L'apprentissage en réseau : un moyen sous-utilisé


WillatsAroundNetwork.jpgNos vies sont faites de tout un réseau de voies inextricables, parmi lesquelles un instinct fragile nous guide, équilibre toujours précaire entre le coeur et la raison. (Georges Dor)

L’évolution fulgurante des nouvelles technologies de la communication en fait un sujet difficile pour la recherche empirique en éducation. D’abord, le temps de formation et d’appropriation par les enseignants dans un système hiérarchique retarde leur mise en application; de surcroît, la durée des études rend quasi caducs les résultats au moment de leur publication. Néanmoins, certains chercheurs réussissent à porter leur regard sur l’utilisation des plus récentes technologies. Dans un article de la revue International Journal of Web Based Communities, Elizabeth Hartnell-Young et Karen Corneille constatent que les élèves et les professeurs profitent rapidement des communautés éducatives en ligne mises à leur disposition, mais qu’on n’exploite pas tout le potentiel des nouveaux systèmes (EurekAlert! : Learning a sense of cummunity online).

L’étude s’est penchée sur Think.com, un environnement d’apprentissage qui branche enseignants et élèves en réseau. Le site vaut le détour, à en juger par l’exemple ci-dessous d’une page de projets (cliquez sur l’image pour un agrandissement). Je suis particulièrement séduit par la simplicité des composantes. L’interface graphique et le choix d’un réseau fermé, principalement pour tenir les intrus indésirables à l’écart, font en sorte que le site convient davantage aux écoles primaires (hormis l’inconvenance d’associer Think à .com). Malgré ma préférence pour une approche naturelle et ouverte comme celle du Centre d’apprentissage du Haut-Madawaska, ce genre de plateforme peut s’avérer utile pour les plus jeunes ou pour les professeurs qui s’initient aux nouvelles technologies.


    OracleThinkSmall.jpg

L’étude de Hartnell-Young et Corneille aboutit à quelques observations intéressantes. Même les enfants avec peu de compétences TIC bénéficient de l’interaction en réseau. À cet effet, les enseignants jouent un rôle important de médiateur, entre autres dans la définition des règles d’opération et l’aide vers des ressources extérieures. La tâche du professeur repose moins sur une planification prédéterminée que sur des interventions en réaction à des besoins immédiats.

The best way that teachers and facilitators could help students reap the rewards of using an online community is by encouraging their active engagement by designing accessible and provocative online activities, managing access to useful resources and, most of all, asking relevant and thought-provoking questions that challenge the students.

Considérant le changement de paradigme, les communautés éducatives en ligne tardent cependant à atteindre la maturité sur le plan de l’enrichissement des apprentissages. Cela confirme l’un des problèmes de l’utilisation des nouvelles technologies en milieu scolaire, à savoir que l’introduction des ordinateurs ne suffit pas à optimiser les pratiques; encore faut-il savoir reconnaître les nouvelles possibilités qu’elles contiennent.

Il ne faut pas voir dans les difficultés d’intégration des nouvelles technologies un argument contre leur implantation. L’enjeu est à long terme (BBC : Digital divide ‘is still there’). En laissant les enfants des milieux aisés s’approprier naturellement les fonctions éducatives des nouvelles technologies, eux qui y baignent depuis la naissance, on accroît le fossé entre les riches et les pauvres. Car nul doute que les compétences TIC, plus que toute autre compétence sans doute, contribuent au clivage social.

Mise à jour, 8 juillet 2007 | « Une étude d’Alloy Media & Marketing révèle que 96 % des adolescents américains ont participé à un réseau social. » (Technaute : Les jeunes raffolent des réseaux sociaux). Cela laisse entendre que les jeunes possèdent une connaissance des réseaux que l’école tarde à exploiter.

(Image thématique : Around the Network, par Stephen Willats)


Par ricochet :

Réseauter virtuellement ses connaissances

Internet et les réseaux sociaux (Pew Internet)

Étude : les TIC favorisent l’apprentissage

L’intégration des TIC en 2007: piètre bilan

L’école d’hier et de demain

La réalité virtuelle des jeunes

L’humanité en réseau

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6 réponses

  • Ton dernier paragraphe me paraît très juste, François, encore qu’il nous donne le vertige. Les enfants qui disposent d’un ordinateur chez eux acquièrent une grande familiarité avec les TIC à travers des usages ludiques, ou simplement ‘vernaculaires’ (comme aurait dit Yvan Illitch). Comment remplacer cela? Peut-être en développant des formes d’activités intermerdiaires entre l’étude et le jeu.

  • Les inégalités sociales existeront toujours. L’idéal est la théorie, l’histoire en est la pratique. Ce que je trouve désolant, c’est que les TIC semblent destinées à creuser l’écart, alors qu’elles ont le pouvoir de le réduire. C’est là, je crois, que l’école doit intervenir. À défaut de pouvoir rivaliser avec la variété des appareils que l’on trouve dans les foyers, si du moins l’école utilisait les TIC pour exploiter leur potentiel d’autonomisation, les enfants moins nantis seraient alors outillés pour remonter la pente. Qui sait, certains atteindront peut-être le sommet.

    L’hypothèse du jeu est une avenue très intéressante, et que je partage. Je n’y fais pas assez allusion, il me semble. En tout cas, l’étendue de ta pensée et la pertinence de ton propos me surprendront toujours.

  • Bonjour. Je n’appartiens pas au monde de l’enseignement mais je voudrais simplement vous signaler une ressource disponible au Japon et qui vous fournira peut-être du matériel intéressant pour vos réflexions. J’ai présenté très brièvement ce site sur mon blogue, ici. La section anglaise vous intéressera peut-être (si vous ne la connaissiez pas déjà).

    Très cordialement,
    Alain Côté

  • Toutes mes excuses, je viens de vérifier et le contenu en anglais est plutôt limité. J’ai cru qu’il était plus complet (en japonais il est pas mal riche). Désolé de vous avoir fait perdre votre temps (l’intention était bonne), j’aurais dû mieux vérifier…

    Alain

  • Il n’y a pas de quoi, Alain. L’intention était bonne. Cela m’aura permis de connaître un peu mieux votre blogue. En tant que professeur d’anglais, j’admire ceux qui ont appris une langue étrangère.



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