Contrer l'intimidation dans les écoles

BrownBullyNeighborhood.jpgLe dialogue paraît en lui-même constituer une renonciation à l’agressivité. (Jacques Lacan)

La cyberintimidation est un sujet chaud. Chaque fois qu’il tombe sous les projecteurs, les médias s’en emparent. À juste titre, car on ne badine pas avec la violence. Le sondage (PDF) de la CSQ et le communiqué dénonçant la négligence du gouvernement dans le dossier de la cyberintimidation défraient la chronique. Avant-hier, Mario a soudainement été assailli par les journalistes (Mario tout de go : Ce qu’un communiqué peut provoquer dans une fin de journée). Hier matin, c’était mon tour d’être interviewé. La presse écrite était aussi de la farandole.

Inutile de revenir sur les ressources pour contrer la cyberintimidation. Il faut d’abord comprendre la culture Internet et tous les risques encourus, un sujet dont Mario a récemment dressé un excellent bilan. Sur la question plus spécifique de l’intimidation en ligne, cela a déjà été abordé. Une recherche sur la Toile procurera une tapée de ressources additionnelles.

Je préfère m’attarder aux demandes formulées par la CSQ dans son communiqué. D’abord, il faut féliciter la CSQ de ce tapage pour dénoncer la violence à l’école et pour réclamer que le plan d’action annoncé inclue la cyberintimidation. Mais l’aberration saute immédiatement aux yeux : les écoles doivent-elles attendre un plan d’action de l’État pour agir? Dans cette structure hiérarchique qu’est la nôtre, nous tendons à refiler les difficultés aux instances supérieures, fort loin, par ailleurs, de la particularité des faits. L’évidence s’en trouve dans la lourdeur des mesures imposées.

La CSQ recommande (1) que « les établissements d’enseignement se donnent des règles claires et qu’elles soient mises en application » et (2) qu’ils « se dotent d’un plan d’intervention comprenant de la sensibilisation et de l’éducation contre la violence à l’école. » Très bien. Il semble en effet que les interventions concertées sont plus efficaces dans la lutte à l’intimidation (EurekAlert! : Bullying can be reduced but many common approaches ineffective). Mon expérience, toutefois, me fait craindre que les écoles n’accordent la préséance à la première recommandation, au détriment de la seconde. Pour plusieurs administrateurs et enseignants, la coercition tient lieu d’éducation.

L’approche éducative est certes plus profitable à long terme. Un bel exemple nous en est donné par ce reportage de la BBC : Mentoring scheme beats bullies. Au PEI de l’école De Rochebelle, heureusement, nous avons su intervenir tôt et dans la coopération. Voici quelques-unes des actions que nous avons posées pour contrer la cyberintimidation :

    - demande de témoignages anonymes auprès des élèves
    - discussions en classe
    - invitation à bloguer sur le sujet
    - présentation de vidéos
    - intervention de la direction
    - conférences données par la policière-éducatrice
    - conférences et ateliers présentés par Jeunesse, J’écoute
    - affichage pour dénoncer l’intimidation

Enfin, je profite de l’occasion pour mettre en garde, une fois de plus, contre les périls des mesures coercitives. On connaît l’engouement des Britanniques pour la surveillance vidéo. Or, voilà qu’on songe maintenant à installer des caméras de surveillance dans les salles d’examen pour contrer la tricherie (BBC : CCTV could be used in exam rooms). Hormis le caractère abusif, onéreux et inefficace de ce genre de mesure, il faut envisager les répercussions sur une société et les excès auxquels les autorités peuvent se prêter (BBC : Council admits spying on family).


(Image thématique : The Bully of the Neighborhood, par John George Brown)


Par ricochet :

L’intimidation et les blogs
Un blog thématique sur l’intimidation
Étude sur les causes de l’intimidation
Les cicatrices de l’intimidation
Ressources contre l’intimidation en ligne
L’école : un milieu violent
Étude: comment contrer le bullying
Le Web des cons : insultes et menaces de mort
La technologie de la violence
Le tiers des ados en ligne victimes de cyberbullying
Les blogues scolaires pour combattre l’intimidation

Des jeunes qui prennent des risques dans le cyberespace (Mario tout de go)
Ce qu’un communiqué peut provoquer dans une fin de journée (Mario tout de go)

Les blogues scolaires pour combattre l'intimidation

KlimtAdversarialViolences.jpgLes châtiments servent à l’intimidation de ceux qui ne veulent commettre aucune faute. (Karl Kraus)

La Toile a aiguisé les crocs des jeunes loups qui rôdent dans l’ombre, le plus souvent terrés dans l’anonymat. Tous les canaux de communication servent aux prédateurs : messagerie instantanée, forums, courriels, sites Web, réseaux sociaux, photos, vidéoclips. Les coups de griffe laissent des plaies que la pérennité d’Internet avive continuellement. Certains cas, que je tais par refus de perpétuer le souvenir, s’accrochent obstinément à l’histoire.

À la prédation en ligne s’ajoute la violence du milieu scolaire, tantôt physique, tantôt verbale ou psychologique. Du coup, certains jeunes sont toujours sur le qui-vive.

La quasi-totalité des écoles est infectée. La mienne, avec ses 2000 élèves, n’y échappe pas. Une première activité, en début d’année, avait sensibilisé les jeunes au problème. Dès lors, plusieurs victimes d’intimidation ont senti qu’ils n’étaient plus seuls. Ce coup de semonce a eu pour effet de rallier les individus, pas seulement les victimes, mais tous ceux qui fulminaient en silence.

L’effort aurait vraisemblablement péri de son inactivité, comme plusieurs initiatives auxquelles on ne donne pas suite, n’eut été de la persévérance des élèves à raviver le sujet dans leur blogue scolaire. Du coup, les blogues servent de tribune populaire pour rompre l’isolement des victimes ou pour hurler son désaveu. Ainsi, la communauté défend le bien par ses porte-voix. L’union fait la force.

Par mi les élèves qui se sont distingués :

    Wen Q. : certaines personnes sont intimidées et j’ai l’impression qu’ils ne le savent pas. Des intimidateurs font semblant d’être leurs amis et ils les poussent à faire/dire des gestes/paroles stupides et immatures.

    Michaël L.D. : Le respect est l’une des valeurs fondamentales de notre société. Il est l’une des cinq attitudes privilégiées de notre programme éducatif et il est essentiel à la vie en société, en groupe, à l’école ou dans une quelconque communauté.

    Tarik P. : Souvent, on intimide quelqu’un non parce qu’il est: gros ou mince, petit ou grand, blond ou roux mais bien PARCE QU’IL EST DIFFÉRENT. [...] Je suis qui je suis. Je mérite le respect. Je suis un être humain et non pas une bête de cirque!

    Maëlla L. : Depuis quelques années, j’ai remarqué que la plupart des groupes sont formés en  » gang » et qu’il y a une hiérarchie vis-à-vis les élèves. Cette hiérarchie se divise en trois parties : Les cools ( en haut), les neutres ( au centre) et les rejets( en bas). Il y a aussi des règles invisibles qui rendent les liens entre ces trois parties très difficiles.

    Charles-O. M. : Les personnes intimidées n’ont pas toujours confiance en eux ou ont un défaut particulier qui les gêne. Ils n’ont pas besoin, eux qui souffrent déjà, de se faire diminuer par leurs camarades. Cela ne fait qu’aggraver les problèmes de ceux qui devraient être aidés plutôt que repoussés.

    Geneviève D. : Certaines personnes ont peur de se faire rejeter s’ils ne font pas de discrimination envers le « souffre-douleur ». Je dis qu’il ne faut pas faire de méchanceté envers les autres simplement parce que nous avons peur.

    Jules B. : C’est sûr que dans les quelques jours suivants la conférence plusieurs personnes se sont indignées et ont dit qu’ils voulaient arrêter, mais cela n’a pas fait une grande différence sur le comportement de tous les jours. Pour vraiment obtenir un résultat, il faut que l’on se donne vraiment des résolutions et que l’on agisse .

    Maude B. : Ça parait un peu cliché de dire cette phrase, mais parler c’est grandir ! En plus, si vous évitez de vous défouler en intimidant (ce qui n’est vraiment pas une bonne façon de le faire, car on culpabilise parfois !), vous brisez déjà une énorme chaîne de malheur qui aurait probablement rendu une quantité infinie de gens malheureux et coupables d’un geste ingrat !

    Philipp F. : je me suis fait intimider [...] parce que j’étais différent. DIFFÉRENT. Aujourd’hui, je ne parle pas beaucoup car j’ai perdu ma capacité de socialiser.

Mise à jour, 29 novembre 2007 | Mario me rappelle que je devrais mettre en évidence la relève de ce billet assurée par Michaël L.D. : La communauté se dresse contre l’intimidation!!! Michaël a accepté, dans une perspective de service communautaire, de colliger les billets de la blogosphère de l’école qui traitent de l’intimidation. Je crois plus utile que cette tâche revienne à un élève.


(Image thématique : The Adversarial Violences, par Gustav Klimt)


Par ricochet :
L’intimidation et les blogs
Les cicatrices de l’intimidation
La violence à l’école
L’école : un milieu violent
Étude: comment contrer le bullying
Le Web des cons : insultes et menaces de mort
Les 5 grands risques internet pour les enfants
La technologie de la violence
Le tiers des ados en ligne victimes de cyberbullying
Jeux vidéo : la violence engendre la violence
Étude sur les causes de l’intimidation

Jeux vidéo : la violence engendre la violence

CytterPatternViolence.jpgToutes les violences ont un lendemain. (Victor Hugo)

L’opinion populaire a une perspicacité qui devance souvent la science. On a longtemps attaqué les jeux vidéo pour la montée de la violence chez les jeunes, en dépit de certains spécialistes qui affirmaient que les joueurs savaient faire la part de l’imaginaire et du réel. Or, les études s’empilent sur les effets néfastes des jeux vidéo à caractère violent. La plus récente porte sur l’efficacité des jeux vidéo en tant que moyen d’apprentissage de l’agressivité, considérant qu’ils font appel à plusieurs des mêmes stratégies utilisées par les meilleurs professeurs.

Un chercheur de l’Université Iowa State a trouvé que les jeunes qui s’adonnent aux jeux vidéo de type violent ont des comportements plus agressifs après seulement six mois (Iowa State University : Gentile, father explore how violent video games are exemplary aggression teachers). L’étude qui paraîtra bientôt dans la revue Journal of Youth and Adolescence établit « sept parallèles entre les jeux vidéo et les professeurs efficaces, incluant l’habileté à s’adapter au niveau de chaque apprenant — incluant la pratique étalée dans le temps — et enseignant pour un transfert dans des situations réelles. »

Je m’inquiète de la capacité de l’industrie à exploiter le potentiel éducatif des jeux vidéo, dans le sillage de la recherche en psychologie, alors que l’école se complaît dans des moyens vétustes. Combien de temps encore avant que l’industrie du jeu vidéo ne commence à faire du product placement à l’instar d’Hollywood. Ce n’est qu’un exemple, et non le meilleur. Les experts en marketing savent faire preuve de beaucoup de subtilité et de finesse dans leur créativité mercantile.


(Image thématique : Pattern of Violence, par Keren Cytter)


Par ricochet :
Les armes dans les écoles et la violence chez les jeunes
Les jeux vidéo rendent-ils agressif (Michaël L.D.)

Le tiers des ados en ligne victimes de cyberbullying

HallawellViolence.jpgLa non-violence est la loi de notre espèce tout comme la violence est la loi de l’animal. (Mohandas Gandhi)

Il y a de ces coïncidences qui brûlent. De retour à l’école après une longue absence, j’apprends que le principal problème cette année fut l’intimidation et le harcèlement, tant en ligne qu’en chair et en os. Et c’est un Programme d’éducation internationale, fréquenté par des élèves triés sur le volet! Aujourd’hui, un rapport Pew Internet révèle que le tiers des adolescents disent avoir été victime de cyberintimidation, mais qu’ils considèrent le danger encore plus grand dans la réalité (CNet : Study: ‘Cyberbulling’ hits one third of teens). C’est un véritable fléau.

On ne peut pas continuer à abandonner ainsi les jeunes à la violence. Le fait que le bullying mine la réussite scolaire est la moindre des raisons (American Psychological Association : Peer Exclusion Among Children Results in Reduced Classroom Participation and Academic Achievement). C’est le droit à la sécurité et au respect qui est en cause, sur le plan individuel, et le tissu social sur le plan collectif.

Le phénomène est certainement très complexe. Avant de chercher des solutions, il faut identifier les causes, d’abord pour endiguer le problème à la source. Plusieurs facteurs concourent à exacerber le bullying, à des degrés variables et selon les individus. Les parents, certes, jouent un rôle important (By Parents For Parents : What Causes Bullies?), tout comme la culture et le milieu scolaire (Weinhold, B. K. [2000] Uncovering the hidden causes of bullying and school violence. Counseling and Human Development). Ne serait-ce qu’en tolérant les injures, l’école cautionne l’intimidation (BBC : Name-calling ‘worst form of bullying’).

J’ignore jusqu’où va la responsabilité légale de l’école en matière d’intimidation en ligne, considérant que les offenses sont généralement perpétrées hors du contexte scolaire (sauf s’il s’agit d’un blogue scolaire). Quoi qu’il en soit, elle a une responsabilité citoyenne d’intervenir, en plus de son mandat éducatif. Devant un phénomène de cette envergure, elle ne peut pas continuellement refiler le problème aux parents. Il n’est pas nécessaire non plus d’attendre que les gouvernements s’en mêlent, comme l’ont fait récemment l’Ontario (CityNews : Cyber-Bullying Law Introduced in Ontario) et certains États américains (eSchool News : States seek laws to curb eBullying).

L’école ne serait pas si violente si elle cultivait la coopération avant la compétition. Les bollés ne survivent pas tous à la loi de la jungle. Les plus vulnérables se suicident, d’autres cherchent à fuir (The Guardian : Home schooling ‘triples in eight years’; New York Times : Help for the Child Who Says No to School). Cela fait des gestionnaires et des éducateurs des complices.

Paradoxalement, les élèves doués pourraient tant aider leurs camarades. Si seulement on pouvait se débarrasser de ces foutues notes qui sèment la jalousie. Ne nous leurrons pas : le système scolaire est d’abord et avant tout une curée pour les notes. Certaines formes d’évaluation sont indispensables, mais trop de sel gâte la sauce, tout comme il avive les plaies.

Voici quelques ressources que je mets en réserve pour traiter du sujet à l’automne avec les élèves :

Études et articles :

(Image thématique : Violence, par Philip Hallawell)


Par ricochet :
Un blog thématique sur l’intimidation
Étude sur les causes de l’intimidation
Ressources contre l’intimidation en ligne
La violence à l’école
L’école : un milieu violent
Étude: comment contrer le bullying
Les 5 grands risques internet pour les enfants
La technologie de la violence

La technologie de la violence

HauserMachineAge.jpgIl est hélas devenu évident aujourd’hui que notre technologie a dépassé notre humanité. (Albert Einstein)

Toronto est sous le choc après qu’un jeune se soit introduit dans une école pour tuer un élève avec une arme de poing (Cyberpresse : Fusillade mortelle dans une école de Toronto). La ville, par ailleurs, semble envahie par les armes à feu (National Post : Toronto is a city of guns, councillor says). Faut-il s’en étonner dans une jungle urbaine où un pistole s’obtient au prix d’un iPod, à proximité de nos voisins du sud qui les dispensent comme ils vendent des autos. Le Québec, comme nous savons trop bien, n’est pas à l’abri des armes à feu. De fait, nous nous entourons de technologies qui sèment la violence.

L’artificiel est foncièrement une dénaturation, une violence en soi dans la mesure où ce changement rompt l’équilibre entre l’être et l’environnement. L’Homo faber est le champion incontestable de la fabrication d’objets pour faciliter son rapport à l’environnement. Par cette faculté, il s’est élevé au sommet de la chaîne alimentaire, le grand mammifère le plus répandu de la planète. D’un point de vue anthropocentrique, l’Homme retire de la technologie des bénéfices immenses, jusqu’au moment où celle-ci se retourne contre lui (armement, réchauffement climatique, etc.).

La violence faite à la nature n’est pas le seul danger qui guette l’Homme. Certains produits de la technologie sont intrinsèquement dangereux, en ce qu’on leur confère une puissance capable d’enlever la vie d’une seule convulsion de l’esprit. L’automobile et les armes à feu en sont les exemples les plus évidents. Mais il y a aussi un degré de violence dans tous les petits objets que nous créons et qui, quoique bénéfiques, nous affaiblissent dans la dépendance au confort. Il reste que l’Homme est un être créatif, par conséquent technologique, et qu’il serait fallacieux de le considérer autrement que par ce qui le caractérise.

Je crois utile, toutefois, de distinguer les inventions qui contribuent volontairement à hausser la qualité de la vie, telle l’aspirine, de celles qui ont le pouvoir de l’amoindrir chez autrui, comme une arme à feu. C’est d’ailleurs pourquoi celles-ci doivent être légiféré. Néanmoins, la plupart d’entre elles ont d’abord été créées pour faciliter l’existence. L’automobile a largement amélioré la vie des individus, mais demeure néanmoins l’une des principales causes accidentelles de décès. Au nom de la liberté, on ne remet pas en question la logique d’autoriser des bolides sur la voie publique, comme si la liberté était une chose absolue, ou que le droit de voter était un laissez-passer à l’ineptie.

Les nouvelles technologies de la communication ne font pas exception. Leur potentiel est tel qu’on n’hésite pas à les confier à des enfants. Malheureusement, leurs avantages sont assombris par les écarts de conduite de quelques-uns, tant jeunes (cyberbullying) qu’adultes (pédophilie), qui en utilisent le mauvais tranchant. Les jeunes surtout, eux qui baignent dans les nouvelles technologies avant l’âge de la raison, sont facilement enclins à déverser leurs frustrations dans Internet sans réaliser l’indélébilité de leurs attaques. Des écoles n’ont d’autre choix que de réagir légalement (BBC : Students criticise staff on net); j’ai même dû intervenir ce matin pour rappeler à une élève le côté éthique des évaluations en ligne.

Immanquablement, la réaction des autorités est de resserrer les mesures de contrôle, de plus en plus par des moyens technologiques. Le gouvernement veut installer des radars photo sur les routes (Le Soleil : Un autre pas vers les radars photo), le RTC envisage d’installer des caméras de surveillance dans les autobus de la ville de Québec (Le Soleil : Des caméras dans les bus), les chauffeurs d’autobus scolaires réclament eux aussi des caméras (Le Soleil : Du calme, vous êtes filmés !), tout comme les autorités municipales de Toronto (Globe and Mail : Beef up surveillance now, school trustees urge). Tout le monde n’en a plus que pour les technologies de surveillance. Il ne suffit pas que les écoles censurent Internet. Personne ne semble voir que l’excès de technologie à des fins de sécurité constitue une menace plus grave que le problème visé, le remède pire que le mal.

Il y a un réel danger à contrer la technologie par la technologie. C’est une spirale qui nous asservit immanquablement. Il faut se garder de sacrifier la liberté au profit de la sécurité. Surtout la sécurité confiée à l’autorité des gouvernements. Il y a une ligne que je ne suis pas disposé à franchir, celle qui incombe à chaque individu d’assumer son rôle de citoyen et d’élever la voix pour dénoncer les écarts de conduire dans la communauté. Ou bien on s’en charge, ou on accepte d’en confier la responsabilité aux gouvernements. Inévitablement, c’est tendre à la coercition et à l’uniformité.

La vie a toujours comporté une part de risque. Le risque, par ailleurs, est inhérent à la créativité. On peut même avancer que la vie est l’adaptation au danger. Si nous nous définissons par l’usage de nos technologies, il revient à l’école d’y préparer les élèves, principalement dans la quête de sens et la délimitation du risque. Éliminer tout danger équivaut à dénaturer l’Homme en contraignant graduellement les limites de la liberté, jusqu’à l’étouffement. D’un point de vue social, il n’y a pas de pire violence.

Mise à jour, 6 juin 2007 | Dave Pollard se penche également sur le rapport de l’homme à la technologie (How to Save the World : The Thing about Technology). Un excellent texte dans lequel il défend la thèse selon laquelle la technologie crée éventuellement des problèmes insoupçonnés.

Mise à jour, 16 octobre 2007 | La recherche d’un professeur de l’Université de Montréal indique que les enfants ont des comportements plus violents que les adultes parce qu’ils n’ont pas encore appris les conséquences des gestes agressifs (BBC : Young ‘more iolent than adults’). Ceci laisse croire que le cyberbullying dont font preuve les adolescents est également la conséquence d’un manque de maturité.


(Image thématique : Machine Age, par Iris Hauser)


Par ricochet :
L’intimidation et les blogs
Les ados, les blogs, et les bêtises
La violence scolaire institutionnalisée
La violence à l’école
L’école : un milieu violent
Le Web des cons : insultes et menaces de mort
Élèves suspendus pour un site hargneux

Internet, c’est aussi la vraie vie (École et société)

Étude: comment contrer le bullying

Quand l’État oblige les enfants à aller à l’école, elle a le devoir d’assurer leur sécurité. Or, l’école est propice à la violence. Plusieurs enfants y ont leur première dure confrontation avec la cruauté. Enfermez une foule de jeunes dans l’enceinte d’une école, immobiles pendant des heures, soumis à un code rigide, avec une surveillance limitée, et les frictions sont inévitables. La captivité, c’est bien connu, est cause de stress et d’agressivité. La dernière fois que j’ai eu une engueulade avec mon père, c’est après avoir vécu deux semaines dans l’exiguïté d’un voilier; et c’était pour une bagatelle. Ajoutez au mélange scolaire des enfants issus d’un milieu violent ou au tempérament dominant, comme il y en a forcément, et vous avez un joli nid de guêpes. Dans les coins sombres, loin de l’oeil scrutateur des adultes, les plus forts imposent la loi de la jungle, les faibles en proie au cannibalisme.

Le phénomène semble avoir pris des proportions démesurées. Est-ce l’effet des médias? Peu importe. La chose ne saurait être tolérée dans une perspective d’éducation à la citoyenneté. Heureusement, le MELS a décidé d’agir en préparant un plan d’action pour contrer la violence à l’école, notamment dans l’espoir de contrer les gangs. Ce ne sera pas du gâteau. Il ne faudrait pas négliger la principale forme de violence à laquelle les élèves sont confrontés: le bullying. Une étude publiée dans la revue Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine révèle que les programmes multidisciplinaires intégrés à la mission de l’école connaissent les meilleurs taux de réussite (EurekAlert!: Bullying can be reduced but many common approaches ineffective). Les initiatives mitigées sont des coups d’épée dans l’eau.

We found bullying can be curbed, but that many common methods of dealing with the problem, such as classroom discussions, role playing or detention, are ineffective. Whole school interventions involving teachers, administrators, and social workers committed to culture change are the most effective and are especially effective at the junior and senior high school level.

Certains diront que c’est l’école de la vie. Si l’école enseignait comment désamorcer les agressions, ce serait effectivement le cas. Mais quand l’école mène au suicide, elle ne fait plus l’éducation à la vie.

Mise à jour, 5 avril 2007 | Le gouvernement ontarien a adopté une loi qui ajoute le bullying en ligne à la liste des comportements interdits par la Loi sur la sécurité dans les écoles de l’Ontario (CityNews : Cyber-Bullying Law Introduced in Ontario). L’article de CityNews est d’autant plus intéressant qu’il se termine par une liste desdits comportements interdits par la loi.

Mise à jour, 9 juillet 2018 | Un lecteur me suggère ce guide à l’intention des parents : A Comprehensive Cyberbullying Guide for Parents, lequel comprend quelques infographies qui peuvent également être utiles à des enseignants, voire aux élèves.


Par ricochet :
L’intimidation et les blogs
Les ados, les blogs, et les bêtises
Les cicatrices de l’intimidation
La violence scolaire institutionnalisée
La violence à l’école
De l’agressivité des enfants québécois
Les armes dans les écoles et la violence chez les jeunes
Le e-learning pour échapper à la violence
L’école : un milieu violent
Étude sur les causes de l’intimidation
Les cicatrices de l’intimidation
Ressources contre l’intimidation en ligne
Le bullying par les enseignants

Elle n’était pas née le 6 décembre 1989 (Mario tout de go)

Le bullying par les enseignants

Est-il possible que tant d’enseignants harcèlent des élèves ? La revue The International Journal of Social Psychiatry a publié une enquête selon laquelle près de la moitié des enseignants du primaire admettent avoir harcelé des élèves (Menninger : Nearly half of elementary school teachers admit to bullying). Malheureusement, l’article ne définit pas bullying. Mais peu importe la définition qu’on y prête, l’intimidation délibérée des élèves constitue un problème auquel il faut apporter des solutions. Si les adultes souffrent du harcèlement, imaginez les répercussions sur un enfant. Sans absoudre ce genre de comportement, et aussi étonnant que cela puisse paraître, il n’en demeure pas moins que les enseignants sont mal préparés pour composer avec les élèves turbulents.

Teachers need methods and help with disciplining children. The tragedy is that school districts rarely give teachers any help with discipline. They learn it by the seat of their pants.

À mon avis, les enseignants, dans la plupart des cas, usent d’intimidation en désespoir de cause plutôt que par malveillance. Quoi qu’il en soit, le problème ne se résorbera pas de lui-même, surtout quand on sait que les enseignants ont la perception que les élèves sont de plus en plus difficiles à diriger.

Mise à jour, 3 juillet 2006 | J’ai obtenu une copie imprimée de l’étude de la part de Menninger. Le questionnaire soumis aux enseignants définit un bullying teacher comme suit : A teacher who uses his/her power to punish, manipulate or disparage a student beyond what would be a reasonable disciplinary procedure.


Par ricochet :
Étude sur les causes de l’intimidation
Les cicatrices de l’intimidation

Effets néfastes des médias sur les jeunes

Les médias électroniques, incluant Internet, ont des effets plus néfastes sur la santé des enfants et des adolescents qu’on ne le croyait. Un imposant dossier de la revue Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine jette un regard plutôt sombre sur la capacité des jeunes à s’adapter au bombardement des médias (Fox News : Media Exposure Linked to Child, Teen Health, Behavior Problems).

À la lecture du reportage, Fernette et Brock Eide résument ainsi les ravages de la télévision :

  • la télé en solitaire : moins de temps passé avec les amis
  • la violence à la télé : plus d’agressivité chez les jeunes
  • la télé (même éducative) chez les enfants du préscolaire : excès de poids
  • plus de télé : sexualité précoce
  • plus de télé : plus faible probabilité d’obtenir un diplôme universitaire
  • la télé dans la chambre : performance inférieure en mathématiques, lecture, et langue dès la 3e année
  • Quoique la chaîne Fox News aime donner dans le sensationnalisme, voici néanmoins les faits saillants de son reportage sur trois des articles du dossier publié dans Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine :

    From obesity and social isolation to early sexual initiation and aggressive and violent behavior, 15 new studies link exposure to media images with a broad range of negative health, behavior and lifestyle issues in children and teens.

    The studies found that the harm begins early in the preschool years and continues through adolescence.

    Electronic media « are among the most profound influences on children in this country » and that « this intersects with many other issues that are critically important to child health, including violence, obesity, tobacco/alcohol use, and risky sexual behaviors. »

    Those who watched more than two hours of television a day were 35 percent more likely to have had sex.

    If sex-disapproving parents didn’t monitor their teens’ TV viewing, more than two hours a day of TV upped a teen’s odds of sexual initiation by 250 percent.

    The more time kids spend watching violent TV programs, the less time they spend with their friends. This isn’t true for nonviolent programs.

    The more time kids spend watching TV with friends, the more time they spend doing other things with their friends.

    Violent TV programs are known to make kids more aggressive. When kids watch violent TV by themselves, their aggressive behavior makes it harder for them to have friends. So what do they do? They watch more TV — becoming even more socially isolated, and even angrier. [...] This may be where many bullies are born.

    3-year-olds were three times more likely to be overweight if they spent two or more hours a day in a room with a TV on.


    Par ricochet :
    Facteurs de réussite scolaire
    Les technologies comme facteur d’obésité
    De l’agressivité des enfants québécois
    Les TIC et l’émancipation sexuelle
    La télévision n’affaiblit pas les résultats ; oui, mais…
    Pas de télé pour les bébés

    Étude sur les causes de l'intimidation

    Une étude sur l’intimidation, publiée dans la revue Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine, identifie quelques facteurs qui contribuent à l’intimidation chez les jeunes (ABC News : TV linked to bullying). Les facteurs en question sont l’environnement familial, la stimulation cognitive (incluant la lecture), le soutien affectif, ainsi que la télévision. (Merci à une de mes élèves, Marie-Audrey B., de m’avoir signalé la nouvelle.)

    Par ricochet :
    L’intimidation et les blogs
    Les ados, les blogs, et les bêtises

    Voir venir la pratique carnetière adolescente (Mario tout de go)

    L'intimidation et les blogs

    L’année dernière, trois de mes élèves ont créé un site Web pour ridiculiser un autre élève. Ce dernier en a été traumatisé. Comme nous nous apprêtons à confier un blog à tous mes élèves, je m’inquiète d’apprendre que le harcèlement virtuel est à la hausse et que les blogs ne sont pas à l’abri (USA Today : Schoolyard bullies get nastier online). Comment faire pour empêcher, ou à tout le moins limiter, le harcèlement ? …

    Naturellement, il faut assumer notre rôle d’éducateur. Une once de prévention vaut mieux qu’une livre de remède. Il ne s’agit pas de doter bêtement les élèves d’un outil de publication et espérer que tout se passe pour le mieux. Après avoir identifié les objectifs pédagogiques, il faut déterminer les moyens pour y arriver.

    Je vois quatre moyens pour prévenir le harcèlement en ligne :

  • sensibiliser les élèves à l’éthique des blogs
    • recourir à une pédagogie du contrat
    • informer les parents
    • maintenir la vigilance
  • En ce qui concerne la pédagogie du contrat, elle devra nécessairement passer par une réflexion de l’utilisateur sur l’éthique et les conséquences néfastes de la publication. L’étendue de cette réflexion, ainsi que les moyens de la susciter, varieront en fonction de l’âge des élèves. Pour les élèves du secondaire, il est approprié de leur demander de composer leur propre code d’éthique, qu’ils afficheront ensuite dans leur blog (voir, par exemple, ceux de Allan Jenkins et David Weinberger). La rédaction d’un contrat d’engagement collectif peut aussi être envisagée.

    Enfin, il faut instruire les élèves des mesures à prendre s’ils devaient être victimes de harcèlement. Le Center for Safe and Responsible Internet Use recommande de :

  • ignorer l’agresseur et désactiver les fonctions de communication;
    • conserver les preuves du harcèlement et essayer d’identifier l’agresseur;
    • informer la direction de l’école;
    • contacter les parents de l’agresseur et leur présenter les preuves;
    • contacter un avocat;
    • contacter la police s’il y a menace de violence, extorsion, haine ou exploitation sexuelle.
  • Évidemment, toute autre suggestion sera la bienvenue.


    Par ricochet :
    Nécessité d’enseigner l’éthique
    Code d’éthique du blogueur
    Blogs et pédophilie
    Bloguer en sécurité pour les élèves