La musique et le cerveau

GockelMovedMusic8.jpgLa musique, c’est du bruit qui pense. (Victor Hugo)

L’attrait universel de la musique a quelque chose de fascinant. C’est Otto Klemperer, je crois, qui disait que la musique est le langage de l’âme. Mais voilà que la science, dans les limites de son champ d’exploration, ajoute quelques notes à la symphonie inachevée de la pensée. Musicophilia est le dernier livre d’Oliver Sacks, dans lequel le neurologue se penche sur la portée de la musique sur le cerveau (Slate : The Music Man). Par ailleurs, un article du Globe and Mail (How your brain calls the tune) sur le même sujet comprend cette illustration qui résume bien les découvertes de la science.

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Les universités aux prises avec la i-génération

BeharTechnologyMuse.jpgFrom mainstream to mystream. (Christine Tatum)

L’université peut-elle encore prétendre à son titre quand l’ordinateur donne accès désormais à toutes les connaissances de la Toile? On ne va d’ailleurs plus à l’université que pour acquérir une spécialité. Au moment de mes premières études universitaires, à l’époque pré-Internet, les professeurs me semblaient le pinacle du savoir humain. Après son avènement, toutefois, les cours me laissaient tant sur ma faim que j’ai déserté. Aujourd’hui, il appert que l’ennui des cours universitaires gagne toute une génération qui a grandi avec les nouvelles technologies et qui se prête au jeu pour un diplôme. Désemparés, les professeurs refont leurs classes.

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La ghettoïsation de l'école publique québécoise

TurzakGhetto.jpgIl a fallu cent ans pour effacer les discriminations les plus criantes entre les hommes et les femmes, mais qu’attend-on pour abroger celles qui restent? (Benoîte Groult)

C’est une mesure de l’incompétence du ministère de l’Éducation sous ce gouvernement que l’acharnement ubuesque à chicaner sur la valeur d’un chiffre ou d’une lettre sur un bulletin. Le ridicule semble en échapper à la ministre qui, en apparence, a subordonné le MELS à son ministère de la Famille. Quand je constate toute l’encre que la question du bulletin fait couler, mais surtout toute l’énergie consumée dans le réseau scolaire, j’en ris aux larmes. De toute évidence, il y a des questions plus pressantes, telles que la violence dans les écoles, et plus importantes, comme l’éducation aux nouvelles technologies et les enjeux sociaux du fossé grandissant entre les écoles publiques et privées.

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Prototype de bibliothèque numérique mondiale

TackLibraryCactuses.jpgUne bibliothèque est une chambre d’amis.
(Tahar Ben Jelloun)

Le Web, comme un bambin qui grandit, nous laisse baba à chaque nouvelle manifestation de son développement. L’UNESCO et la Library of Congress ont dévoilé à Paris le prototype du World Digital Library, un projet de mise en ligne de livres et d’artefacts provenant de plusieurs pays (International Herald Tribune : World Digital Library’s prototype unveiled). Le site, dont le lancement aura lieu fin 2008 – début 2009, comprendra des fonctions de recherche, de traduction et de compatibilité avec les portatifs de poche. Le vidéoclip de présentation est à couper le souffle.

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L'histoire des religions, en 90 secondes

LangeAbraham.jpgLa violence n’est le Credo d’aucune religion.
(Romain Rolland)

Bien malin celui qui peut affirmer quelle lance, de la religion ou de la politique, a le plus transformé le monde. Une lance, après tout, demande deux mains. Il y aura toujours des historiens pour en débattre. À défaut de certitude, il importe, en ces temps de mondialisation et de migrations, de sensibiliser les élèves à l’hétérogénéité des croyances. Le site Maps of War a réalisé une autre fameuse capsule vidéo (voir dans une pleine fenêtre) dans laquelle il retrace les fluctuations géographiques des principales religions pendant cinq millénaires (soure : Alec Couros).

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Les investissements en éducation rentables pour la santé

LazzaraReturnInvestment.jpgSi l’on n’investit pas sur le long terme, il n’y a pas de court terme. (George David)

Comme d’autres avant moi, j’ai longtemps prétendu que les investissements en éducation sont économiquement rentables. Par malheur, on parvient difficilement à quantifier la valeur économique de l’éducation. Mais voilà que sur le seul plan de la santé, une étude américaine établit que la réduction du nombre d’élèves dans les classes de maternelle à la 3e année se paie d’elle-même par les économies à long terme des frais reliés à la santé (EurekAlert! : Study shows reducing class size may be more cost-effective than most medical interventions).

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Notes et synthèse : un modèle intéressant

RowleyBlueNotesII.jpgPrendre des notes, c’est faire des gammes de littérature. (Jules Renard)

Les bloc-notes remis à l’accueil des congrès aboutissent immanquablement entre les mains de mes élèves, à qui je les offre volontiers. La page blanche ne m’inspire plus beaucoup. Toutefois, j’aime bien ce modèle (PDF) offert aux participants du congrès Learning 2007. L’idée de schématiser une conférence ou un atelier fait appel à des fonctions cognitives d’ordre supérieur : l’analyse, la critique, et l’organisation, entre autres. Par ailleurs, l’inclusion de cases pour les rencontres, les liens Internet et les lectures ont un caractère éducatif en incitant à la proaction.

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50 façons de raconter une histoire dans le Web 2.0

McGrawStoryBrautigan.jpgJe n’enseigne pas, je raconte. (Michel de Montaigne)

Une histoire, ça se raconte aussi avec des images. Justement, les nouvelles technologies jouent merveilleusement de l’image, et le Web 2.0 en fait un jeu d’enfant. Alan Levine s’est ainsi amusé à produire 50 versions multimédias d’un court récit dans autant d’applications Web 2.0, d’Animoto à Zude (CodDogRoo : 50 Ways to Tell the Dominoe Story). Il en profite du même coup pour faire une brève appréciation de chaque site. La beauté de la chose, c’est que la plupart des services offrent le code pour imbriquer la création dans une page Web.

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Constructivisme, socioconstructivisme et connectivisme

ShpritserConnectionsI.jpgL’éditeur, ce n’est pas celui qui dompte la bête, c’est celui qui la socialise. (Christine Angot)

Par souci d’individualisation et de métacognition des apprentissages, je résiste à la tentation d’obliger les élèves à utiliser leur blogue scolaire. Je mise plutôt sur des facteurs de motivation tels que la perception de valeur, de compétence et de contrôlabilité. Je ne manque donc jamais une occasion en début d’année de souligner aux élèves l’importance des nouvelles technologies dans l’apprentissage et l’optimisation de leur avenir. Je sais très bien que la première question, au moment de la présentation des blogues, sera « à quoi ça va me servir? »

Dès qu’il fréquente l’école, l’élève gagne à se saisir de certaines notions d’apprentissage. La métacognition, ça s’alimente. Non content d’une énumération des raisons de vouloir bloguer, j’ai cherché à illustrer, très simplement, l’apport accru des nouvelles technologies dans la dynamique de l’apprentissage. Pour faciliter la compréhension, j’ai limité la représentation aux différences entre le constructivisme, le socioconstructivisme et le connectivisme.

L’absence de certaines théories ne résulte que du besoin de simplification. Je réitère que le but est de schématiser les avantages, sur le plan de l’apprentissage, de recourir aux technologies du maillage. En outre, je crois utile de souligner que les modèles ne sont pas en opposition, mais qu’ils se complètent (cliquez sur l’image pour l’agrandir, voyez l’illustration dans une fenêtre ajustable, ou téléchargez la version PDF).


    csconnectivismesmall.jpg

Dans son excellent discours sur les nouvelles technologies, le philosophe Michel Serres s’interroge sur ce qu’elles apportent de nouveau. Parmi les éléments considérés, il ne retient que l’espace. Clive Thompson réfère aussi à l’espace quand il parle de l’extériorisation des facultés cérébrales (Wired : Your Outboard Brain Knows All), comme le rapporte Jacques Cool. Mais c’est faire peu de cas de la genèse issue du flux instantané de l’information. Ce que le Web apporte de nouveau, c’est aussi une intensité dans la mouvance et la convergence de l’information. Non seulement la triple synergie de l’instantanéité, de l’étendue et du volume de l’information modifie-t-elle la qualité intrinsèque de l’information, mais elle donne lieu à des idées qui autrement ne verraient jamais le jour. C’est plus qu’une question de degrés : la perception revêt un caractère collectif et dynamique.

Le résultat s’apparente en quelque sorte à l’évolution d’une page Wikipédia, avec ses ajouts, ses correctifs et ses retraits sporadiques. Si on pouvait visualiser la progression d’un concept dans le cerveau, cela ressemblerait sensiblement à l’historique d’une page dans Wikipedia, réalisée à l’aide d’une application créée par IBM (Social Science Statistics Blog : Visualizing the evolution of open-edited text).


    IBMVisualizationWikipedia.jpg

Pour faire suite à l’excellente dissertation de Philippe Navarro sur le rapport de la cybersphère à la noosphère (Le Devoir : Le devoir de philo – Teilhard de Chardin craindrait YouTube), je dirais que le premier est l’électrification du second. La noosphère est une sorte d’épistémè que l’on subit, alors que la cybersphère est un environnement culturel sur lequel on agit.

Un changement de cette envergure modifie nécessairement les pratiques auxquelles l’école doit préparer les jeunes. Anne Zelenka offre une autre comparaison du changement de paradigme qui secoue les milieux de travail (GigaOM : From the Information Age to the connected Age). Puisque j’avais résolu de refaire un tableau qui manquait quelque peu de lisibilité, j’en ai profité pour le traduire :

    TravailSavoirsVsTravailWeb.jpg

L’homme a déjà dévolu à l’ordinateur les fonctions de mémorisation et d’analyse, mais il conserve la plus importante : l’imagination. Par ailleurs, le grand avantage de l’homme sur l’ordinateur demeure sa diversité, résultat de son unicité, contrairement aux machines produites en série. De cette diversité découle un foisonnement de la pensée quand la collectivité est mise à profit.

Mise à jour, 20 octobre 2007 | Jacques Cool présente un résumé très intéressant d’une conférence de George Siemens, le père du connectivisme, lequel résumé inclut des croquis qui incitent à la réflexion (Ze Cool blogue : Vivre, apprendre, communiquer dans un monde d’instantanéité…). La réflexion, après tout, s’inscrit dans la dynamique d’apprentissage favorisée par le connectivisme ;-)

Mise à jour, 18 juillet 2011 | Les nombreuses attaques contre Internet et ses effets sur la pensée me portent à croire que la théorie du connectivisme de Siemens, puis Downes, va au-delà de l’apprentissage et qu’elle constitue en quelque sorte une théorie augmentée de la pensée. Le réseautage ubiquitaire de l’activité humaine, un néo-phénomène dans l’évolution de l’espèce, nous oblige à considérer les théories dans une nouvelle perspective. De la même manière que l’outil est une extension de la main, pour reprendre une image qui pèche par sa simplicité, les technologies de la cognition, dès lors qu’elles sont maillées, constituent une extension du cerveau.

Malgré que le processus soit circulaire plutôt que linéaire (réticulaire de surcroît), la pensée se situe en amont de l’apprentissage. Par conséquent, il faut situer la causalité de l’effet des nouvelles technologies au niveau de la pensée. Cela ne signifie pas que le connectivisme soit absent des processus d’apprentissage, mais qu’il le transcende en antériorité et en postériorité. Cet argument, s’il tient la route, réfuterait certaines critiques du connectivisme en tant que théorie d’apprentissage.

Et pour ceux qui s’inquiètent des effets d’Internet sur le cerveau, rappelez-vous que l’homme, dans sa nature, ne change que très lentement. Seuls les comportements changent, au gré de l’environnement et des événements. Le cerveau, par effet de plasticité neuronale, s’adapte au changement comme il l’a toujours fait. Si Internet devait disparaître, il s’adapterait à nouveau.


(Image thématique : Connections I, par Eve Shpritser)


Par ricochet :
Le connectivisme (néo socioconstructivisme)
Le constructivisme, en trois phrases
5 composantes de la connectivité
Constructivisme vs connectivisme
Survol de l’apprentissage et du connectivisme
Conférence / connectivisme : George Siemens
Les TIC et la pensée
Une étude à l’appui du socioconstructivisme
L’humanité en réseau
CCA : Examen de la construction du savoir

La qualité de la langue et les blogues scolaires

ArtLanguageLovelySlang.jpgLa faute de français anémie une langue. (Claude Roy)

Les blogues scolaires sont confrontés à un dilemme inconciliable : les impératifs de la qualité de la langue associés à la publication, d’une part, et l’erreur inhérente à l’apprentissage, d’autre part. Alors que les erreurs étaient naguère confinées aux exercices et devoirs en coulisse, les avantages du Web propulsent les apprentis sous les feux de la rampe. L’école a désormais une vitrine pour l’apprentissage, et pas seulement pour le marketing. Fidèle à sa mission éducative, elle opte pour la dynamique de l’interaction collective plutôt que le tri élitaire en osant montrer l’erreur au grand jour. Du coup, on heurte les sensibilités.

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