Étude : la répétition à outrance n'aide pas la mémoire

DaliPersistenceMemory.jpgDieu ne se répète jamais, même dans un brin d’herbe.
(Taylor Caldwell)

Il y a une longue tradition en enseignement, difficile à déraciner, voulant que l’on apprenne les choses séquentiellement, une à la fois. Mieux encore, on favorise la répétition pour consolider les acquis. Toutefois, une étude publiée dans Current Directions in Psychological Science (Increasing Retention Without Increasing Study Time [PDF]) indique que la concentration des activités, du moins en ce qui concerne le par coeur, ne favorise en rien la mémoire à long terme (Eureka Alert! : Back to School: Cramming doesn’t work in the long term). Après un mois, il ne reste plus rien de l’effort additionnel.

Par contre, la réactivation des connaissances a un effet positif sur la mémorisation. Dans une autre expérience, les chercheurs ont constaté une hausse des résultats après l’espacement des sessions d’étude. D’un point de vue pédagogique, cela souligne l’importance d’activer les connaissances antérieures. L’expérience m’a appris que plus le délai est long, plus on gagne à faire l’exercice collectivement.

L’intégration périodique des savoirs dans le cadre de contextes signifiants contribue encore davantage à la mémorisation. Cela explique pourquoi j’ai retenu les opérations mathématiques usuelles, mais que j’ai occulté la trigonométrie. Du coup, j’enrage de tout ce temps perdu à me casser le ciboulot sur des connaissances inutiles, notamment six années de latin. Malheureusement, je vois encore des professeurs pour qui l’enseignement est une messe.

(Image thématique : La désintégration de la persistance de la mémoire, par Salvador Dali)


Par ricochet :
Le stress occulte la mémoire
Multitasking, mémoire et déficit d’attention
Techniques de mémorisation
TIC, méthode, et mémoire de travail chez les élèves
6 qualités des connaissances mémorisées
Améliorer la mémoire par le geste

Vers l'éducation 2.0

WhiteLabSchool.jpgN’est pas conformiste qui veut. Il faut passer par l’éducation. (Michel Brie)

L’apprentissage est un phénomène naturel. Il ne connaît pas de frontières, contrairement aux systèmes d’éducation qui imposent des contraintes à l’enseignement. D’où l’attrait des réseaux qui se créent pour tâcher de faire avancer la cause de l’éducation dans ce qu’elle a de plus pur. Le RAEQ en est un bon exemple, quoique limité au Québec. Par ailleurs, plusieurs éducateurs déplorent le peu de cas que l’on fait des nouvelles technologies dans les écoles. Maintenant que les liens commencent à se tisser, le moment semble propice à une action plus concrète.

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10 raisons de lire aux enfants

CassattReading.jpgLa lecture d’un livre est, en un certain sens, une conversation. (Mortimer Adler)

La magie de la lecture surgit, comme un génie, des premières pages d’un livre pour enfants qu’on caresse. La tendre présence d’un père ou d’une mère, les inflexions touchantes de la voix, l’intimité, le baiser rassurant, l’imaginaire, tout conspire à obnubiler le présent, le temps d’un voyage en tapis volant. Malheureux enfants qu’on prive de ce nectar, innocentes victimes de familles inconscientes; pauvres parents que les habiletés incertaines et les lacunes de vocabulaire éloignent des livres (BBC : Many ‘struggling’ with storytime).

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Technologie de la sécurité vs d’apprentissage

SagronSecurity.jpgL’insécurité, voilà ce qui fait penser. (Albert Camus)

Les vendeurs savent flairer une bonne occasion. Leur métier est d’assouvir des besoins. Or, la sécurité est le deuxième besoin en importance dans la pyramide de Maslow, bien avant l’accomplissement personnel, un fait auquel les administrateurs scolaires sont particulièrement sensibles face aux interventions des parents. Confrontés à la violence dans les écoles, et à un sentiment général qui affiche par moment des signes de paranoïa, la tentation est grande de recourir à des mesures technologiques dont les vendeurs s’empresseront de faire miroiter les avantages. Considérant la précarité des budgets dans les écoles, les sommes investies dans les technologies de la sécurité sont autant de ressources perdues pour les technologies de l’apprentissage.

L’ingéniosité démontrée par l’industrie est assez évidente dans un sondage rendu public par CDW, un vendeur d’équipement et de services en nouvelles technologies. Sous le titre accrocheur de School Safety Index 2007 (PDF), le sondage met l’accent sur les carences technologiques des écoles en matière de sécurité (eSchool News : Education the key to better security). Bien que les résultats ne soient pas dénués d’intérêt, il faut analyser la question de sécurité dans une perspective globale. C’est d’ailleurs ce que laisse entendre le titre de l’article, bien maladroitement d’ailleurs puisqu’elle ne fait qu’effleurer le sujet, sans doute parce que rien dans le sondage ne traite des avantages des moyens éducatifs par rapport aux solutions technologiques.

La question ne touche pas que les États-Unis où des écoles ont recours aux détecteurs de métal ou aux cartes à puce. Aux dernières nouvelles, mon école, pourtant un fleuron de la commission scolaire, cherchait encore l’argent pour installer des caméras de surveillance. Et c’est sans compter les coûts reliés à la sécurité Internet, omniprésente dans les écoles. Les mesures mises en place constituent non seulement un obstacle à l’accès à l’information, mais également au développement professionnel des professeurs au regard des nouvelles technologies (voir à ce sujet le commentaire de Daniel Bigué).

Ce n’est probablement pas un hasard si la pub en marge de l’article vante les mérites d’une compagnie spécialisée dans la surveillance vidéo. Il n’est pas surprenant, non plus, que la démo des services offerts pour la surveillance des écoles primaires et secondaires soit protégée par un mot de passe. Ces gens-là sont obsédés par la sécurité.

Comme le disait Jean Trudeau dans un commentaire, il revient aux enseignants de faire valoir leur métier. C’est à nous de revendiquer les technologies nécessaires à l’éducation aux technologies. C’est à nous de démontrer que l’éducation est plus profitable que le contrôle. C’est à nous, enfin, d’aller voir la direction pour clamer qu’on peut faire davantage avec un projecteur qu’une caméra de surveillance.

Mise à jour, 10 avril 2010 | Malgré ce qu’en pense la ministre de l’Éducation, les caméras de surveillance s’immiscent dans les écoles (Le Soleil : Les caméras de plus en plus répandues à l’école). Et contrairement à ce qu’affirment les directions d’école, leur efficacité n’est pas démontrée, selon Égide Royer, professeur à l’Université Laval et codirecteur de l’Observatoire canadien pour la prévention de la violence à l’école : « Dans l’état actuel des connaissances, ce n’est pas la première chose à envisager. On n’a pas d’indication que c’est véritablement efficace. Une supervision d’adultes à l’intérieur de l’école est beaucoup plus importante. »

Il est regrettable d’entendre des directeurs d’établissement scolaire n’évaluer l’efficacité des instruments qu’au regard du contrôle du comportement plutôt que dans une perspective globale d’éducation et d’éthique sociale. L’école ne doit pas être un lieu où pèse un nuage de rapports de force, mais où règne un climat d’entraide.

Mise à jour, 18 juillet 2011 | La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL; France) met en demeure plusieurs établissements scolaires « de modifier leurs dispositifs de vidéosurveillance jugés excessifs. »

Lors de contrôles, la CNIL a constaté que ces dispositifs filmaient en permanence des « lieux de vie » tels que la cour de récréation, le préau ou le foyer des élèves. Les élèves et les personnels de l’établissement étaient ainsi placés sous une surveillance permanente. Or, seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier la mise en place de tels dispositifs de surveillance.

Selon Le Parisien (Les caméras de surveillance indésirables dans les écoles), cette initiative a valeur de jurisprudence. Sur le sujet plus général de la vidéosurveillance, voir aussi dans Le Monde : La Cour des comptes enterre la vidéosurveillance.


(Image thématique : Security, par Moti Sagron)


Par ricochet :
Sécurité virtuelle et éducation
Il suffit de quelques abrutis
Enseigner la sécurité informatique
Les 5 grands risques internet pour les enfants
La technologie de la violence
Argumentation par la peur

Métacognition autonome

UngarThoughts.jpgLa clarté orne les pensées profondes. (Vauvenargues)

En dépit des apparences, la métacognition n’est pas la libre activité qu’on veut bien croire. Dès l’école, on nous dit quoi apprendre, comment faire, où et quand travailler, s’échiner seul ou en équipe, ce qui est réussi ou pas, et ainsi de suite. Les habitudes s’incrustent, comme un carrousel, au point où on finit par faire les choses machinalement la vie durant. Pourtant, dans une perspective d’individualisation et de pérennité des apprentissages, il importe de développer chez l’élève l’autonomie métacognitive. La créativité découle de la liberté de pensée.

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Les connaissances toxiques

KettleToxicEmpire.jpgMalheur à la connaissance stérile qui ne se tourne point à aimer ! (Jacques Bénigne Bossuet)

Les quinze minutes de cette présentation par Daniel Dennett, philosophe et professeur à l’Université Tufts, bouleverseront votre notion des connaissances si vous n’en avez pas déjà une conception ontologique. Elle vous questionnera sur la toxicité des connaissances quand elles sont gobées plutôt que méditées. Dennett souligne la nécessité de la pensée critique, sans quoi les idées s’avèrent dangereuses. Il réussit même à semer un doute sur le projet One Laptop per Child.

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Étude : quelques effets des jeux vidéo sur l'éducation

PahlssonPlayingGames.jpgLes jeux des enfants ne sont pas des jeux.
(Michel de Montaigne)

Curieusement, les jeux vidéo n’ont pas le même impact sur les garçons et les filles. Une étude dans la revue Archives of Pediatrics & adolescent Medicine indique que les garçons qui s’adonnent aux jeux vidéo passent 30 % moins de temps à lire que leurs pairs qui s’en abstiennent, mais qu’aucune différence significative n’est observable chez les filles. Par contre, celles-ci passent 34 % moins de temps à leurs devoirs scolaires, alors que les garçons n’ont montré aucune différence sur ce plan (GamePro: Study: Video games rob reading, homework time). Par ailleurs, il ne semble pas que les amateurs de jeux vidéo passent moins de temps en compagnie de leurs amis ou de leurs parents, ni que leurs résultats scolaires en soient affectés.


(Image thématique : Playing Games, Paying Games, par Sven Pahlsson)


Par ricochet :
Lecture et jeux vidéo
Des jeux vidéo pour accroître l’attention
Jeux vidéo pour exercer le cerveau
Les jeux vidéos en éducation se font crédibles

7 principes pour éduquer la i-génération

Davis7Daisies.jpgApprendre à voir est un enseignement de même nature qu’apprendre à lire. (Pierre Rosenberg)

Le cerveau d’un enfant est une machine à apprendre, bien plus que chez l’adulte. Quand il arrive à l’école, l’enfant possède déjà une multitude de savoirs, ne serait-ce que sur le plan de la langue et des habiletés sociales. Ces savoirs découlent forcément de son environnement. Or, comme celui-ci se transforme substantiellement au fil des décennies, entre autres à cause des nouvelles technologies, l’élève qui entre à l’école n’est plus celui qu’était son enseignant à l’époque. Dans Growing up Digital: The rise of the Net Generation, Don Tapscott identifie huit changements paradigmatiques associés à l’apprentissage interactif (Innovate : The Knowledge Building Paradigm: A Model of Learning for Net Generation Students) :

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Neuroscience et développement de la lecture

FragonardLectrice.jpgLire est le seul moyen de vivre plusieurs fois. (Pierre Dumayet)

La littératie est la clé de voûte de notre système d’éducation. Les élèves qui éprouvent des difficultés de lecture sont lourdement handicapés. Au-delà des querelles sur les méthodes de lecture, dont les différences apparaissent plus systémiques qu’individuelles (EurekAlert! : No one strategy is best for teaching reading, FSU professor shows), il importe de rappeler que les difficultés sont de nature neurodéveloppementales et que l’unicité du cerveau appelle à la différenciation plutôt qu’à l’uniformité. Les neurosciences ont d’ailleurs largement contribué à notre compréhension des mécanismes de la lecture, en plus de suggérer des pistes de développement.

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La Loi de Pareto et l'éducation

WolfeTime.jpgL’autonomie est une condition de l’efficactié. (Jack Lang)

En plus d’accroître l’efficacité, l’autonomie contribue à la motivation, souvent même à la construction de sens. En éducation, toutefois, l’efficacité est organisée en fonction du système, non de l’élève. L’appareil est devenu une fin en soi, car l’ordre et les emplois en dépendent.

Tout le monde est dans le coup. Les politiciens en vantent l’importance, car leur réélection en dépend. Les fonctionnaires en consolident les fondements; leur avancement en dépend. Les administrateurs dans les commissions scolaires en étendent les structures; leur raison d’être en dépend. Les conseillers pédagogiques en diffusent les normes; leur pertinence en dépend. Les directeurs d’école huilent les rouages; leur tranquillité en dépend. Enfin, les professeurs assurent le mouvement, car leur santé en dépend.

Un système ne saurait fonctionner sans modalités, mais encore faut-il qu’elles tendent à sa finalité. En éducation, il me semble, cette finalité est l’enfant (à moins que l’on soutienne que c’est la société, ce à quoi je m’opposerais). Qui alors protège les élèves de la lourdeur de l’appareil? Certes pas les parents pour qui la perspective d’un emploi futur en assure la pérennité. Si seulement ils réalisaient l’inefficacité de l’école sur le plan individuel. Plus d’autonomie et de responsabilité obligeraient à plus de réflexion, et ainsi à plus développement. De suiveurs, les élèves deviendraient faiseurs. Mais cela suppose plus de libre choix.

La Loi de Pareto, appliquée à la gestion, stipule que « 20 % des moyens permettent d’atteindre 80 % des objectifs ». Richard Koch va plus loin en affirmant que la loi des 80/20 s’applique à de multiples facettes de la vie, un postulat qu’il a d’abord énoncé dans The 80/20 Principle. Selon Koch, 80 % des résultats découlent de 20 % des causes, comme quoi nous portons le cinquième de nos vêtements la plupart du temps.

C’est Michel Desbiens qui m’a le premier signalé le palmarès des 10 utilisations du temps les moins efficaces, selon Koch. Ce qui a immédiatement frappé Michel, c’est que les neuf premières activités concernent le travail des élèves dans un contexte scolaire traditionnel. Ma curiosité ayant été piquée, j’ai insisté pour qu’il m’envoie la liste. Ravi de tant de perspicacité, j’ai suggéré qu’il la diffuse sur son blogue. Mais comme il a d’autres chats à fouetter, je la reproduis ci-après :

    1. Activités que les autres vous imposent.
    2. Activités qui ont toujours été exécutées de la même manière.
    3. Activités dans lesquelles vous n’excellez pas.
    4. Activités dont vous ne tirez pas de plaisir.
    5. Activités qui sont constamment interrompues.
    6. Activités qui n’intéressent à peu près personne.
    7. Activités qui vous ont déjà pris deux fois plus de temps que prévu.
    8. Activités dans lesquelles vos collaborateurs sont médiocres.
    9. Activités dont le cycle est prévisible.
    10. Répondre au téléphone.

Évidemment, ces boulets alourdissent aussi le travail des éducateurs et des gestionnaires. J’en suis victime. Une boutade d’un collègue me revient : « On n’a plus le temps d’enseigner. » Je compte bien à l’automne voir comment le principe des 80/20 peut améliorer mon travail. Quant aux élèves, c’est déjà commencé; mais si je suis impuissant face aux contraintes de l’administration, je peux certainement encore repousser les limites de la gestion de classe.

(Image thématique : Time, par Rusty Wolfe)


Par ricochet :
Les organisations apprenantes
Les savoirs vs les structures de l’école
Les vertus du désordre
Études sur l’efficacité de l’apprentissage dans l’action
Défier le statu quo
Le chaos appliqué à l’éducation