Contrer l'intimidation dans les écoles

BrownBullyNeighborhood.jpgLe dialogue paraît en lui-même constituer une renonciation à l’agressivité. (Jacques Lacan)

La cyberintimidation est un sujet chaud. Chaque fois qu’il tombe sous les projecteurs, les médias s’en emparent. À juste titre, car on ne badine pas avec la violence. Le sondage (PDF) de la CSQ et le communiqué dénonçant la négligence du gouvernement dans le dossier de la cyberintimidation défraient la chronique. Avant-hier, Mario a soudainement été assailli par les journalistes (Mario tout de go : Ce qu’un communiqué peut provoquer dans une fin de journée). Hier matin, c’était mon tour d’être interviewé. La presse écrite était aussi de la farandole.

Inutile de revenir sur les ressources pour contrer la cyberintimidation. Il faut d’abord comprendre la culture Internet et tous les risques encourus, un sujet dont Mario a récemment dressé un excellent bilan. Sur la question plus spécifique de l’intimidation en ligne, cela a déjà été abordé. Une recherche sur la Toile procurera une tapée de ressources additionnelles.

Je préfère m’attarder aux demandes formulées par la CSQ dans son communiqué. D’abord, il faut féliciter la CSQ de ce tapage pour dénoncer la violence à l’école et pour réclamer que le plan d’action annoncé inclue la cyberintimidation. Mais l’aberration saute immédiatement aux yeux : les écoles doivent-elles attendre un plan d’action de l’État pour agir? Dans cette structure hiérarchique qu’est la nôtre, nous tendons à refiler les difficultés aux instances supérieures, fort loin, par ailleurs, de la particularité des faits. L’évidence s’en trouve dans la lourdeur des mesures imposées.

La CSQ recommande (1) que « les établissements d’enseignement se donnent des règles claires et qu’elles soient mises en application » et (2) qu’ils « se dotent d’un plan d’intervention comprenant de la sensibilisation et de l’éducation contre la violence à l’école. » Très bien. Il semble en effet que les interventions concertées sont plus efficaces dans la lutte à l’intimidation (EurekAlert! : Bullying can be reduced but many common approaches ineffective). Mon expérience, toutefois, me fait craindre que les écoles n’accordent la préséance à la première recommandation, au détriment de la seconde. Pour plusieurs administrateurs et enseignants, la coercition tient lieu d’éducation.

L’approche éducative est certes plus profitable à long terme. Un bel exemple nous en est donné par ce reportage de la BBC : Mentoring scheme beats bullies. Au PEI de l’école De Rochebelle, heureusement, nous avons su intervenir tôt et dans la coopération. Voici quelques-unes des actions que nous avons posées pour contrer la cyberintimidation :

    - demande de témoignages anonymes auprès des élèves
    - discussions en classe
    - invitation à bloguer sur le sujet
    - présentation de vidéos
    - intervention de la direction
    - conférences données par la policière-éducatrice
    - conférences et ateliers présentés par Jeunesse, J’écoute
    - affichage pour dénoncer l’intimidation

Enfin, je profite de l’occasion pour mettre en garde, une fois de plus, contre les périls des mesures coercitives. On connaît l’engouement des Britanniques pour la surveillance vidéo. Or, voilà qu’on songe maintenant à installer des caméras de surveillance dans les salles d’examen pour contrer la tricherie (BBC : CCTV could be used in exam rooms). Hormis le caractère abusif, onéreux et inefficace de ce genre de mesure, il faut envisager les répercussions sur une société et les excès auxquels les autorités peuvent se prêter (BBC : Council admits spying on family).


(Image thématique : The Bully of the Neighborhood, par John George Brown)


Par ricochet :

L’intimidation et les blogs
Un blog thématique sur l’intimidation
Étude sur les causes de l’intimidation
Les cicatrices de l’intimidation
Ressources contre l’intimidation en ligne
L’école : un milieu violent
Étude: comment contrer le bullying
Le Web des cons : insultes et menaces de mort
La technologie de la violence
Le tiers des ados en ligne victimes de cyberbullying
Les blogues scolaires pour combattre l’intimidation

Des jeunes qui prennent des risques dans le cyberespace (Mario tout de go)
Ce qu’un communiqué peut provoquer dans une fin de journée (Mario tout de go)

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6 réponses

  • «Dans cette structure hiérarchique qu’est la nôtre, nous tendons à refiler les difficultés aux instances supérieures, fort loin, par ailleurs, de la particularité des faits. L’évidence s’en trouve dans la lourdeur des mesures imposées.»

    En faisant un peu de « pouce » sur cette idée, je me dis que l’on a beaucoup trop tendance à demander aux gouvernements de légiférer partout : dernier exemple récent – le cellulaire en voiture… Autre exemple qui me vient à l’esprit : la tentative d’obliger le port du casque à vélo…

    Non pas que ces mesures soient inappropriées, mais le fait que l’on refile toujours aux hautes instances la responsabilité et la responsabilisation qui devrait, au départ, être l’affaire d’individus sensibilisés et conscientisés.

    Éducation avant législation ? Possible ? Voilà le sujet de mes réflexions suscitées par ce billet.

  • Le noeud du problème, à mon avis, se situe dans le siège du pouvoir. Dans quelle mesure peut-on décentraliser et distribuer le pouvoir de façon à éviter les abus? Or, l’exercice du pouvoir exige une compétence qui vient de l’expérience. Présentement, nous craignons de décentraliser le pouvoir de peur des cahots inévitables du début de parcours. C’est exactement la même peur qui retient les éducateurs d’affranchir les élèves du contrôle de la classe.

  • Luc Papineau dit :

    En matière de rigueur et de discipline, certains décideurs scolaires ont peur simplment d’intervenir.

    Je vois des directions avoir peur des élèves, avoir peur des parents: «On doit avoir un dossier blindé si on ne veut pas être blâmé.»

    La peur paralyse, la peur empêche l’action et la peur conforte certains à ne pas agir.

    Lors des dernières négos, un des moyens de pression était de ne pas tolérer les comportements agressifs et intimidants en classe. Quand ce qui devrait aller de soi devient un moyen de pression extra-ordinaire, on a de sérieux problèmes.

  • La peur est effectivement un obstacle à la gestion des écoles. C’est un sujet que j’avais abordé il y a quelques mois. N’y aurait-il pas dans les écoles assez d’éducateurs pour mener le navire? Mes observations me portent à croire que l’on craint justement, à certains niveaux, ceux qui pourraient exercer leur leadership.

  • «Mes observations me portent à croire que l’on craint justement, à certains niveaux, ceux qui pourraient exercer leur leadership.» :

    –alors on essaie de les faire taire en intimidant d’une façon ou d’une autre, ce qui peut fonctionner, en apparence, un temps. Mais vient le temps où la pensée de ces gens s’affirme plus ou moins ailleurs et alors le chat peut s’apprêter à rebondir d’une autre façon. 9 vies dit-on, à propos des félins ;-)

    Je suis peut-être trop orienté « parabole », en cette fin de semaine de corrections !

  • Crystal dit :

    J’ai beaucoup de compassion pour ses enseignants et étudiants victimes de cyberintimidation. Je crois que ce phénomène contemporain devrait être étudié de très près et qu’il devrait y avoir des ressources d’aide psychologique pour accompagner les personnes intimidées à travers leur démarche de dénonciation et afin de surmonter cette dure épreuve de la vie dans un cadre stricte et sécuritaire. Que les victimes puissent se confier et que les jeunes soient sensibilisés dès l’école primaire aux impacts de la cyberintimidation (si ce n’est pas encore le cas) favoriserait sans doute un climat plus harmonieux.



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