La caducité des commissions scolaires

Le temps est venu d’abolir les commissions scolaires. Les déboires de la réforme, le cafouillis de l’intégration des TIC, la croisade contre les écoles privées, et la débandade au ministère de l’Éducation, dont le fiasco des prêts étudiants n’est que la dernière manifestation, témoignent de la nécessité de réorganiser le système de l’éducation. …

Force est de constater que les nombreux problèmes qui affligent l’éducation au Québec résultent de nombreuses années de restrictions budgétaires. Le secteur de l’éducation crie famine. Cependant, tout le monde réclame plus d’argent. À qui donner la becquée ? De fait, j’ai beau retourner la question dans tous les sens, je ne vois qu’une solution : redistribuer les ressources autrement.

La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE) a causé tout un émoi, récemment, en proposant « que le gouvernement du Québec mette fin au financement public du réseau d’écoles privées et qu’il réinvestisse ces sommes au sein du réseau public. » La proposition a fait couler beaucoup d’encre, comme en font foi la tapée d’articles dans Le Devoir d’aujourd’hui :

Tout compte fait, il ne sert à rien de tirer en rafale sur les écoles privées. La cible la plus visible n’est pas toujours la bonne. De surcroît, on risque de faire plus de mal que de bien. On peut douter des économies après que l’on ait relogé tous les élèves et absorbé le coût social de l’hécatombe des institutions en faillite. Par ailleurs, les écoles privées sont une source de diversité et d’émulation dont on ne saurait se passer. Il faut plutôt regarder ailleurs, notamment dans les châteaux forts des commissions scolaires qui engloutissent des sommes considérables, pour un bénéfice, somme toute, bien maigre.

À une époque où les enseignants étaient formés à l’école normale et où la communauté n’avait guère les ressources humaines pour superviser la qualité de l’éducation, les commissions scolaires représentaient un maillon important entre le gouvernement et les écoles. Les choses ont bien changé. Les enseignants sont maintenant des professionnels avec un diplôme universitaire. En outre, la génération des parents d’aujourd’hui est issue de l’école obligatoire et chaque village, si petit soit-il, a son lot d’universitaires. Ainsi, chaque communauté dispose des ressources humaines capables d’assurer la gouverne des écoles.

Dans ce contexte, la centralisation de l’éducation, avec autorité déléguée aux commissions scolaires pour assurer l’administration locale, est une aberration. Reconnaissons à l’État le rôle de déterminer les principes et les grands objectifs en matière d’éducation. Pour le reste, il faut faire confiance au milieu, à la condition de leur donner aussi les moyens. À cet effet, les écoles privées ont bien démontré la capacité des établissements indépendants de bien gérer l’éducation.

De plus, les conseils d’établissement témoignent de l’efficacité de la communauté à collaborer à la gestion des écoles. La volonté aussi est manifeste, bien au-delà des élections scolaires pour élire les commissaires. Le taux de participation à ces élections frôle le ridicule ; sans compter la politicaillerie des élus qui font généralement peu de cas des élèves.

L’appareil bureaucratique des commissions scolaires coûte très cher à l’État. Il appert que l’investissement n’est plus rentable et que la somme serait utilisée à meilleur escient si elle était redistribuée dans les écoles. Pour faire une analogie, malheureusement sarcastique, il faut éliminer les profiteurs entre le donnateur et les sinistrés.

En plus d’une population plus scolarisée, plusieurs facteurs justifient l’autonomie des communautés à gouverner les écoles. D’abord, celles-ci se sont toutes dotées d’un projet éducatif et d’un plan de réussite qui constituent les fondements d’une bonne gestion. Ensuite, les technologies de l’information assurent un lien direct entre les instances gouvernementales et les écoles, particulièrement au regard des ressources éducatives ; sans compter qu’elles permettent un réseautage plus étendu que les commissions scolaires. Sans ces dernières, il est même fort à parier qu’on assistera à un rapprochement des écoles publiques et privées. Enfin, il n’existe pas de moyen plus dynamique d’établir l’interaction avec la communauté, interaction si chère à la réussite de la réforme.

Cette réforme de l’éducation, à laquelle j’adhère, nécessite également une réforme de la structure administrative. Pour éviter les dérapages, et compte tenu de l’ampleur des fonds publics investis, un appareil de supervision doit être maintenu. Je suggère que les commissions scolaires soient remplacées par un seul bureau régional, relevant du ministère de l’Éducation, et qui assurerait le relais entre ce dernier et les écoles. Le mandat de ces bureaux serait fort limité (perception des taxes scolaires, supervision de la qualité des services, quelques services complémentaires pour répondre aux besoins des écoles). Les économies ainsi réalisées seraient considérables. Au besoin, le bureau régional pourrait assurer la tutelle des écoles déficientes ou de celles qui, faute de moyens, en font la demande.

Plusieurs traiteront cette proposition de ridicule. J’entends déjà la clameur provenant des administrateurs scolaires. Cependant, la situation exige des solutions radicales. Le moment n’est plus au rabibochage, mais à l’innovation.

Mise à jour, 26 janvier 2008 | Il n’y a pas qu’au Québec où on remet en question la pertinence des commissions scolaires. Aux États-Unis, Matthew Miller conclut également que les commissions scolaires sont une structure qui a fait son temps (The Atlantic : First, Kill All the School Boards).

Mise à jour, 15 avril 2009 | Voici qui n’est pas pour rallier le public à la cause des commissions scolaires : le Journal de Montréal affirme que la FCSQ « garde dans ses coffres un «coussin» d’environ 400 000 $ de fonds publics et verse à ses dirigeants des salaires de hauts fonctionnaires. » (Canoë : Surplus et gros salaires). Je reproduis ci-après le tableau des salaires et des dépenses le l’équipe de dirigeants de la FCSQ.

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Mise à jour, 17 janvier 2010 | Dans une analyse sévère du coût des commissions scolaires au Québec, l’économiste Paul Daniel Muller de l’Institut économique de Montréal dresse un bilan qui évalue à une centaine de millions de dollars par année les économies que la province pourrait faire en se débarrassant de cette structure administrative (Argent : Les commissions scolaires : une institution à réformer). On notera, malheureusement, l’absence de références quant aux sommes avancées. Par ailleurs, Muller recommande, avec une certaine sagacité, que cet argent serve non à des économies, mais soit réinvesti dans la lutte au décrochage.

Mise à jour, 06 février 2011 | Deux articles de blogue, coup sur coup, étayent la thèse d’une autonomie décentralisée. D’abord, un billet de Jean-Paul Jacquel qui analyse le sujet dans une perspective européenne (Solution de continuité : Que peut signifier plus d’autonomie pour les établissements scolaires?). Plus près de nous, un résumé du livre de deux professeurs de l’Université Concordia, Autonomy in the Workplace: An Essential Ingredient to Employee Engagement and Well-Being in Every Culture, qui souligne les bénéfices de l’autonomie (Planet techno science : Quand liberté rime avec satisfaction des employés) :

Les travailleurs qui bénéficient d’une certaine autonomie – c’est-à-dire qui se sentent libres et responsables de leurs choix professionnels − sont plus heureux et productifs.


Par ricochet :
S’affirmer aux dépens des écoles privées : invitation au dialogue ! (Mario tout de go)

Synthèse de l'apprentissage individualisé

L’apprentissage individualisé gagne du terrain, conséquence logique des nouvelles technologies de l’information. Le Northwest Regional Educational Laboratory a fait une fameuse synthèse de la recherche sur l’individuation des apprentissages (Developing Self-Directed Learners). Cela tombe à point, car cette première année d’expérimentation avec l’apprentissage entièrement individualisé a fait surgir un tas de problèmes imprévus. J’ai pu en résoudre certains en cours de route, mais quelques autres devront attendre le début de la prochaine année scolaire. (Le bilan de cette expérimentation pédagogique viendra plus tard.)

Par ricochet :
Recherche cognitive et individuation

Une grille d'évaluation de l'enseignant

L’université de Western Michigan offre une grille très élaborée de critères d’évaluation visant les enseignants. Looking for Good Teaching: A Guide to Peer Observation (voir page 9 du document PDF), par B. B. Helling, recense 270 critères d’évaluation, tirés de 70 ouvrages et regroupés par catégories. Trop longue, certes, pour être utilisée telle quelle, mais néanmoins une ressource fascinante pour composer sa propre grille d’évaluation à soumettre aux élèves.

Le connectivisme (néo socioconstructivisme)

On ne fait pas la découverte d’une nouvelle théorie d’apprentissage tous les jours. Dans Connectivism: A Learning Theory for the Digital Age, George Siemens explique comment les nouvelles technologies affectent l’apprentissage et pourquoi elles sont désormais nécessaires. C’est une lecture indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à l’acquisition des apprentissages. …

Essentiellement, le connectivisme constitue un modèle d’apprentissage qui reconnaît les bouleversements sociaux occasionnés par les nouvelles technologies, lesquels font en sorte que l’apprentissage n’est plus seulement une activité individualiste et interne, mais est aussi fonction de l’entourage et des outils de communication dont on dispose.

Quelques extraits saillants :

One of the most persuasive factors is the shrinking half-life of knowledge. The “half-life of knowledge” is the time span from when knowledge is gained to when it becomes obsolete.

Formal education no longer comprises the majority of our learning. Learning now occurs in a variety of ways – through communities of practice, personal networks, and through completion of work-related tasks.

Technology is altering (rewiring) our brains. The tools we use define and shape our thinking.

The organization and the individual are both learning organisms.

Many of the processes previously handled by learning theories (especially in cognitive information processing) can now be off-loaded to, or supported by, technology.

Know-how and know-what is being supplemented with know-where (the understanding of where to find knowledge needed).

We derive our competence from forming connections.

Since we cannot experience everything, other people’s experiences, and hence other people, become the surrogate for knowledge. ‘I store my knowledge in my friends’ is an axiom for collecting knowledge through collecting people.

Chaos is a new reality for knowledge workers. [...] Chaos is the breakdown of predictability, evidenced in complicated arrangements that initially defy order. Unlike constructivism, which states that learners attempt to foster understanding by meaning making tasks, chaos states that the meaning exists – the learner’s challenge is to recognize the patterns which appear to be hidden. Meaning-making and forming connections between specialized communities are important activities.

Learning, as a self-organizing process requires that the system (personal or organizational learning systems) “be informationally open, that is, for it to be able to classify its own interaction with an environment, it must be able to change its structure.

Self-organization on a personal level is a micro-process of the larger self-organizing knowledge constructs created within corporate or institutional environments. The capacity to form connections between sources of information, and thereby create useful information patterns, is required to learn in our knowledge economy.

Nodes always compete for connections because links represent survival in an interconnected world.

Connectivism is driven by the understanding that decisions are based on rapidly altering foundations. New information is continually being acquired. The ability to draw distinctions between important and unimportant information is vital. The ability to recognize when new information alters the landscape based on decisions made yesterday is also critical.

Within social networks, hubs are well-connected people who are able to foster and maintain knowledge flow.

As knowledge continues to grow and evolve, access to what is needed is more important than what the learner currently possesses.

Principles of connectivism:

    - Learning and knowledge rests in diversity of opinions.
    - Learning is a process of connecting specialized nodes or information sources.
    - Learning may reside in non-human appliances.
    - Capacity to know more is more critical than what is currently known.
    - Nurturing and maintaining connections is needed to facilitate continual learning.
    - Ability to see connections between fields, ideas, and concepts is a core skill.
    - Currency (accurate, up-to-date knowledge) is the intent of all connectivist learning activities.
    - Decision-making is itself a learning process. Choosing what to learn and the meaning of incoming information is seen through the lens of a shifting reality. While there is a right answer now, it may be wrong tomorrow due to alterations in the information climate affecting the decision.

Mise à jour, 04 février 2010 | Parmi les nombreuses présentations du connectivisme par George Siemens, toutes aussi éclairantes les unes que les autres, je retiens particulièrement celle-ci :


Par ricochet :
Principes d’apprentissage

Évaluation élitiste

Pendant que nous apprenons à faire de l’évaluation critériée, les Anglais songent sérieusement à créer des niveaux de performance A+ et A++ pour faciliter le tri des élèves pour l’accès à l’université (BBC: A++ grade ‘helps private schools’). Just Another Brick in the Wall.

Encore, et toujours, les maths

Le récent rapport du programme PISA, qui compare les performances des élèves à l’échelle internationale, cause des remous aux États-Unis. On s’inquiète beaucoup de ce que les Américains arrivent au 21e rang parmi les 29 pays industrialisés analysés. eSchool News en fait l’objet d’un éditorial (U.S. students lag behind in math). Cette obsession pour les résultats en mathématiques, qui occulte les performances peu reluisantes des élèves dans les autres domaines, me semble le reflet d’un système d’éducation axé sur les besoins de l’industrialisation au détriment des sciences plus humaines. Non pas que je veuille débiner les mathématiques, loin de moi cette idée, mais il appert que le navire donne un peu trop de la bande.


Par ricochet :
Rapport PISA sur les systèmes d’éducation

Diplôme d’études secondaires sans maths ni sciences (Du cyberespace à la cité éducative)
Blogomath (Jobineries)

Rapport PISA sur les systèmes d'éducation

Les derniers résultats du programme PISA de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont défrayé les manchettes dans plusieurs pays. Une fois de plus, la Finlande vient au premier rang de cette étude qui porte sur la qualité des systèmes d’éducation. Il ne s’agit pas de rejeter cette étude du revers de la main comme on fait avec les palmarès nationaux. À l’ère de la mondialisation, ces données ont des répercussions significatives quand elles incitent des entreprises à investir dans un pays plutôt qu’un autre. D’autant plus que les emplois créés dans un pays qui attire les investisseurs à cause du niveau d’éducation sont généralement des emplois de qualité. …

Les réactions à travers le monde :

• Canada :

• États-Unis :

• Grande-Bretagne :


Par ricochet :
L’efficacité du système d’éducation finlandais
Palmarès des écoles anglaises
Bulletin des universités canadiennes

Hypothèse sur les TIC en éducation

Les nombreux stagiaires que j’ai eu le plaisir d’accompagner, ces dix dernières années, avaient tous en commun une ignorance de l’utilisation pédagogique des TIC. Même ceux qui arrivent fièrement avec un ordinateur portable ne savent comment en faire profiter les élèves autrement qu’à l’aide de documents Word ou de présentations PowerPoint. Une stagiaire était ravie de me montrer une page Web statique réalisée à l’université. …

Les finissants connaissent les technologies les plus courantes (traitement de texte, courrier électronique), mais sont hésitants à approfondir leur utilisation en éducation. Quand on aborde la question des TIC comme instrument pédagogique, qu’on examine les possibilités des carnets électroniques, je croise des regards effarés. Manifestement, ils sont plongés dans une zone d’inconfort qui n’en est pas une de développement.

Ce malheureux constat m’amène à émettre une hypothèse qu’on réussira, j’espère, à réfuter. Il appert que généralement, les jeunes portés sur les nouvelles technologies ont peu de penchants naturels pour l’enseignement. Leurs prédispositions ou leurs compétences techniques les poussent vers d’autres domaines professionnels où les défis siéent davantage à leurs penchants positivistes. Ceux qui se dirigent vers l’enseignement préfèrent généralement les relations humaines, heureusement. Par conséquent, ils ont moins d’affinité pour les nouvelles technologies et accuseront toujours un retard sur ce plan, comme en font foi les enseignants déjà en place.

Pour contrer ce phénomène, il faut miser sur la vision et le leadership des décideurs. Le cas de l’Institut St-Joseph et du Maine Learning Technology Initiative sont deux exemples de paliers de décision différents.

On s’interroge, par ailleurs, à savoir ce que l’université fait en matière d’intégration pédagogique des TIC. Est-elle passée au paradigme de l’apprentissage, ou est-elle encore coincée dans l’abc de la bureautique ? Demande-t-on aux étudiants de reproduire le passé, ou de chercher comment les nouvelles technologies peuvent optimiser les apprentissages ? Cette dernière éventualité favoriserait le rayonnement des TIC auprès des enseignants qui accompagnent les stagiaires. Mais pour appuyer l’hypothèse ci-dessus, peut-être y a-t-il peu d’intérêt de part et d’autre.


Par ricochet :
Intégrer les TIC en classe
Tendances TIC sur les campus
TIC et programmes d’enseignement
Retard des TIC dans les universités
Les TIC auront-elles raison des écoles?
Le gouffre qui sépare enseignants et TIC
Future génération de profs (débranchés)

Les affres de la réforme

Malgré ma défense passionnée de l’esprit de la réforme, les récents bilans négatifs, le départ inattendu de Robert Bisaillon du MEQ, les positions syndicales et les observations dans mon école secondaire augurent le pire. L’analyse que je fais de la situation ébranle mon optimisme pour la première fois. J’en suis arrivé à la conclusion qu’un tel changement systémique est voué à l’échec s’il repose sur le bénévolat des professionnels, aussi louable soit-il. Force m’est de constater que la pénurie de ressources, les négligences dans la formation professionnelle, l’absence de collaboration et un environnement physique mal adapté, voire rébarbatif, nécessitent une générosité d’efforts et de sacrifices extrascolaires qu’il est aberrant d’espérer de la part d’une collectivité professionnelle. Passé minuit, et je suis encore à m’échiner sur mon enseignement, seul dans le noir. Je crains que bien peu d’enseignants aient ce missionnariat, surtout quand on a oublié d’asseoir leur foi.

Palmarès des écoles anglaises

Les Anglais aussi ont leur palmarès des écoles (BBC: The best and worst school results), largement fondé sur les résultats aux examens (BBC: GCSE/GNVQ performance in England). Sauf que celui-ci est sanctionné par le Department for Education and Skills. C’est pousser le pragmatisme jusqu’à son extrême impassibilité. À quand les palmarès des hôpitaux, des agences parapubliques, des ministères ?