Palingénésie

La vie n’a de valeur que si elle est un feu sans cesse renaissant. (Pierre Valléry-Radot)

Désabusé de Twitter, il est temps de faire renaître ce blogue de ses cendres. Non pas qu’ils martèlent pareillement l’enclume, mais le premier fait vite prendre la mesure du second.

Le ciboulot succombe aussi à la fièvre du printemps. Du coup, l’envie d’écrire me reprend. Ma plume frétille à l’éclosion du jardin et les parfums m’enivrent. Le régime granivore de Twitter, quoiqu’abondant, s’avère un peu maigre aux amateurs de vénerie.

Il y a un bon moment déjà que je résiste à ce blogue, comme à une ancienne maîtresse dont on chérit la conversation, mais qui néglige ses atours. Inexplicablement, je n’en blairais plus l’allure. À coucher dans le même lit tous les jours, cela devait arriver. Par lassitude, j’ai succombé aux attraits de Twitter, dont la frivolité et l’évanescence aujourd’hui souvent m’exaspèrent. Mais avant de revenir à mes amours, il fallait jouer du bistouri.

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Injonction pour museler une blogueuse

govesilenceL’idée qu’un autre monde est possible est quand même plus stimulante que l’injonction de se résigner au désordre des choses! (Ségolène Royal)

Mise en garde : Le contenu de ce billet est sujet à caution. Le lecteur est prié de tenir compte des mises à jour, au bas du billet, ainsi que des commentaires.

Les blogueurs sont de tout acabit. Leur unanimité tient uniquement à la défense de la liberté d’expression. Naguère, ils faisaient corps pour porter secours à l’un des leurs. L’avenir nous dira si ce flambeau est toujours haut porté. Il y eut bien quelques remous dans la twittosphère à l’annonce d’une injonction de non-publication à l’endroit d’une blogueuse, mais en l’absence des faits on retenait son jugement. Toutefois, quelques gazouillis ne sauraient faire trembler un rugissement.

Depuis quelques jours, je suis avec intérêt la mésaventure de Marielle Potvin, l’auteure et animatrice du blogue Math et Mots. Récemment, on lui a servi une injonction l’enjoignant de ne plus communiquer avec son lectorat « par le biais de ce blogue ou par toute autre forme de communication. » [désaccord]

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Les blogues d’enseignants ont-ils une valeur pour la recherche?

denningappliancescienceL’idéologie guette la science en chaque point où défaille sa rigueur, mais aussi au point extrême où une recherche actuelle atteint ses limites. (Louis Althusser)

Je lis présentement Conflits de savoirs en formation des enseignants : Entre savoirs issus de la recherche et savoirs issus de l’expérience, une très intéressante collection de textes, sous la direction de Philippe Perrenoud et coll., qui témoigne entre autres de la complexité d’analyser la profession enseignante. Malgré la contemporanéité, la véracité et la perspicacité du propos, tout comme les allusions aux chercheurs québécois, j’ai subitement été sidéré par ce passage de la plume de Danielle Bonneton :

La pratique n’est guère plus facile d’accès à travers le récit. Les enseignants ont peu d’occasions de discuter, de confronter leurs pratiques, ou ils ne les saisissent pas, par peur du jugement. Même si la profession évolue, les enseignants favorables au partage des pratiques ne peuvent expliciter leur action que jusqu’à un certain point, faute de temps, de mots, d’outils, de distance.

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Mon blogue déménage

careymigration3Les déménagements sont les mouvances de l’existence. Ça bouleverse, ça empêche l’habitude… (Louise Portal)

Pierre qui roule n’amasse pas mousse. Cette époque nous condamne au changement, du moins si on prend le parti du progrès. Ceux qui fuient la marche du temps n’échappent point, par ailleurs, aux avatars de l’âge.

Il y a un bon moment déjà que j’ai entrepris de rajeunir mon blogue. En cours de route, on m’a suggéré de prendre un nom de domaine et de migrer à WordPress. J’ai opté pour www.francoisguite.com de manière à asseoir mon identité numérique. Quant à WordPress, je jette mon dévolu sur le source libre.

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Contrer l'intimidation dans les écoles

BrownBullyNeighborhood.jpgLe dialogue paraît en lui-même constituer une renonciation à l’agressivité. (Jacques Lacan)

La cyberintimidation est un sujet chaud. Chaque fois qu’il tombe sous les projecteurs, les médias s’en emparent. À juste titre, car on ne badine pas avec la violence. Le sondage (PDF) de la CSQ et le communiqué dénonçant la négligence du gouvernement dans le dossier de la cyberintimidation défraient la chronique. Avant-hier, Mario a soudainement été assailli par les journalistes (Mario tout de go : Ce qu’un communiqué peut provoquer dans une fin de journée). Hier matin, c’était mon tour d’être interviewé. La presse écrite était aussi de la farandole.

Inutile de revenir sur les ressources pour contrer la cyberintimidation. Il faut d’abord comprendre la culture Internet et tous les risques encourus, un sujet dont Mario a récemment dressé un excellent bilan. Sur la question plus spécifique de l’intimidation en ligne, cela a déjà été abordé. Une recherche sur la Toile procurera une tapée de ressources additionnelles.

Je préfère m’attarder aux demandes formulées par la CSQ dans son communiqué. D’abord, il faut féliciter la CSQ de ce tapage pour dénoncer la violence à l’école et pour réclamer que le plan d’action annoncé inclue la cyberintimidation. Mais l’aberration saute immédiatement aux yeux : les écoles doivent-elles attendre un plan d’action de l’État pour agir? Dans cette structure hiérarchique qu’est la nôtre, nous tendons à refiler les difficultés aux instances supérieures, fort loin, par ailleurs, de la particularité des faits. L’évidence s’en trouve dans la lourdeur des mesures imposées.

La CSQ recommande (1) que « les établissements d’enseignement se donnent des règles claires et qu’elles soient mises en application » et (2) qu’ils « se dotent d’un plan d’intervention comprenant de la sensibilisation et de l’éducation contre la violence à l’école. » Très bien. Il semble en effet que les interventions concertées sont plus efficaces dans la lutte à l’intimidation (EurekAlert! : Bullying can be reduced but many common approaches ineffective). Mon expérience, toutefois, me fait craindre que les écoles n’accordent la préséance à la première recommandation, au détriment de la seconde. Pour plusieurs administrateurs et enseignants, la coercition tient lieu d’éducation.

L’approche éducative est certes plus profitable à long terme. Un bel exemple nous en est donné par ce reportage de la BBC : Mentoring scheme beats bullies. Au PEI de l’école De Rochebelle, heureusement, nous avons su intervenir tôt et dans la coopération. Voici quelques-unes des actions que nous avons posées pour contrer la cyberintimidation :

    - demande de témoignages anonymes auprès des élèves
    - discussions en classe
    - invitation à bloguer sur le sujet
    - présentation de vidéos
    - intervention de la direction
    - conférences données par la policière-éducatrice
    - conférences et ateliers présentés par Jeunesse, J’écoute
    - affichage pour dénoncer l’intimidation

Enfin, je profite de l’occasion pour mettre en garde, une fois de plus, contre les périls des mesures coercitives. On connaît l’engouement des Britanniques pour la surveillance vidéo. Or, voilà qu’on songe maintenant à installer des caméras de surveillance dans les salles d’examen pour contrer la tricherie (BBC : CCTV could be used in exam rooms). Hormis le caractère abusif, onéreux et inefficace de ce genre de mesure, il faut envisager les répercussions sur une société et les excès auxquels les autorités peuvent se prêter (BBC : Council admits spying on family).


(Image thématique : The Bully of the Neighborhood, par John George Brown)


Par ricochet :

L’intimidation et les blogs
Un blog thématique sur l’intimidation
Étude sur les causes de l’intimidation
Les cicatrices de l’intimidation
Ressources contre l’intimidation en ligne
L’école : un milieu violent
Étude: comment contrer le bullying
Le Web des cons : insultes et menaces de mort
La technologie de la violence
Le tiers des ados en ligne victimes de cyberbullying
Les blogues scolaires pour combattre l’intimidation

Des jeunes qui prennent des risques dans le cyberespace (Mario tout de go)
Ce qu’un communiqué peut provoquer dans une fin de journée (Mario tout de go)

Les blogues scolaires pour combattre l'intimidation

KlimtAdversarialViolences.jpgLes châtiments servent à l’intimidation de ceux qui ne veulent commettre aucune faute. (Karl Kraus)

La Toile a aiguisé les crocs des jeunes loups qui rôdent dans l’ombre, le plus souvent terrés dans l’anonymat. Tous les canaux de communication servent aux prédateurs : messagerie instantanée, forums, courriels, sites Web, réseaux sociaux, photos, vidéoclips. Les coups de griffe laissent des plaies que la pérennité d’Internet avive continuellement. Certains cas, que je tais par refus de perpétuer le souvenir, s’accrochent obstinément à l’histoire.

À la prédation en ligne s’ajoute la violence du milieu scolaire, tantôt physique, tantôt verbale ou psychologique. Du coup, certains jeunes sont toujours sur le qui-vive.

La quasi-totalité des écoles est infectée. La mienne, avec ses 2000 élèves, n’y échappe pas. Une première activité, en début d’année, avait sensibilisé les jeunes au problème. Dès lors, plusieurs victimes d’intimidation ont senti qu’ils n’étaient plus seuls. Ce coup de semonce a eu pour effet de rallier les individus, pas seulement les victimes, mais tous ceux qui fulminaient en silence.

L’effort aurait vraisemblablement péri de son inactivité, comme plusieurs initiatives auxquelles on ne donne pas suite, n’eut été de la persévérance des élèves à raviver le sujet dans leur blogue scolaire. Du coup, les blogues servent de tribune populaire pour rompre l’isolement des victimes ou pour hurler son désaveu. Ainsi, la communauté défend le bien par ses porte-voix. L’union fait la force.

Par mi les élèves qui se sont distingués :

    Wen Q. : certaines personnes sont intimidées et j’ai l’impression qu’ils ne le savent pas. Des intimidateurs font semblant d’être leurs amis et ils les poussent à faire/dire des gestes/paroles stupides et immatures.

    Michaël L.D. : Le respect est l’une des valeurs fondamentales de notre société. Il est l’une des cinq attitudes privilégiées de notre programme éducatif et il est essentiel à la vie en société, en groupe, à l’école ou dans une quelconque communauté.

    Tarik P. : Souvent, on intimide quelqu’un non parce qu’il est: gros ou mince, petit ou grand, blond ou roux mais bien PARCE QU’IL EST DIFFÉRENT. [...] Je suis qui je suis. Je mérite le respect. Je suis un être humain et non pas une bête de cirque!

    Maëlla L. : Depuis quelques années, j’ai remarqué que la plupart des groupes sont formés en  » gang » et qu’il y a une hiérarchie vis-à-vis les élèves. Cette hiérarchie se divise en trois parties : Les cools ( en haut), les neutres ( au centre) et les rejets( en bas). Il y a aussi des règles invisibles qui rendent les liens entre ces trois parties très difficiles.

    Charles-O. M. : Les personnes intimidées n’ont pas toujours confiance en eux ou ont un défaut particulier qui les gêne. Ils n’ont pas besoin, eux qui souffrent déjà, de se faire diminuer par leurs camarades. Cela ne fait qu’aggraver les problèmes de ceux qui devraient être aidés plutôt que repoussés.

    Geneviève D. : Certaines personnes ont peur de se faire rejeter s’ils ne font pas de discrimination envers le « souffre-douleur ». Je dis qu’il ne faut pas faire de méchanceté envers les autres simplement parce que nous avons peur.

    Jules B. : C’est sûr que dans les quelques jours suivants la conférence plusieurs personnes se sont indignées et ont dit qu’ils voulaient arrêter, mais cela n’a pas fait une grande différence sur le comportement de tous les jours. Pour vraiment obtenir un résultat, il faut que l’on se donne vraiment des résolutions et que l’on agisse .

    Maude B. : Ça parait un peu cliché de dire cette phrase, mais parler c’est grandir ! En plus, si vous évitez de vous défouler en intimidant (ce qui n’est vraiment pas une bonne façon de le faire, car on culpabilise parfois !), vous brisez déjà une énorme chaîne de malheur qui aurait probablement rendu une quantité infinie de gens malheureux et coupables d’un geste ingrat !

    Philipp F. : je me suis fait intimider [...] parce que j’étais différent. DIFFÉRENT. Aujourd’hui, je ne parle pas beaucoup car j’ai perdu ma capacité de socialiser.

Mise à jour, 29 novembre 2007 | Mario me rappelle que je devrais mettre en évidence la relève de ce billet assurée par Michaël L.D. : La communauté se dresse contre l’intimidation!!! Michaël a accepté, dans une perspective de service communautaire, de colliger les billets de la blogosphère de l’école qui traitent de l’intimidation. Je crois plus utile que cette tâche revienne à un élève.


(Image thématique : The Adversarial Violences, par Gustav Klimt)


Par ricochet :
L’intimidation et les blogs
Les cicatrices de l’intimidation
La violence à l’école
L’école : un milieu violent
Étude: comment contrer le bullying
Le Web des cons : insultes et menaces de mort
Les 5 grands risques internet pour les enfants
La technologie de la violence
Le tiers des ados en ligne victimes de cyberbullying
Jeux vidéo : la violence engendre la violence
Étude sur les causes de l’intimidation

Quand un élève exploite un blogue

MondrianComposition2.jpgTravail et application sont les ailes ; elles franchissent fleuves et collines. (Jean Fischart)

En débordant des murs de l’école, les blogues d’élèves ajoutent à l’authenticité de leur travail. Cette vitrine les expose à l’imprévisibilité de la vie, contrairement aux ornières de l’activité scolaire. En dépit des craintes des adultes, plusieurs rencontres sont bénéfiques à qui possède une connaissance de la Toile. Tommy C. en fait la démonstration en relatant sa participation au Webcom-Montréal 2007. Il a fait très bonne impression, aux dires de Mario Asselin, Sylvain Carle et Patrick Tanguay. Au-delà de la qualité d’un billet écrit à la sauvette, certains aspects ont retenus mon attention.

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Caricature d'un blogueur / Autrans

En visitant Vladstudio, j’ai découvert la très belle image ci-dessous, qui est une caricature des pires préjugés que l’on entretient à l’endroit des technophiles. De fait, l’image, intitulée Blogger (Digg It Digg It Digg It), est un fond d’écran, réalisé par Vlad Gerasimov, un artiste et illustrateur qui m’a maintes fois émerveillé. Hormis quelques cas extrêmes, les utilisateurs des nouvelles technologies n’ont rien d’un être informe, happé par l’obscurité, s’accrochant à une maigre idée et obsédé par leur popularité. C’est d’ailleurs l’un des éléments qui ressort de la présentation de la délégation du Québec à Autrans (voir le webcast « Ouverture Autrans 2007 ») et auquel les journalistes ont fait écho (Libération: «Les jeunes ne sont pas obsédés de l’Internet»).

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Incursion des blogues: Canada 1er, France 3e

Les Canadiens lisent les blogues plus que tout autre pays occidental. Ils se situent en tête d’un palmarès de huit pays selon une analyse de comScore Networks (iMedia Connection: The Score: Blogs Gain Favor Worldwide). Près de 60 % des internautes canadiens ont visité un blogue en octobre, suivis des Espagnols (51 %) et des Français (46 %). Les Américains viennent loin derrière, au sixième rang, avec 36 %. La chose est d’autant plus étonnante que les grands médias américains parlent régulièrement des blogues, notamment durant les élections, et que plusieurssont parmi les plus connus, comme Boing Boing. Toutes les hypothèses sont permises. Est-ce que les Américains restent majoritairement attachés aux médias traditionnels, particulièrement la presse écrite et la télévision? Les Canadiens sont-ils plus anticonformistes et larges d’esprit? L’étendue du pays y est-elle pour quelque chose?

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L'intimidation et les blogs

L’année dernière, trois de mes élèves ont créé un site Web pour ridiculiser un autre élève. Ce dernier en a été traumatisé. Comme nous nous apprêtons à confier un blog à tous mes élèves, je m’inquiète d’apprendre que le harcèlement virtuel est à la hausse et que les blogs ne sont pas à l’abri (USA Today : Schoolyard bullies get nastier online). Comment faire pour empêcher, ou à tout le moins limiter, le harcèlement ? …

Naturellement, il faut assumer notre rôle d’éducateur. Une once de prévention vaut mieux qu’une livre de remède. Il ne s’agit pas de doter bêtement les élèves d’un outil de publication et espérer que tout se passe pour le mieux. Après avoir identifié les objectifs pédagogiques, il faut déterminer les moyens pour y arriver.

Je vois quatre moyens pour prévenir le harcèlement en ligne :

  • sensibiliser les élèves à l’éthique des blogs
    • recourir à une pédagogie du contrat
    • informer les parents
    • maintenir la vigilance
  • En ce qui concerne la pédagogie du contrat, elle devra nécessairement passer par une réflexion de l’utilisateur sur l’éthique et les conséquences néfastes de la publication. L’étendue de cette réflexion, ainsi que les moyens de la susciter, varieront en fonction de l’âge des élèves. Pour les élèves du secondaire, il est approprié de leur demander de composer leur propre code d’éthique, qu’ils afficheront ensuite dans leur blog (voir, par exemple, ceux de Allan Jenkins et David Weinberger). La rédaction d’un contrat d’engagement collectif peut aussi être envisagée.

    Enfin, il faut instruire les élèves des mesures à prendre s’ils devaient être victimes de harcèlement. Le Center for Safe and Responsible Internet Use recommande de :

  • ignorer l’agresseur et désactiver les fonctions de communication;
    • conserver les preuves du harcèlement et essayer d’identifier l’agresseur;
    • informer la direction de l’école;
    • contacter les parents de l’agresseur et leur présenter les preuves;
    • contacter un avocat;
    • contacter la police s’il y a menace de violence, extorsion, haine ou exploitation sexuelle.
  • Évidemment, toute autre suggestion sera la bienvenue.


    Par ricochet :
    Nécessité d’enseigner l’éthique
    Code d’éthique du blogueur
    Blogs et pédophilie
    Bloguer en sécurité pour les élèves