Étude : la répétition à outrance n'aide pas la mémoire

DaliPersistenceMemory.jpgDieu ne se répète jamais, même dans un brin d’herbe.
(Taylor Caldwell)

Il y a une longue tradition en enseignement, difficile à déraciner, voulant que l’on apprenne les choses séquentiellement, une à la fois. Mieux encore, on favorise la répétition pour consolider les acquis. Toutefois, une étude publiée dans Current Directions in Psychological Science (Increasing Retention Without Increasing Study Time [PDF]) indique que la concentration des activités, du moins en ce qui concerne le par coeur, ne favorise en rien la mémoire à long terme (Eureka Alert! : Back to School: Cramming doesn’t work in the long term). Après un mois, il ne reste plus rien de l’effort additionnel.

Par contre, la réactivation des connaissances a un effet positif sur la mémorisation. Dans une autre expérience, les chercheurs ont constaté une hausse des résultats après l’espacement des sessions d’étude. D’un point de vue pédagogique, cela souligne l’importance d’activer les connaissances antérieures. L’expérience m’a appris que plus le délai est long, plus on gagne à faire l’exercice collectivement.

L’intégration périodique des savoirs dans le cadre de contextes signifiants contribue encore davantage à la mémorisation. Cela explique pourquoi j’ai retenu les opérations mathématiques usuelles, mais que j’ai occulté la trigonométrie. Du coup, j’enrage de tout ce temps perdu à me casser le ciboulot sur des connaissances inutiles, notamment six années de latin. Malheureusement, je vois encore des professeurs pour qui l’enseignement est une messe.

(Image thématique : La désintégration de la persistance de la mémoire, par Salvador Dali)


Par ricochet :
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Techniques de mémorisation
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5 réponses

  • À propos du délai d’espacement pour les sessions d’études ou de mémorisation : il doit bien y avoir une limite humaine à ces délais: quelle serait-elle ?

    Je comparerais (même si toute comparaison est toujours un peu boiteuse par définition…) tout ça à un disque dur sur lequel on stocke des données, qu’on laisse ensuite dormir pendant des années. Lors de la réactivation, le disque sera probablement « collé », inutilisable…

    Il est donc important de se rappeler régulièrement des informations pour faciliter la mémorisation (C’est ce que je fais plus ou moins consciemment avec les années et je suis reconnu pour avoir bonne mémoire ;-)

    Mais plus encore que la mémorisation simple, il faut faire des liens entre toutes ces infos, c’est primordial à mon avis.

    Quant au latin, je ne considère pas tout cela comme une perte de temps : ça peut être utile côté étymologique. Mais il faut dire ici que je n’ai pas fait 6 ans, mais 3, et que j’ai toujours considéré la 3e comme « de trop »…

  • Normand Péladeau dit :

    Derrière ce titre sensationnaliste et tendancieux, digne du Journal de Montréal, se cache une étude qui n’est pas dénuée d’intérêt, mais qui n’est pas révolutionnaire non plus. Mais mettons les choses au clair tout de suite pour ce qui est du titre: contrairement à ce que laisse entendre ce titre, LA RÉPÉTITION A UN EFFET POSITIF SUR LA MÉMOIRE. Cela est indéniable. Cependant, si cette répétition est concentrée, l’effet est de courte durée, si la répétition est espacée, alors l’effet durera plus longtemps. C’est ce que démontre l’article que vous citez. Avouz que le titre de votre billet est un peu trompeur.

    Depuis très longtemps, on sait que le « cramming » est peu efficace sur la mémoire à long terme (bien que très efficace sur le court terme), mais que la répétition, si elle est espacée, produit des effets plus durables. Ce « spacing effet » est connu depuis très longtemps. Je me contenterai de citer ces études:

    Reynolds, J. H., & Glaser, R. (1964). Effects of repetition and spaced review upon secondary school students. Journal of Educational Psychology, 55, 297-308.

    Dempster, F. N. (1988). The spacing effect : A case study in the failure to apply the results. American Psychologist, 43, 627-634.

    Et je me permets d’ajouter cette-ci.

    Péladeau, N. Forget, J. & Gagné, F. (2003). Effect of paced and unpaced practice on skill application and retention :
    How much is enough? Amercian Educational Research Journal, 40(3), 769-801.

    J’ai réussi par des pratiques répétées et espacées à produire des effets durabables et très marqués après environ 6 mois (au total 190 élèves de CEGEP ont participé à cette étude). J’ai obtenu des différences de près de deux écarts-types, ce qui en éducation est exceptionnel. Pourtant, on ne peut pas dire qu’il s’agissait de pratiques dans un contexte signifiant, puisque les répétitions se faisaient sur des habiletés simples, isolées, souvent décontextualisées.

    D’ailleurs lorsque vous dite: « L’intégration périodique des savoirs dans le cadre de contextes signifiants contribue encore davantage à la mémorisation. », cette affirmation n’est pas du tout supportée par l’étude que vous citez. La phrase que vous écrivez tout de suite après cette affirmation pour illustrer ce fait pourrait en fait offrir une hypothèse alternative. « Cela explique pourquoi j’ai retenu les opérations mathématiques USUELLES ». Vous les avez donc retenus non pas parce qu’elles avaient été apprises dans un contexte signifiant, mais que vous avez dû les utiliser dans votre vie de tous les jours.

    La question que l’on doit alors se poser est la suivante: Comment faire en sorte que les élèves retiennent plus longtemps les connaissances qui ne sont pas usuelles, c.a.d. que les élèves ne seront pas amenés à pratiquer dans leur vie de tout les jours. Est-ce par des apprentissages dans des contextes signifiants, comme des projets intéressent les élèves ou par des pratiques plus ciblées, nécessairement plus décontextualisées? Que nous disent les recherches là-dessus? Le problème est que les projets ne sont pas structurés pour favoriser les pratiques répétées et espacées nécessaires pour la rétention des apprentissages d’habiletés « non usuelles ». Voici comment je résumais la position d’Ausubel à propos des « projets ».

    Selon Ausubel (2000) « les situations naturelles d’apprentissage mises de l’avant par ces courants pédagogiques ne réussissent que rarement à fournir une quantité suffisante et adéquatement espacée de pratique, ni suffisamment d’occasions de répéter les composantes les plus difficiles. De plus, l’apprentissage en contexte de projet ne bénéficie pas des avantages qu’offrent une sélection, une présentation et une organisation soignée du matériel, pas plus que les effets bénéfiques reconnus d’une séquentiation du contenu, d’un rythme de progression et d’une gradation des difficultés »

  • Normand Péladeau dit :

    Le texte intégral d’Ausubel (2000).

    « How desirable is it that practice take place in natural (real-life, uncontrived) settings? It is true, of course (providing that all other relevant factors are equal), that learning is enhanced when the conditions of practice closely resemble the conditions under which the skill or knowledge in question will eventually be used. Such learning is also less likely to be monotonous and enjoys the benefit of higher levels of
    interest and motivation. Wholly natural settings, however, rarely provide the practice conditions that are either necessary or optimal for efficient learning. Generally, it is only during the latter stages of learning, after component aspects of the learning task have already been identified and mastered in structured practice sessions, that naturalistic « dress rehearsals » become feasible. In the first place, uncontrived learning experiences typically fail to include a sufficient number of properly spaced practice trials as well as adequate opportunity for differential repetition of particularly difficult components. Second, unstructured practice does not receive the benefit of skilled pedagogic selection, presentation, and organization of material; of careful sequencing, pacing, and gradation of difficulty; and of optimal balancing of intratask repetition, intratask variability, and intertask variability. Third, most learning effort is enhanced by deliberate intention to learn according to almost all research findings. (Ausubel, 2000, p. 195)

    Ausubel, D.P. (2000). The acquisition and retention of knowledge: A cognitive view. Boston, MA : Kluwer Academy.

  • Je regrette de ne pas avoir répondu immédiatement aux commentaires de M. Péladeau, que je remercie bien tard de partager son expertise sur la mémoire. Mais je veux simplement expliquer certaines allégations avant la publication d’un autre billet dans lequel je renvoie à celui-ci.

    Mon but n’était pas de minimiser l’efficacité de la répétition comme stratégie de mémorisation. On me prête des intentions que je n’ai pas. Au contraire, mes années d’apprentissage scolaire m’ont assez démontré l’efficacité de la répétition en tant que moyen de mémorisation. Je croyais que l’ajout dans le titre de « à outrance » suffisait à exprimer fidèlement l’idée principale de la nouvelle rapportée. Malheureusement, il semble que cela ne soit pas le cas. J’enseigne à mes élèves qu’en communication, il y a toujours quelque chose de perdu entre l’encodage d’une idée, et son décodage. Lost in translation, comme on dit.



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