Évolution d'une première année dans la blogosphère

Si les blogues étaient un moyen d’expression banal, ils ne seraient pas cause de tant de changement. Leur impact sur les médias ne fait plus de doute. En tant que moyen de communication, ils agissent sur le lecteur ; mais contrairement aux médias traditionnels, leur portée est multipliée par l’interaction sociale. Cependant, je ne m’attendais guère à ce qu’ils transforment aussi les auteurs. Après une année d’expérimentation, je dois me rendre à l’évidence que je n’utilise plus mon blogue de la même façon.

Comme d’autres l’ont fait remarquer avant moi, cette forme de connectivisme cultive la conscience individuelle et collective. Je n’y ai pas échappé, et j’ose espérer y avoir contribué en retour. L’aspect qui m’intéresse par ailleurs, et qu’on a peu abordé, concerne la productivité. Le volet intellectuel se situe au-delà d’une analyse objective, et je suis mal placé pour évaluer. Un examen général de la productivité de mes billets, par contre, révèle une évolution qui comporte un certain intérêt si elle affecte d’autres blogueurs.

Par curiosité, j’ai compilé quelques données de ma production pendant cette première année. Je m’étonne moi-même du résultat : 509 billets seulement sur Relief, et 333 commentaires éparpillés sur les blogues qui alimentent ma réflexion. Au total, 166 283 mots (l’application que j’utilise comporte un compteur de mots) ; à 350 mots par page, cela fait 475 pages. Non pas que tout ce charabia ait l’allure d’un livre, mais cela illustre bien l’ampleur d’une écriture quotidienne martelée par les bons outils. Et ça n’a rien d’une production surhumaine : cela représente en moyenne 1,5 billet et moins d’un commentaire par jour.

Dans les premiers temps, j’étais fasciné par la quantité d’information glanée par mon agrégateur. Les trois premiers mois ont été marqués par une augmentation rapide du nombre de billets (voir figure 1), essentiellement de nature informative. Cependant, j’étais vivement impressionné par la qualité de l’écriture réflexive des blogueurs de ma communauté carnetière qui avaient une plus longue expérience des blogues. Du coup, ma production m’est apparue bien fade. J’ai d’ailleurs traité de mon inconfort à ce moment de mon parcours. Les trois mois qui ont suivi (4, 5 et 6) ont été marqués par une diminution du nombre de billes pendant que je me cherchais une solution. En contrepartie, ma plume n’a connu que très peu de cesse dans l’écriture des commentaires.

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La solution qui m’est d’abord apparue consistait à compiler l’information provenant de mon agrégateur dans une revue quotidienne, dans l’espoir de consacrer les autres billets à une écriture réflexive et analytique. Cette expérience s’est échelonnée durant le 8e et le 9e mois. Toutefois, le rythme était impossible à soutenir, même avec une application qui automatisait une partie du travail. C’est le genre de chose qui devient abrutissant quand il faut y consacrer une partie de ses loisirs. De plus, cela ne me laissait guère de loisir pour une écriture libre. Finalement, j’ai capitulé. L’avenir était aux socionomies (folksonomies). Si le résultat s’avère moins convivial pour le lecteur, il a l’avantage de faciliter la tâche du blogueur tout en augmentant le débit. La figure 2 illustre le bon fulgurant de tags publiés dans Jots à compter de ce moment (10e mois).

Je n’avais pas réalisé, avant l’examen de ces données, la croissance presque constante de mes commentaires en réaction à ma communauté de blogueurs (figure 1). Malgré une diminution du nombre de commentaires à la fin de l’année scolaire (alors que tous les enseignants sont débordés) et au début de l’été (alors que les vacances assoupissent les éducateurs), il n’en demeure pas moins que l’écart entre le nombre de commentaires et de billets a continué de s’atténuer. Durant les deux derniers mois, les commentaires ont finalement dépassé le nombre de billets. Il me semble que la blogosphère entraîne une escalade de l’action-réaction. Will Richardson qualifie la dynamique du blogue de read/write ; quant à moi, il s’agit davantage d’une synergie read/write/respond.

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La répartition des mots dans les billets ne m’apprend rien qui vaille, sinon la chute radicale après l’abandon de la revue quotidienne (figure 3). Par contre, je m’aperçois que j’écris maintenant autant dans les commentaires que dans les billets (mois 11 et 12). Aurais-je atteint un équilibre entre l’écriture et la réponse ? Il me semble que c’est un état souhaitable dans une perspective connectiviste.

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De tous ces chiffres compilés, j’attendais avec une certaine anxiété la moyenne de mots par billets (figure 4). J’aurais été déçu si l’objectif que je m’étais fixé après le stade initial, c’est-à-dire d’écrire plus introspectivement et analytiquement, ne se reflétait pas dans la longueur des billets. Hormis la pointe démesurée causée par la revue quotidienne, il semble que la tendance soit à la hausse. Je me réjouis que la moyenne de mots ait plus que doublé en un an. En ce sens, je crois que je progresse. Mais un an, c’est bien peu dans un processus d’apprentissage. J’aspire encore à égaler ceux qui avivent ma pensée.

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Au travers des aléas, et en dépit des arias, je suis assez fier de ma constance dans l’écriture. Ceux qui enseignent sont en mesure d’apprécier la difficulté de maintenir la connectivité au quotidien. C’est assurément un facteur dans la stagnation pédagogique qui affecte l’éducation. Pour ma part, je n’y serais pas arrivé sans la capacité de créer une application (Calame) en fonction de mes besoins. La collecte de données, en attendant de trouver le temps d’aborder un sujet, et une démarche d’écriture adaptée ont certainement contribué à une certaine profusion.

Une voix extérieure me conjure d’écrire moins souvent. Je tâcherai d’y travailler. Pour l’instant, je suis accro de cette énergie collective. Je me contenterai donc de poursuivre sur ma pensée analytique ou réflexive, en attendant que les choses évoluent encore. Et je ne saurais dire où cela me mènera.


Par ricochet :

Le pouvoir du verbe (et du blogue)

Les blogues au secours de l’écriture

Bloguer vs diffuser

Réseauter virtuellement ses connaissances

Recherche cognitive et individuation

La thérapie du blog

Les effets des blogs sur le cerveau

Le site du connectivisme

L’attrait communautaire des blogs

Blog réflexif et formation professionnelle

Pour ou contre les commentaires ?

La puissance de la collectivité

Le temps d’apprendre

Les blogues stimulent la pensée

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