises s’attaquer aux problèmes du monde.

Je suis généralement rébarbatif à la publicité, mais je fais exception dans ces cas où les compagnies s’associent à des causes humanitaires. La publicité dans les écoles est un terrain fort glissant, j’en conviens. Mais l’intransigeance des principes doit parfois céder aux raisons du coeur.

Enfin, j’apprends avec regret que le Canada n’a toujours pas respecté son engagement de la conférence de Johannesburg (2002) de consacrer 0,7 % de ses revenus à l’aide internationale (source). Il n’est jamais trop tard pour envoyer une lettre à notre cher Premier ministre. J’ai réécrit au Je la lettre proposée par Poverty.com, que vous pouvez télécharger en format PDF ou Word (histoire d’y ajouter son nom).

Mise à jour, 16 avril 2009 | Dans le même esprit d’entraide, trois étudiants de l’Université de Richmond ont conçu Hoongle, un moteur de recherche reposant sur Google qui fait un don de 20 grains de riz pour chaque requête (New York Times : Seeking to End World Hunger, One Search at a Time).


(Image thématique : Rice Planters, par Jirehscope)


Par ricochet :
Blogueurs et aide humanitaire
Lettre au PM : intervention en Irak
Abandon des enfants du Tiers Monde
La maison du monde : l’université au service de l’humanité
Consommation humanitaire

Les blogues scolaires pour combattre l'intimidation

KlimtAdversarialViolences.jpgLes châtiments servent à l’intimidation de ceux qui ne veulent commettre aucune faute. (Karl Kraus)

La Toile a aiguisé les crocs des jeunes loups qui rôdent dans l’ombre, le plus souvent terrés dans l’anonymat. Tous les canaux de communication servent aux prédateurs : messagerie instantanée, forums, courriels, sites Web, réseaux sociaux, photos, vidéoclips. Les coups de griffe laissent des plaies que la pérennité d’Internet avive continuellement. Certains cas, que je tais par refus de perpétuer le souvenir, s’accrochent obstinément à l’histoire.

À la prédation en ligne s’ajoute la violence du milieu scolaire, tantôt physique, tantôt verbale ou psychologique. Du coup, certains jeunes sont toujours sur le qui-vive.

La quasi-totalité des écoles est infectée. La mienne, avec ses 2000 élèves, n’y échappe pas. Une première activité, en début d’année, avait sensibilisé les jeunes au problème. Dès lors, plusieurs victimes d’intimidation ont senti qu’ils n’étaient plus seuls. Ce coup de semonce a eu pour effet de rallier les individus, pas seulement les victimes, mais tous ceux qui fulminaient en silence.

L’effort aurait vraisemblablement péri de son inactivité, comme plusieurs initiatives auxquelles on ne donne pas suite, n’eut été de la persévérance des élèves à raviver le sujet dans leur blogue scolaire. Du coup, les blogues servent de tribune populaire pour rompre l’isolement des victimes ou pour hurler son désaveu. Ainsi, la communauté défend le bien par ses porte-voix. L’union fait la force.

Par mi les élèves qui se sont distingués :

    Wen Q. : certaines personnes sont intimidées et j’ai l’impression qu’ils ne le savent pas. Des intimidateurs font semblant d’être leurs amis et ils les poussent à faire/dire des gestes/paroles stupides et immatures.

    Michaël L.D. : Le respect est l’une des valeurs fondamentales de notre société. Il est l’une des cinq attitudes privilégiées de notre programme éducatif et il est essentiel à la vie en société, en groupe, à l’école ou dans une quelconque communauté.

    Tarik P. : Souvent, on intimide quelqu’un non parce qu’il est: gros ou mince, petit ou grand, blond ou roux mais bien PARCE QU’IL EST DIFFÉRENT. [...] Je suis qui je suis. Je mérite le respect. Je suis un être humain et non pas une bête de cirque!

    Maëlla L. : Depuis quelques années, j’ai remarqué que la plupart des groupes sont formés en  » gang » et qu’il y a une hiérarchie vis-à-vis les élèves. Cette hiérarchie se divise en trois parties : Les cools ( en haut), les neutres ( au centre) et les rejets( en bas). Il y a aussi des règles invisibles qui rendent les liens entre ces trois parties très difficiles.

    Charles-O. M. : Les personnes intimidées n’ont pas toujours confiance en eux ou ont un défaut particulier qui les gêne. Ils n’ont pas besoin, eux qui souffrent déjà, de se faire diminuer par leurs camarades. Cela ne fait qu’aggraver les problèmes de ceux qui devraient être aidés plutôt que repoussés.

    Geneviève D. : Certaines personnes ont peur de se faire rejeter s’ils ne font pas de discrimination envers le « souffre-douleur ». Je dis qu’il ne faut pas faire de méchanceté envers les autres simplement parce que nous avons peur.

    Jules B. : C’est sûr que dans les quelques jours suivants la conférence plusieurs personnes se sont indignées et ont dit qu’ils voulaient arrêter, mais cela n’a pas fait une grande différence sur le comportement de tous les jours. Pour vraiment obtenir un résultat, il faut que l’on se donne vraiment des résolutions et que l’on agisse .

    Maude B. : Ça parait un peu cliché de dire cette phrase, mais parler c’est grandir ! En plus, si vous évitez de vous défouler en intimidant (ce qui n’est vraiment pas une bonne façon de le faire, car on culpabilise parfois !), vous brisez déjà une énorme chaîne de malheur qui aurait probablement rendu une quantité infinie de gens malheureux et coupables d’un geste ingrat !

    Philipp F. : je me suis fait intimider [...] parce que j’étais différent. DIFFÉRENT. Aujourd’hui, je ne parle pas beaucoup car j’ai perdu ma capacité de socialiser.

Mise à jour, 29 novembre 2007 | Mario me rappelle que je devrais mettre en évidence la relève de ce billet assurée par Michaël L.D. : La communauté se dresse contre l’intimidation!!! Michaël a accepté, dans une perspective de service communautaire, de colliger les billets de la blogosphère de l’école qui traitent de l’intimidation. Je crois plus utile que cette tâche revienne à un élève.


(Image thématique : The Adversarial Violences, par Gustav Klimt)


Par ricochet :
L’intimidation et les blogs
Les cicatrices de l’intimidation
La violence à l’école
L’école : un milieu violent
Étude: comment contrer le bullying
Le Web des cons : insultes et menaces de mort
Les 5 grands risques internet pour les enfants
La technologie de la violence
Le tiers des ados en ligne victimes de cyberbullying
Jeux vidéo : la violence engendre la violence
Étude sur les causes de l’intimidation

Jeux vidéo : la violence engendre la violence

CytterPatternViolence.jpgToutes les violences ont un lendemain. (Victor Hugo)

L’opinion populaire a une perspicacité qui devance souvent la science. On a longtemps attaqué les jeux vidéo pour la montée de la violence chez les jeunes, en dépit de certains spécialistes qui affirmaient que les joueurs savaient faire la part de l’imaginaire et du réel. Or, les études s’empilent sur les effets néfastes des jeux vidéo à caractère violent. La plus récente porte sur l’efficacité des jeux vidéo en tant que moyen d’apprentissage de l’agressivité, considérant qu’ils font appel à plusieurs des mêmes stratégies utilisées par les meilleurs professeurs.

Un chercheur de l’Université Iowa State a trouvé que les jeunes qui s’adonnent aux jeux vidéo de type violent ont des comportements plus agressifs après seulement six mois (Iowa State University : Gentile, father explore how violent video games are exemplary aggression teachers). L’étude qui paraîtra bientôt dans la revue Journal of Youth and Adolescence établit « sept parallèles entre les jeux vidéo et les professeurs efficaces, incluant l’habileté à s’adapter au niveau de chaque apprenant — incluant la pratique étalée dans le temps — et enseignant pour un transfert dans des situations réelles. »

Je m’inquiète de la capacité de l’industrie à exploiter le potentiel éducatif des jeux vidéo, dans le sillage de la recherche en psychologie, alors que l’école se complaît dans des moyens vétustes. Combien de temps encore avant que l’industrie du jeu vidéo ne commence à faire du product placement à l’instar d’Hollywood. Ce n’est qu’un exemple, et non le meilleur. Les experts en marketing savent faire preuve de beaucoup de subtilité et de finesse dans leur créativité mercantile.


(Image thématique : Pattern of Violence, par Keren Cytter)


Par ricochet :
Les armes dans les écoles et la violence chez les jeunes
Les jeux vidéo rendent-ils agressif (Michaël L.D.)

L'agonie des commissions scolaires

PousetteDanceAgony.jpgLa seule chose qui nous sauve de la bureaucratie c’est l’inefficacité. Une bureaucratie efficace est l’une des pires menaces à la liberté. (Eugene McCarthy)

Peut-on sérieusement prétendre que les commissions scolaires existeront encore dans cent, cinquante, voire vingt ans? Au moment où la scolarisation et la professionnalisation appellent à l’autonomie de gestion, où la diversité régionale et le multiculturalisme demandent des accommodements communautaires, où les forces sociales attisent la mouvance, où les nouvelles technologies bouleversent la transmission du savoir et où les écoles vivent dans la dèche, on ne saurait maintenir une bureaucratie qui gruge les ressources et freine le développement. Les commissions scolaires sont des reliques du siècle passé.

Je ne ferai pas l’inventaire de la couverture médiatique qui a suivi le dernier haro de Mario Dumont sur les commissions scolaires. Mario Asselin s’en est très bien acquitté (Mario tout de go : Mario Dumont met de la pression sur les commissions scolaires; pourquoi pas?). Du reste, il y va d’une excellente diatribe dont le constat le plus accablant, que je partage, est que « je ne fais plus confiance aux gestionnaires des C.S. pour proposer les changements nécessaires. »

Les institutions doivent s’adapter ou périr. André Caron, le président de la FCSQ, se débat comme un diable dans l’eau bénite pour défendre son fief. Ses propositions de renouvellement de la démocratie scolaire, en plus de manquer d’originalité, poussent l’effronterie jusqu’à revendiquer plus de pouvoirs pour les commissions scolaires et plus d’argent pour les commissaires. D’autres que moi trouvent cela pathétique (Le professeur masqué : Commissions scolaires: j’ai voté…). Il est impensable qu’un appareil si coûteux affiche tant d’insipidité.

Là où la FCSQ fait du bon travail, c’est quand elle cultive la peur. Ce n’est pas très difficile quand Mario Dumont, avec ses coups d’éclat simplistes, joue au Bonhomme sept heures. Peut-être même sert-il la cause des commissions scolaires en proposant une solution si peu nuancée. La FCSQ ne ratera pas une occasion de souligner tout ce que coûte l’abolition des commissions scolaires, comme dans ce rapport [note : ce rapport n’est plus en ligne] sur les salaires des employés d’entretien, sans un mot sur le coût des 1311 commissaires élus ou le fardeau financier des 72 commissions scolaires (source). La vision à court terme sert bien la peur.

L’argent s’avère un excellent combustible à la peur. Après la FCSQ qui se targue en quelque sorte des faibles salaires de ses employés de soutien, Alain Dubuc rapporte que la gestion des immeubles « coûterait de 38 à 58 millions de plus » (La Presse : Mario strikes again [note : ce rapport n’est plus en ligne]). Veut-on ainsi justifier ces iniquités? Du coup, j’ai l’impression que l’on considère les écoles comme un tiers-monde de notre société. L’éducation n’est pas qu’une question de budget annuel. On ne prépare pas l’avenir en considérant les écoles comme des garderies.

La FCSQ se targue que « 68 % des Québécois sont favorables au maintien des commissions scolaires. On ne claironne pas que seulement 30 % y sont « très favorable » (sondage Léger Marketing). On peut d’ailleurs se questionner sur la valeur de cette opinion : la faible participation aux élections municipales laisse entendre que les gens sont bien peu au fait des commissions scolaires. La participation et la supervision des citoyens sont bien mieux assurées par la participation des parents aux conseils d’établissement que par une démocratie boiteuse.

La FCSQ s’est bien gardée d’interroger les éducateurs. Je n’entends personne dans mon entourage vanter les mérites des commissions scolaires. À vrai dire, elles n’existent pas, sauf quand elles prennent des mauvaises décisions. Les directions d’école ont s’en doute plus lieu de s’en plaindre, de l’aveu d’une directrice d’expérience (L’Infobourg : LE SOLEIL : « Les commissions scolaires ne devraient pas exister ») et de la Fédération québécoise des directeurs d’établissement d’enseignement (Le Devoir : Les commissaires d’école sont-ils encore utiles ?).

Cette position de la FQDE, tout comme la réussite des écoles privées, pourtant autonomes, devrait faire taire ceux qui allèguent que les directions d’école sont déjà trop surchargées pour gérer de nouvelles responsabilités. Mario, fort de son expérience de directeur d’école, s’est d’ailleurs empressé de dégonfler cet argument. Les directions d’école, au contraire, ont besoin qu’on les allège de la paperasse qui les empêche d’assumer leur leadership. Et il n’est nul besoin de leadership plus pressant qu’en ces temps d’instabilité.

Mise à jour, 26 janvier 2008 | Il n’y a pas qu’au Québec où on remet en question la pertinence des commissions scolaires. Aux États-Unis, Matthew Miller conclut également que les commissions scolaires sont une structure qui a fait son temps (The Atlantic : First, Kill All the School Boards).

Mise à jour, 29 juillet 2010 | Ailleurs au Canada, on s’interroge également sur la pertinence des structures éducationnelles (The Globe and Mail : Should governments close ou school boards?).

Looking to international models, critics argue that eliminating school boards would generate millions of dollars of savings each year in every province, and remove a layer of bureaucratic red tape.


(Image thématique : The Dance of Agony, par Richard Pousette-Dart)


Par ricochet :
La caducité des commissions scolaires
La décentralisation des écoles (sans commission scolaire)
Quoi ? Les CS ont des surplus budgétaires !
La bureaucratie est cause de maladie mentale
Les commissions scolaires sous le couperet
Appel électoral à l’abolition des commissions scolaires
Des chercheurs questionnent l’utilité de l’école

Étude : les portables dans les écoles favorisent l'écriture

FrankenthalerSkywriting.jpgLa musique a sept lettres, l’écriture a vingt-cinq notes. (Joseph Joubert)

Bonne nouvelle relativement à l’utilisation des nouvelles technologies dans les écoles : une étude révèle que le programme d’ordinateurs portables du Maine (Maine Learning technology Initiative) a un effet positif sur les habiletés d’écriture des élèves (K-12 Computing Blueprint : Good News from Maine About the Impact of Laptops on Writing Skills). Quoique les résultats sont restés inchangés en mathématiques, montrent un modeste gain en science et une faible baisse en lecture, les portables ont particulièrement favorisé l’écriture. En toute honnêteté, cependant, les variations semblent bien minces.

Il faut rappeler, par ailleurs, que l’utilité des ordinateurs ne se résume pas à des tests standardisés. La valeur d’une F1 est ailleurs que dans le trajet à l’épicerie du quartier. Il faut regarder plutôt du côté des habiletés supérieures, comme la métacognition, la méthode et la collaboration. À ce sujet, Tim Magner, directeur des technologies éducatives au Département de l’Éducation (États-Unis), recommande neuf lectures pour comprendre l’impact des technologies sur l’apprentissage (The Wall Street Journal : Recommended Reading: Using Technology in the Classroom) :

Mise à jour, 11 novembre 2007 | Un autre article qui traite de l’étude sur les effets positifs des portables relativement à l’écriture (eSchool News : School laptop program begets writing gains).


(Image thématique : Skywriting, par Helen Frankenthaler)


Par ricochet :
Les TIC : un indicateur de réussite scolaire
L’efficacité des portables en classe mis en doute
Étude : les TIC favorisent l’apprentissage
Étude : le texto ne nuit pas à la litératie
Le texto serait bénéfique à la grammaire
La qualité de la langue et les blogues scolaires
L’écriture collaborative en classe
Les blogues stimulent la pensée

Constructivisme, socioconstructivisme et connectivisme

ShpritserConnectionsI.jpgL’éditeur, ce n’est pas celui qui dompte la bête, c’est celui qui la socialise. (Christine Angot)

Par souci d’individualisation et de métacognition des apprentissages, je résiste à la tentation d’obliger les élèves à utiliser leur blogue scolaire. Je mise plutôt sur des facteurs de motivation tels que la perception de valeur, de compétence et de contrôlabilité. Je ne manque donc jamais une occasion en début d’année de souligner aux élèves l’importance des nouvelles technologies dans l’apprentissage et l’optimisation de leur avenir. Je sais très bien que la première question, au moment de la présentation des blogues, sera « à quoi ça va me servir? »

Dès qu’il fréquente l’école, l’élève gagne à se saisir de certaines notions d’apprentissage. La métacognition, ça s’alimente. Non content d’une énumération des raisons de vouloir bloguer, j’ai cherché à illustrer, très simplement, l’apport accru des nouvelles technologies dans la dynamique de l’apprentissage. Pour faciliter la compréhension, j’ai limité la représentation aux différences entre le constructivisme, le socioconstructivisme et le connectivisme.

L’absence de certaines théories ne résulte que du besoin de simplification. Je réitère que le but est de schématiser les avantages, sur le plan de l’apprentissage, de recourir aux technologies du maillage. En outre, je crois utile de souligner que les modèles ne sont pas en opposition, mais qu’ils se complètent (cliquez sur l’image pour l’agrandir, voyez l’illustration dans une fenêtre ajustable, ou téléchargez la version PDF).


    csconnectivismesmall.jpg

Dans son excellent discours sur les nouvelles technologies, le philosophe Michel Serres s’interroge sur ce qu’elles apportent de nouveau. Parmi les éléments considérés, il ne retient que l’espace. Clive Thompson réfère aussi à l’espace quand il parle de l’extériorisation des facultés cérébrales (Wired : Your Outboard Brain Knows All), comme le rapporte Jacques Cool. Mais c’est faire peu de cas de la genèse issue du flux instantané de l’information. Ce que le Web apporte de nouveau, c’est aussi une intensité dans la mouvance et la convergence de l’information. Non seulement la triple synergie de l’instantanéité, de l’étendue et du volume de l’information modifie-t-elle la qualité intrinsèque de l’information, mais elle donne lieu à des idées qui autrement ne verraient jamais le jour. C’est plus qu’une question de degrés : la perception revêt un caractère collectif et dynamique.

Le résultat s’apparente en quelque sorte à l’évolution d’une page Wikipédia, avec ses ajouts, ses correctifs et ses retraits sporadiques. Si on pouvait visualiser la progression d’un concept dans le cerveau, cela ressemblerait sensiblement à l’historique d’une page dans Wikipedia, réalisée à l’aide d’une application créée par IBM (Social Science Statistics Blog : Visualizing the evolution of open-edited text).


    IBMVisualizationWikipedia.jpg

Pour faire suite à l’excellente dissertation de Philippe Navarro sur le rapport de la cybersphère à la noosphère (Le Devoir : Le devoir de philo – Teilhard de Chardin craindrait YouTube), je dirais que le premier est l’électrification du second. La noosphère est une sorte d’épistémè que l’on subit, alors que la cybersphère est un environnement culturel sur lequel on agit.

Un changement de cette envergure modifie nécessairement les pratiques auxquelles l’école doit préparer les jeunes. Anne Zelenka offre une autre comparaison du changement de paradigme qui secoue les milieux de travail (GigaOM : From the Information Age to the connected Age). Puisque j’avais résolu de refaire un tableau qui manquait quelque peu de lisibilité, j’en ai profité pour le traduire :

    TravailSavoirsVsTravailWeb.jpg

L’homme a déjà dévolu à l’ordinateur les fonctions de mémorisation et d’analyse, mais il conserve la plus importante : l’imagination. Par ailleurs, le grand avantage de l’homme sur l’ordinateur demeure sa diversité, résultat de son unicité, contrairement aux machines produites en série. De cette diversité découle un foisonnement de la pensée quand la collectivité est mise à profit.

Mise à jour, 20 octobre 2007 | Jacques Cool présente un résumé très intéressant d’une conférence de George Siemens, le père du connectivisme, lequel résumé inclut des croquis qui incitent à la réflexion (Ze Cool blogue : Vivre, apprendre, communiquer dans un monde d’instantanéité…). La réflexion, après tout, s’inscrit dans la dynamique d’apprentissage favorisée par le connectivisme ;-)

Mise à jour, 18 juillet 2011 | Les nombreuses attaques contre Internet et ses effets sur la pensée me portent à croire que la théorie du connectivisme de Siemens, puis Downes, va au-delà de l’apprentissage et qu’elle constitue en quelque sorte une théorie augmentée de la pensée. Le réseautage ubiquitaire de l’activité humaine, un néo-phénomène dans l’évolution de l’espèce, nous oblige à considérer les théories dans une nouvelle perspective. De la même manière que l’outil est une extension de la main, pour reprendre une image qui pèche par sa simplicité, les technologies de la cognition, dès lors qu’elles sont maillées, constituent une extension du cerveau.

Malgré que le processus soit circulaire plutôt que linéaire (réticulaire de surcroît), la pensée se situe en amont de l’apprentissage. Par conséquent, il faut situer la causalité de l’effet des nouvelles technologies au niveau de la pensée. Cela ne signifie pas que le connectivisme soit absent des processus d’apprentissage, mais qu’il le transcende en antériorité et en postériorité. Cet argument, s’il tient la route, réfuterait certaines critiques du connectivisme en tant que théorie d’apprentissage.

Et pour ceux qui s’inquiètent des effets d’Internet sur le cerveau, rappelez-vous que l’homme, dans sa nature, ne change que très lentement. Seuls les comportements changent, au gré de l’environnement et des événements. Le cerveau, par effet de plasticité neuronale, s’adapte au changement comme il l’a toujours fait. Si Internet devait disparaître, il s’adapterait à nouveau.


(Image thématique : Connections I, par Eve Shpritser)


Par ricochet :
Le connectivisme (néo socioconstructivisme)
Le constructivisme, en trois phrases
5 composantes de la connectivité
Constructivisme vs connectivisme
Survol de l’apprentissage et du connectivisme
Conférence / connectivisme : George Siemens
Les TIC et la pensée
Une étude à l’appui du socioconstructivisme
L’humanité en réseau
CCA : Examen de la construction du savoir

Qu'est-ce qui fait un bon professeur?

KleeStarTeachesBending.jpgLe professeur a réussi au moment où son élève devient original.
(Lane Cooper)

La science aimerait bien réduire l’enseignement à des règles universelles. Cela ne se produira pas, car l’Homme est essentiellement unique, donc divergent. Quoique les statistiques, les normes et la tyrannie du plus grand nombre guident les systèmes, elles ne font rien pour les individus. Ainsi, l’éducation est multidimensionnelle, poursuivant l’harmonie de la science et l’art, la tête et le coeur, le tout et le moi. Dans ce creuset, qu’est-ce donc alors qu’un bon enseignant?

Mike Baker tente de répondre à la question à la lumière des témoignages des élèves dans le cadre des Teaching Awards décernés aux meilleurs enseignants du Royaume-Uni (BBC : Let the pupils rate their teachers). Après avoir sillonné les écoles du pays et interrogé des centaines d’élèves, Baker en arrive à cibler quelques qualités qui distinguent les as de la classe (cliquez sur l’image pour un agrandissement).

    QualitesBonProfSmall.jpg

Peut-être, après tout, vaut-il mieux examiner la question à travers la lorgnette des élèves. On remarquera, de ce point de vue, que l’intelligence est plus émotionnelle que cognitive. Les enfants, après tout, n’ont rien perdu de leur naturel.

Mise à jour, 24 novembre 2007 | Sur le même sujet, voir aussi l’excellente synthèse faite par Mario (Mario tout de go : Qu’est-ce qu’un bon prof?), ainsi que la réflexion plus personnelle de Patrick (PédagoTIC… : Qu’est-ce qu’un bon prof?)

Mise à jour, 24 juillet 2010 | Une étude de l’Université d’Hertfordshire indique que l’habileté d’un professeur à divertir les étudiants constitue un facteur d’apprentissage et de motivation à la présence en classe (AlphaGalileo: Entertain to Educate!).

Mise à jour, 22 août 2010 | Philippe Watrelot, professeur à l’IUMF de Paris et président du CRAP-Cahiers Pédagogiques, signe un excellent billet dans lequel il fait sa propre réflexion des caractéristiques d’un bon prof, en s’inspirant de plusieurs sources (Chronique éducation : Qu’est-ce qu’un bon prof?).

Mise à jour, 22 août 2010 | Pour une synthèse plus complète de ce qui constitue un bon prof, je vous invite à consulter cet autre billet : Les caractéristiques d’un bon professeur.

Mise à jour, 25 septembre 2010 | Au tour de Clermont Gauthier de nous décrire les qualités d’un bon professeur, mais au travers la lorgnette de l’enseignement explicite (Sciences Humaines : Qu’est-ce qu’un bon prof?).


(Image thématique : This Star Teaches Bending, par Paul Klee)


Par ricochet :
Les caractéristiques d’un bon professeur
Qualités d’un professeur qui motive les élèves
Qu’est-ce qu’un professeur? (selon Teemu Arina)
Les neurosciences et la joie d’apprendre
Neurosciences, cognition et affectivité
En apprentissage, l’émotion l’emporte sur la raison