Le suicide, fatal abandon

C’est par peur de la mort que je pense au suicide.
(Michel Blanc)

Si le suicide d’un adulte tonne dans l’apathique silence, un ultime appel à l’aide tourné vers l’au-delà, celui d’un enfant nous pétrifie au bord de l’incompréhensible néant. Sourds à la tragédie qui nous rappelle sans cesse que la vie ne tient qu’à un fil, si fragile, nous fermons aussi les yeux sur la détresse qui le ronge.

Son visage souriant hante encore mes souvenirs d’école. C’était l’un des élèves les plus aimables du Programme d’éducation internationale. Énergique, intelligent, badin, charmant. Mais petit, dépendant de lunettes, et seul. Une proie facile pour les requins qui sillonnent l’école. En rétrospective, sa proximité des enseignants, dont il cherchait le refuge, aurait dû éveiller mes soupçons. Une bonne humeur apparente, toutefois, masquait entièrement son désespoir. La nouvelle de sa pendaison, l’année suivante, ébranla l’école. Le temps d’un chagrin.

Comme la mission de l’école est d’instruire, socialiser et qualifier, force est d’admettre que le deuxième volet bat de l’aile. Le domaine de l’univers social se mure dans les connaissances historiques et géographiques. Dans son obsession à instruire et qualifier, l’école relègue l’apprentissage de la vie en commun à un maigre cours d’éthique et de culture religieuse. Le plus souvent, l’éducation à la citoyenneté se fait par règlements et caméras de surveillance. On s’occupe des mécanismes plutôt que de la pensée.

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Clair2012 : L’éducation et le futur

Le futur a été créé pour être changé.
(Paulo Coelho)

Cette année encore, le village de Clair accueillait des éducateurs impatients de changement, où j’ai animé un atelier sur ce qui se dessine à l’horizon de l’éducation. Au risque de se couvrir de ridicule, l’évolution débridée nous oblige à vaticiner. En éducation surtout, où on prépare à l’avenir, c’est un devoir.

Le comité organisateur de Clair2012 s’est surpassé, tant au regard du programme que de la webdiffusion. Le titre de ce billet, en fait, convient tant à l’événement qu’à l’école qui l’accueille. Au coeur du happening, Roberto Gauvin papillonnait avec la légèreté et l’assurance de celui qui se sait supporté par un courant de bénévoles aussi avenants qu’efficaces, notamment le personnel de l’école et les habitants de Clair. Pour qui débarque de la ville, la leçon d’hospitalité est rafraîchissante.

Avec Sylvain Bérubé, qui était partout ma foi, j’ai animé un atelier sur l’avenir de l’éducation. Nous devons à Sylvain sa dextérité à prendre des notes. L’endroit s’y prêtait à merveille, car le Centre d’apprentissage du Haut-Madawaska constitue l’une des rares écoles à conjuguer présent et futur. On a maintes fois répété qu’entre le moment où un enfant entre à l’école et qu’il en ressort, l’accélération du changement désavoue une bonne part de son éducation. Mais n’a-t-on jamais pensé aux enseignants qui y passent non pas 15, mais 35 ans?

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Révolution∞

La révolution consiste à aimer un homme qui n’existe pas encore. (Albert Camus)

Il ne s’agit pas ici de révolutions politiques, mais des révolutions internet. Car il n’y a pas qu’une révolution numérique. Plusieurs bouleversements concourent à transformer le monde et nos connaissances. En outre, leur intégration contribue à l’exponentiation du changement.

Force m’est de conclure que les gens sous-estiment l’ampleur du changement qui défile sous nos yeux. Comme ces flâneurs de musée au nez collé sur une toile, ils ne perçoivent guère le tableau que seul permet le recul.

L’ordre est réfractaire au changement, sauf évidemment celui qui le consolide ou qu’il réussit à apprivoiser. S’il s’adapte aux mutations, on parlera de progrès ou d’évolution. Il se trouve des cas, toutefois, où le changement est si brusque que les tensions précipitent une révolution dont l’onde de choc ne s’estompe que progressivement. Non sans déchirements au passage, comme la charrue qui précède la semence.

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iPad à l’école : avantages et inconvénients

Rien ne dure toujours, nous sommes voués à la nouveauté. (Isabelle Chenebault)

Au constat de leur retard en technologies de l’information et de la communication (TIC), plusieurs écoles tentent de s’y retrouver dans la panoplie des nouveaux outils. En plus des ordinateurs portables et des tableaux blancs interactifs, il faut désormais compter sur le iPad.

L’importance du besoin fait en sorte que je ne lésine pas sur les outils de communication et d’apprentissage. Je bosse sur un ordinateur de bureau, un portable, et un smartphone. Depuis que j’utilise un iPad, cependant, je suis envoûté. Je dois me rendre à l’évidence : le moins cher de mes ordinateurs est aussi mon complice de prédilection. D’autres ne résistent guère mieux.

L’iPad tarabuste l’éducateur en moi. Sa singularité ne procure encore que des tentatives éparses dans les écoles, quoique quelques expériences collectives verront bientôt le jour (Ars Technica : iPad goes under the gauntlet at universities this fall). Néanmoins, je constate tous les jours ses propriétés éducatives. Histoire d’amorcer la discussion, je propose d’examiner les avantages et les inconvénients du iPad à l’école.

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Injonction pour museler une blogueuse

govesilenceL’idée qu’un autre monde est possible est quand même plus stimulante que l’injonction de se résigner au désordre des choses! (Ségolène Royal)

Mise en garde : Le contenu de ce billet est sujet à caution. Le lecteur est prié de tenir compte des mises à jour, au bas du billet, ainsi que des commentaires.

Les blogueurs sont de tout acabit. Leur unanimité tient uniquement à la défense de la liberté d’expression. Naguère, ils faisaient corps pour porter secours à l’un des leurs. L’avenir nous dira si ce flambeau est toujours haut porté. Il y eut bien quelques remous dans la twittosphère à l’annonce d’une injonction de non-publication à l’endroit d’une blogueuse, mais en l’absence des faits on retenait son jugement. Toutefois, quelques gazouillis ne sauraient faire trembler un rugissement.

Depuis quelques jours, je suis avec intérêt la mésaventure de Marielle Potvin, l’auteure et animatrice du blogue Math et Mots. Récemment, on lui a servi une injonction l’enjoignant de ne plus communiquer avec son lectorat « par le biais de ce blogue ou par toute autre forme de communication. » [désaccord]

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Comment les médias sociaux stimulent ma mémoire

petersenmemoryLa mémoire la plus profonde est une mémoire de toute notre destinée. (Jean Guitton)

La mémoire, malheureusement, ne se commande pas. Il faut reconnaître notre faible empire sur cette contrée de l’intelligence. Au mieux réussit-on à cultiver aléatoirement certains souvenirs. On ne passe pas son temps, après tout, à déterminer ce que nous retenons, sauf peut-être l’école dans son déterminisme. La nature ne nous accorde pas ce pouvoir de décision. Malgré quelques stratégies de mémorisation, la chimie neuronale demeure souveraine au regard des sujets.

En amont de la pensée, le cerveau réagit principalement à des stimuli. Force m’est de reconnaître que les nouvelles technologies de la communication ont considérablement transformé la qualité des stimuli que j’absorbe, tant par leur substance que leur nombre. Emportée par le flot, l’information devient plus précaire. Néanmoins, je reste fasciné par les moyens dont ces mêmes moyens de communication pallient l’hécatombe mnémonique, comme s’ils contenaient leur propre antidote.

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YouTube et le multimédia

sieverdingvisualstudiesvLe spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images. (Guy Debord)

La vidéo est partout. Les ordinateurs, les panneaux publicitaires et les mobiles s’animent. La presse écrite a compris que son jumeau virtuel ne saurait s’en passer. De fait, la vidéo constitue à ce jour la forme de communication qui reproduit le plus réalistement le monde tel que nous le percevons. Seule la technicité en a ralenti le développement populaire, au profit des autres moyens de communication. Cette difficulté, pendant les millénaires où elle relevait de l’impossible, a certes contribué à l’essor de l’écriture.

Guidés par l’instinct, les jeunes réagissent spontanément à la réalité. Comme les adultes, ils succombent à l’attrait de la vidéo. Sans l’habitude du texte, toutefois, ils s’y abandonnent naturellement. Or, si les récentes générations se réfugiaient dans le cinéma et la télévision, la toile met désormais chaque internaute aux commandes de l’écran.

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Les blogues d’enseignants ont-ils une valeur pour la recherche?

denningappliancescienceL’idéologie guette la science en chaque point où défaille sa rigueur, mais aussi au point extrême où une recherche actuelle atteint ses limites. (Louis Althusser)

Je lis présentement Conflits de savoirs en formation des enseignants : Entre savoirs issus de la recherche et savoirs issus de l’expérience, une très intéressante collection de textes, sous la direction de Philippe Perrenoud et coll., qui témoigne entre autres de la complexité d’analyser la profession enseignante. Malgré la contemporanéité, la véracité et la perspicacité du propos, tout comme les allusions aux chercheurs québécois, j’ai subitement été sidéré par ce passage de la plume de Danielle Bonneton :

La pratique n’est guère plus facile d’accès à travers le récit. Les enseignants ont peu d’occasions de discuter, de confronter leurs pratiques, ou ils ne les saisissent pas, par peur du jugement. Même si la profession évolue, les enseignants favorables au partage des pratiques ne peuvent expliciter leur action que jusqu’à un certain point, faute de temps, de mots, d’outils, de distance.

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La sexualisation des jeunes

ostretsovsexLe sexe sans péché c’est comme un oeuf sans sel. (Carlos Fuentes)

La sexualité et l’apprentissage chez les jeunes suivent des voies concomitantes, en ce que l’un et l’autre s’émancipent du joug institutionnel. Ce faisant, elles perdent peu à peu leur caractère universel au profit de phénomènes générationnels. La jeunesse, emportée par la fougue, se distance malencontreusement des aînés, à qui l’expérience a appris la sagesse. Déboussolée, la vieillesse prêche une moralité souvent postiche. C’est le cas, il me semble, de la pornographie, une saleté dont on affuble tout ce qui touche la sexualité.

Le délicat sujet du sexe chez les jeunes me trotte dans la tête depuis quelque temps. Il suffit de côtoyer des adolescents pour y être exposé. Elle est si omniprésente qu’on y échappe plus. Quelques nouvelles récentes, dont un article rapporté par Florence Meichel (AgoraVox : Jeux pornographiques sur le net, attention danger!) et cet autre sur le sexting (Globe and Mail : Check out my hot bod: Wait, I can get that back, right?), n’ont fait qu’exacerber la question.

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Une heure pour la Terre

longostudyearthIl y a sur la terre un paradis brisé. (Jules Renard)

Certains croient que le réchauffement climatique dépend de causes naturelles. Ils ne constituent plus qu’une minorité à nier le consensus scientifique. Peu importe. À l’instar de Blaise Pascal dans l’apologie de la foi, pouvons-nous raisonnablement prendre le risque que le réchauffement planétaire ne soit pas l’effet de l’activité humaine, et ainsi justifier de ne rien faire? Jouer son existence divine au regard de l’éternité est une affaire personnelle; jouer le va-tout de l’humanité est d’un autre ordre.

Samedi, le 28 mars, à 20 h 30 heure locale partout dans le monde, aura lieu l’Heure pour la Terre 2009, un événement mondial auquel nous sommes conviés simplement en éteignant les lumières pendant 60 minutes. Plus de 1 800 localités dans 81 pays sont déjà inscrites. Le Canada, semble-t-il, domine le palmarès, malgré la faible participation du Québec.

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