La question des élèves en difficulté


WynneUSNumberOne.jpgJ’aimerais pouvoir m’exprimer avec mes sens. Les mots sont parfois très handicapants. (Björk)

Le sujet n’est pas nouveau, mais la question des enfants qui éprouvent des difficultés à l’école revêt une importance singulière à l’annonce d’une décision ministérielle qu’on dit imminente. Ce que j’entends autour de moi, cependant, m’abasourdit. L’exaspération des enseignants a atteint un tel paroxysme que nous en perdons notre dévouement. Une fois de plus, la machine bureaucratique a imposé sa logique d’économies à court terme. Quoique le temps me manque, le devoir m’oblige à réagir. À défaut d’approfondir la question, je prends néanmoins quelques minutes pour exprimer mon indignation.

Le problème est particulièrement vif. Le fait que j’enseigne dans un programme sélectif ne me met pas à l’abri des cas de syndrome d’Asperger, de déficit d’attention, d’hyperactivité, de violence, de drogue, et j’en passe. Ce que j’entends de mes collègues du programme régulier est pire encore, et je n’ose pas imaginer la situation dans les milieux défavorisés. Sans formation professionnelle ni assistance, ressources et temps préparatoire, l’insertion n’est pour le moment qu’un fiasco, tant pour les élèves concernés que pour ceux qui les côtoient.

De prime abord, parler d’intégration est odieux. On justifie d’emblée l’exclusion. Dès lors, le cas des enfants en mal d’adaptation face à la rigidité du système n’est pas à proprement parler une affaire d’éducation, mais un problème de société. Nous payons cher notre propension à exalter la gratification plutôt que la finalité, et l’efficacité plutôt que l’humanité. De cette impulsion jaillit une tendance à étiqueter, à catégoriser, à discriminer, voire à ghettoïser, qui nourrit les préjugés. D’où l’organisation en système du tri, de la sélection et de l’exclusion. L’insertion des immigrants s’inscrit dans cette foulée. La place des enfants en difficulté, par conséquent, relève d’un projet de société. Ou bien on les exclut de la classe pour avantager le rendement scolaire des élèves rangés, ou bien on les inclut, de quelconques façons, par souci d’harmonisation sociale.

Je me désole de la polarisation du débat, dont l’issue ne laisse entrevoir aucune solution nouvelle. L’entêtement, contrairement à la collaboration, entrave la créativité. Ne peut-on pas concevoir des accommodements qui font appel à l’imagination des divers acteurs? Qui sait, peut-être des modalités d’insertion partielle, en fonction des difficultés de l’élève et de son adaptabilité, sont-elles envisageables dans un système plus souple.

On aura beau chercher, une solution humaine au problème est impossible dans un système fondé sur la performance. Les valeurs sont irréconciliables, comme le montre le reportage d’Isabelle Hachey dans La Presse :

Je redoute la politique de la ministre dans ce dossier, car elle n’a pas montré à ce jour beaucoup de volonté à innover ni à investir les ressources nécessaires à remédier à un problème. Pourtant, cette fois, il y a urgence. Je le constate dans ma classe où les élèves en difficulté se font plus nombreux, et je crois savoir que le phénomène ne fera que s’amplifier. Par conséquent, je suis sympathique à la cause des enseignants et des parents qui sont abandonnés à un dilemme impossible. À défaut d’une réforme complète de l’école, et pas seulement du programme de formation, il faut opter pour des solutions pratiques. Considérant l’ampleur du problème, des solutions sans ressources concrètes n’équivaudront qu’à un expédient.

Mise à jour, 7 avril 2008 | Le très joli texte de Stéphane Laporte sur le blogue du quotidien La Presse (Aller à l’école des enfants normaux) égaye ma journée, notamment par sa conclusion : « L’école est là pour permettre à tous les enfants d’avoir une place plus tard dans le monde des grands. Et pour cela, il faut que chaque enfant ait sa place à l’école. Une place au soleil, pas à l’ombre des autres ».


(Image thématique : US Number One, par Richard Wynne)


Par ricochet :

Reportage sur les services aux élèves en difficulté

10 recommandations pour contrer le décrochage

Étude : la première année est la plus importante

Étude : l’importance du début scolaire

Étude sur le nombre d’élèves dans la classe

L’éducation et la santé : la tête manque de coeur

Étude : les effets du soutien scolaire précoce en littératie


L’annonce ministérielle tant attendue de ce matin: attendez encore un peu (Blogue du RAEQ)

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5 réponses

  • Éric dit :

    Ça augure bien! Je vais tenter d’assister à quelques bribes de ce panel… Encore merci!

  • Ana (anabaz.ca) dit :

    François, est-ce que tu as lu « Chagrin d’école » de Daniel Pennac? Je viens de le terminer. Il est EXCELLENT et parle justement de ces enfants qui ont du mal à se reconnaître le droit d’une place à l’école.

    Une lecture simple et rapide, mais très instructive puisque racontée par une maître écrivain ayant lui-même eu des difficultés à l’école.

  • Luc Papineau dit :

    Le handicap de M. Laporte est de nature physique. Je prendrais n’importe quand 34 élèves comme M. Laporte en fut un dans mes classe.

    Il faut cependant comprendre que les handicaps dont les textes de La Presse parle sont d’une tout autre nature.

  • Je suis justement à savourer Chagrin d’école. Entre autres, j’ai retenu ce passage : « Seulement à ne s’envisager aucun futur, on ne s’installe pas non plus dans le présent. »

  • Bonjour

    votre site est super interessant. il y a plein d’enfants qui ont des difficultés à l’école. j’unie ma voix à la vôtre.
    en fait, je suis étudiante en 3ème année de licence en sciences de l’éducation à l’isp, je travaille actuellement sur une des difficultés des élèves en classe à savoir l’attention et la concentration.
    c’est un problème que nombreux affrontent. Et souvent quand on arrive en tant qu’enseignants en face des élèves, on oublie qu’ils ont bien le droit de ll’avoir que c’est normal, Mais qu’il faut pas s’arreter là. les enseignants doivent avoir un projet adapté aux élèves. leurs méthodes doivent répondre aux besoins réels et à la mode actuelle et à la nouvelle technologie. sinon, les élèves restent dans leur monde, sans motivation, et du coût ne trouvent pas l’interet donc ils ne seraient pas attentifs. certains ont des problèmes d’attention, on leur accuse de ne pas travailler or ils ont des problèmes qui leur dépassent dans leur vie intime et dans leur passé.

    J’aime avoir votre réaction et votre réponse sur mon blog si dessous. justement pour aider ces enfants souvent cachés …
    http://viveattention.blogspot.com/

    j’aimerais aussi si vous le souhaitez bien de continuer l’échange.
    je vous remercie d’avance.



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