L'agonie des commissions scolaires

PousetteDanceAgony.jpgLa seule chose qui nous sauve de la bureaucratie c’est l’inefficacité. Une bureaucratie efficace est l’une des pires menaces à la liberté. (Eugene McCarthy)

Peut-on sérieusement prétendre que les commissions scolaires existeront encore dans cent, cinquante, voire vingt ans? Au moment où la scolarisation et la professionnalisation appellent à l’autonomie de gestion, où la diversité régionale et le multiculturalisme demandent des accommodements communautaires, où les forces sociales attisent la mouvance, où les nouvelles technologies bouleversent la transmission du savoir et où les écoles vivent dans la dèche, on ne saurait maintenir une bureaucratie qui gruge les ressources et freine le développement. Les commissions scolaires sont des reliques du siècle passé.

Je ne ferai pas l’inventaire de la couverture médiatique qui a suivi le dernier haro de Mario Dumont sur les commissions scolaires. Mario Asselin s’en est très bien acquitté (Mario tout de go : Mario Dumont met de la pression sur les commissions scolaires; pourquoi pas?). Du reste, il y va d’une excellente diatribe dont le constat le plus accablant, que je partage, est que « je ne fais plus confiance aux gestionnaires des C.S. pour proposer les changements nécessaires. »

Les institutions doivent s’adapter ou périr. André Caron, le président de la FCSQ, se débat comme un diable dans l’eau bénite pour défendre son fief. Ses propositions de renouvellement de la démocratie scolaire, en plus de manquer d’originalité, poussent l’effronterie jusqu’à revendiquer plus de pouvoirs pour les commissions scolaires et plus d’argent pour les commissaires. D’autres que moi trouvent cela pathétique (Le professeur masqué : Commissions scolaires: j’ai voté…). Il est impensable qu’un appareil si coûteux affiche tant d’insipidité.

Là où la FCSQ fait du bon travail, c’est quand elle cultive la peur. Ce n’est pas très difficile quand Mario Dumont, avec ses coups d’éclat simplistes, joue au Bonhomme sept heures. Peut-être même sert-il la cause des commissions scolaires en proposant une solution si peu nuancée. La FCSQ ne ratera pas une occasion de souligner tout ce que coûte l’abolition des commissions scolaires, comme dans ce rapport [note : ce rapport n’est plus en ligne] sur les salaires des employés d’entretien, sans un mot sur le coût des 1311 commissaires élus ou le fardeau financier des 72 commissions scolaires (source). La vision à court terme sert bien la peur.

L’argent s’avère un excellent combustible à la peur. Après la FCSQ qui se targue en quelque sorte des faibles salaires de ses employés de soutien, Alain Dubuc rapporte que la gestion des immeubles « coûterait de 38 à 58 millions de plus » (La Presse : Mario strikes again [note : ce rapport n’est plus en ligne]). Veut-on ainsi justifier ces iniquités? Du coup, j’ai l’impression que l’on considère les écoles comme un tiers-monde de notre société. L’éducation n’est pas qu’une question de budget annuel. On ne prépare pas l’avenir en considérant les écoles comme des garderies.

La FCSQ se targue que « 68 % des Québécois sont favorables au maintien des commissions scolaires. On ne claironne pas que seulement 30 % y sont « très favorable » (sondage Léger Marketing). On peut d’ailleurs se questionner sur la valeur de cette opinion : la faible participation aux élections municipales laisse entendre que les gens sont bien peu au fait des commissions scolaires. La participation et la supervision des citoyens sont bien mieux assurées par la participation des parents aux conseils d’établissement que par une démocratie boiteuse.

La FCSQ s’est bien gardée d’interroger les éducateurs. Je n’entends personne dans mon entourage vanter les mérites des commissions scolaires. À vrai dire, elles n’existent pas, sauf quand elles prennent des mauvaises décisions. Les directions d’école ont s’en doute plus lieu de s’en plaindre, de l’aveu d’une directrice d’expérience (L’Infobourg : LE SOLEIL : « Les commissions scolaires ne devraient pas exister ») et de la Fédération québécoise des directeurs d’établissement d’enseignement (Le Devoir : Les commissaires d’école sont-ils encore utiles ?).

Cette position de la FQDE, tout comme la réussite des écoles privées, pourtant autonomes, devrait faire taire ceux qui allèguent que les directions d’école sont déjà trop surchargées pour gérer de nouvelles responsabilités. Mario, fort de son expérience de directeur d’école, s’est d’ailleurs empressé de dégonfler cet argument. Les directions d’école, au contraire, ont besoin qu’on les allège de la paperasse qui les empêche d’assumer leur leadership. Et il n’est nul besoin de leadership plus pressant qu’en ces temps d’instabilité.

Mise à jour, 26 janvier 2008 | Il n’y a pas qu’au Québec où on remet en question la pertinence des commissions scolaires. Aux États-Unis, Matthew Miller conclut également que les commissions scolaires sont une structure qui a fait son temps (The Atlantic : First, Kill All the School Boards).

Mise à jour, 29 juillet 2010 | Ailleurs au Canada, on s’interroge également sur la pertinence des structures éducationnelles (The Globe and Mail : Should governments close ou school boards?).

Looking to international models, critics argue that eliminating school boards would generate millions of dollars of savings each year in every province, and remove a layer of bureaucratic red tape.


(Image thématique : The Dance of Agony, par Richard Pousette-Dart)


Par ricochet :
La caducité des commissions scolaires
La décentralisation des écoles (sans commission scolaire)
Quoi ? Les CS ont des surplus budgétaires !
La bureaucratie est cause de maladie mentale
Les commissions scolaires sous le couperet
Appel électoral à l’abolition des commissions scolaires
Des chercheurs questionnent l’utilité de l’école

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4 réponses

  • RAVIVER CES AGONISANTES CS

    Il y a ± 15-20 ans, il y a eu la fusion des commissions scolaires ou CS ; de je ne sais plus combien, on a réduit à 72 : y aurait-il lieu de réduire encore plus, au lieu de les « abolir », comme dans « démolir » ?

    Par exemple, spécifiquement à Québec, QC, on regrouperait les trois CS de Quebec, QC, en une seule ; parallèlement, on abolit, oui, mais, les écoles privées et, hors sujet, les soins médicaux privés ; ensuite, on greffe les écoles privées à la CS unifiée, ou elles s’y greffent, c’est selon ; finalement, tout le monde travaille ensemble dans le même sens, ce qui n’empêcherait pas les directeurs d’écoles d’exercer leur autonomie créativeault-administrative, les enseignant-e-s d’enseigner et, les élèves d’apprendre.

    Le projet pédagogique commun de cette CS unifiée et ses rôles mécaniques, comme embaucher, répartir les taches d’enseignement, ou préparer les paies, seraient comme les multiples racines réunies au tronc commun d’un même arbre, dont les différentes branches sont les écoles, primaires ou secondaires, et les feuilles, les élèves, qui, eux, tombent annuellement, au début de chaque été, pour éventuellement devenir des fruits, en sec V.

    Comme les racines et le tronc d’un arbre sont partie prenante de la production fruitière, car ils fournissent aux feuilles et fruits des minéraux et de l’humidité pour la sève et chaque feuille, je dirais qu’il faut conserver les CS, quitte à les réorganiser, à les simplifier et à les fertiliser, entre autres avec des $$$. Finalement, considérons les jardinières et jardiniers enseignants à Québec, QC : des cohortes de nouveaux enseignants sortent annuellement de l’Université Laval ; s’ils pouvaient faire affaire à une seule CS unifiée, au lieu de trois CS + d’innombrables écoles privées, il me semble que ce pourrait vraiment devenir plus efficient pour tous.

    Ainsi, la CS unfiée de Qc, QC, à partir des trois CS actuelles + toutes les écoles privées francophones, pourrait envoyer un courriel aux équipes de Bill, Gates, dell.ca, Apple, ou autres, et leur demander quels aubaines ils nous feraient pour que chaque élève et enseignant du primaire ou du secondaire de la CS de Qc, QC, soit nanti d’un portable ; les autre CS unfiées pourraient faire de même, individuellement ou ensemble ; c’est selon.

  •  » Mario, fort de son expérience de directeur d’école, s’est d’ailleurs empressé de dégonfler cet argument. Les directions d’école, au contraire, ont besoin qu’on les allège de la paperasse qui les empêche d’assumer leur leadership »

    Le réseau d’où Mario provient a depuis longtemps compris la nécessité de se donner une structure de services, un « corps intermédiaire », en soutien aux établissements et auquel on confie aussi des mandats de relations publiques et de démarchage politique. Par ailleurs, ces établissements privés évoluent dans un marché de concurrence où il n’est jamais question de trancher quant aux cartes scolaires, aux bassins d’alimentation des écoles, à l’obligation d’offrir des services à toutes les catégories de clientèle. Pensez à toutes les écoles du Québec qui deviendraient totalement autonomes demain matin. Pensez au type d’organisation et de mesures qu’elles devraient adopter pour travailler sur ces dossiers majeurs qui commandent d’importants efforts de coordination ? Je vous parie que ça finira par ressembler à une CS, peut-être avec un modèle gouvernance complètement redessiné et des instances de concertation, d’arbitrage et des mécanisme de répartition des ressources forts différents. Et des gens, désignés pour gérer tout ça au nom de tous leurs commettants.

    Mon cher Guité, on n’assiste peut-être pas tant à l’agonie des Commissions scolaires qu’à l’émergence difficile d’un nouveau modèle de gouvernance.

    God knows…

  • Michel a raison, François. Cette structure existe bel et bien. Il s’agit de la Fédération des établissements d’enseignement privé, FEEP. Il y a un peu plus de 100 000 élèves au privé. Ils sont près d’un *million* au public.

    Par ailleurs, je ne sais pas si, comme le pense Michel, nous nous dirigeons vers l’émergence d’un nouveau modèle de gouvernance. Mais je crois que c’est dans cette direction que l’on devrait travailler.

  • Cette idée d’un « nouveau modèle de gouvernance », avancée par Michel, mérite certainement considération. J’avais déjà abordé la question, en des termes plus vagues, en conclusion de premier billet dans lequel je réclamais l’abolition des commissions scolaires actuelles. Djeault nous présente une autre solution ci-dessus, mieux définie et qui a le mérite de tenter un rapprochement du public et du privé. Mais tout cela reste hypothétique. Comme je le disais dans un deuxième billet, on ne saurait acquiescer à l’élimination des commissions scolaires sans d’abord savoir ce qui les remplacera.

    Michel soulève des problèmes intéressants. D’autres modèles dans le monde fonctionnent beaucoup mieux sans une structure de commissions scolaires. La Finlande, encore une fois, pour ne nommer que ce pays-là. Nous ne sommes quand même pas si nonos au Québec que nous ne puissions pas évoluer vers d’autres modèles.

    À ce sujet, cependant, je penche plutôt vers une pluralité de modèles plutôt qu’un seul. Le temps n’est plus à l’uniformité. Surtout pas celle des présentes commissions scolaires.



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