Jeux vidéo : la violence engendre la violence

CytterPatternViolence.jpgToutes les violences ont un lendemain. (Victor Hugo)

L’opinion populaire a une perspicacité qui devance souvent la science. On a longtemps attaqué les jeux vidéo pour la montée de la violence chez les jeunes, en dépit de certains spécialistes qui affirmaient que les joueurs savaient faire la part de l’imaginaire et du réel. Or, les études s’empilent sur les effets néfastes des jeux vidéo à caractère violent. La plus récente porte sur l’efficacité des jeux vidéo en tant que moyen d’apprentissage de l’agressivité, considérant qu’ils font appel à plusieurs des mêmes stratégies utilisées par les meilleurs professeurs.

Un chercheur de l’Université Iowa State a trouvé que les jeunes qui s’adonnent aux jeux vidéo de type violent ont des comportements plus agressifs après seulement six mois (Iowa State University : Gentile, father explore how violent video games are exemplary aggression teachers). L’étude qui paraîtra bientôt dans la revue Journal of Youth and Adolescence établit « sept parallèles entre les jeux vidéo et les professeurs efficaces, incluant l’habileté à s’adapter au niveau de chaque apprenant — incluant la pratique étalée dans le temps — et enseignant pour un transfert dans des situations réelles. »

Je m’inquiète de la capacité de l’industrie à exploiter le potentiel éducatif des jeux vidéo, dans le sillage de la recherche en psychologie, alors que l’école se complaît dans des moyens vétustes. Combien de temps encore avant que l’industrie du jeu vidéo ne commence à faire du product placement à l’instar d’Hollywood. Ce n’est qu’un exemple, et non le meilleur. Les experts en marketing savent faire preuve de beaucoup de subtilité et de finesse dans leur créativité mercantile.


(Image thématique : Pattern of Violence, par Keren Cytter)


Par ricochet :
Les armes dans les écoles et la violence chez les jeunes
Les jeux vidéo rendent-ils agressif (Michaël L.D.)

Différences d'apprentissage : garçons et filles

BoyGirlLiebermann.jpgGarçon ou fille, homme ou femme, il n’y a que des individus fiables ou non. (Françoise Giroux)

On commence seulement à pouvoir examiner les différences de cerveaux entre les garçons et les filles. Quoique l’un est aussi capable que l’autre dans l’ensemble (McCullough, L. : Does Learning Come in Pink and Blue? Gender and Learning; PDF), on distingue des nuances particulières. Des millions d’années d’évolution ont forcément entraîné de subtiles divergences à un organe aussi vital. Le sujet mérite qu’on s’y arrête considérant les difficultés scolaires chez les garçons et la négligence des écoles dans la différenciation des apprentissages. Pour nous aider à comprendre, Fernette et Brock Eide font le point sur les caractéristiques qui distinguent les cerveaux des deux sexes (Eide Neurolearning Blog : Gender Matters in the Learning Brain).

Studies of students show that boys and girls and men and women tend to differ in terms of intrinsic motivation, study strategies, and learning strategies – females tend to prefer cooperation, note-taking, and task mastery, whereas men are more likely to prefer competition and independent work, and challenge, and avoid note-taking as a study strategy.

Comme les neurosciences cognitives sont un domaine d’étude émergent qui aura un impact certain sur la pédagogie, je crois utile de représenter schématiquement les découvertes au fur et à mesure qu’elles sont portées à mon attention. Pour commencer, le schéma ci-dessous résume les références suivantes (cliquez sur l’image pour un agrandissement) :

differencesappgarconsfilles1

Évidemment, il ne faut pas perdre de vue que toutes ces différences sont des généralisations et ne sauraient être appliquées systématiquement aux pratiques pédagogiques. Au mieux, elles aident à comprendre les comportements des individus et ajuster les interventions au besoin. Par ailleurs, les professeurs doivent être conscients que s’il existe des différences sur le plan des apprentissages, il en va également de l’enseignement (Washington Post : Study: Teacher’s Gender Affects Learning).

Mise à jour, 30 mai 2007 | Un article qui mérite lecture dans le Detroit Free Press (Boys Can make the grade, if they’re not bored) [PDF] fait état des stratégies utilisées par une commission scolaire pour motiver les garçons à l’école. En marge de l’article, on trouve des différences dans les styles d’apprentissage qu’on dit appuyées par la recherche. Sans les références, j’ai préféré ne pas les ajouter au schéma ci-dessus, même s’ils sont intéressants.

Mise à jour, 13 juin 2009 | Une étude menée par la Equality and Human Rights Commission (Grande-Bretagne) indique que les filles craignent davantage d’échouer que les garçons, même si elles obtiennent généralement de meilleurs résultats (BBC : Girls ‘hampered by failure fears’). Le schéma ci-dessus a été modifié en conséquence.

(Image thématique : Garçon et fille dans une rue de village, par Max Liebermann)


Par ricochet :
Différences de cerveau entre les sexes
L’éducation pénalise les garçons
Lenteur des garçons à apprendre l’alphabet
Les examens scolaires favorisent les filles
L’école est-elle trop “féminine” pour les garçons ?
Les garçons moins patients que les filles
Ségrégation garçons-filles à l’école : effet négligeable
Les garçons plus lents à traiter l’information
Langage et visualisation : hommes et femmes diffèrent
Le sexe d’un enseignant affecte l’apprentissage
Avantage Q.I. masculin (et cerveau d’ado)
Différences entre garçons et filles (mes archives)

Les filles se croient-elles moins intelligentes?

Ce peut-il que les jeunes adolescentes ont l’impression d’être moins intelligentes que les garçons ? Après tout, 15 ans est un âge où les filles sont tiraillées par les hormones sexuelles et très préoccupées de leur réseau social, peut-être plus que l’école. Après tout ce qu’on entend sur la supériorité des jeunes filles à l’école, d’ailleurs confirmée par les résultats scolaires, et après avoir longtemps observé leur avantage marqué sur le plan de la maturité physique au début de l’adolescence, un événement récent m’a laissé songeur. J’en suis venu à me demander si les jeunes filles, en dépit de résultats scolaires supérieurs, ne se percevaient pas comme moins intelligentes que les garçons.

(suite…)

Les avantages d'une langue seconde

C’est le genre de nouvelles qui réjouit un professeur d’anglais : une étude (PDF) indique que le bilinguisme accroît la matière grise dans les parties du cerveau responsables de la langue, alors qu’une autre étude (PDF) révèle qu’il ralentit le déclin des facultés cognitives et mnémoniques relié au vieillissement (Eide Neurolearning Blog : Bilinguilism Is Good for You). Mais ce n’est pas tout.

Je prends toujours le temps, en début d’année, de faire prendre conscience aux élèves des raisons pour lesquelles ils doivent apprendre l’anglais. Puisque mon blogue d’école est dans la langue de Shakespeare, je les présente ici en français :

    Le bilinguisme accroît la matière grise dans les parties du cerveau qui traitent le langage (source).
    Le bilinguisme favorise la compréhension des diversités culturelles et un esprit ouvert (source).
    Le bilinguisme offre de meilleures chances d’emploi (source).
    L’anglais donne accès à un vaste contenu de connaissances (source).
    L’anglais est aujourd’hui une ressource inestimable pour voyager ; l’anglais est officiellement reconnu par plus de 75 pays (source).
    L’anglais constitue un atout majeur à l’ère de la mondialisation : un tiers de la population mondiale parlera bientôt anglais (source), alors qu’elle est déjà la langue internationale des sciences et des affaires (source).
    Les personnes bilingues ont, en moyenne, un revenu annuel supérieur de 6 000 $ (source): multiplié par 35 années de travail, cela fait 210 000 $ ; avec les intérêts cumulés, la somme dépasse les 500 000 $.
    • L’anglais facilite l’accès à l’université ; or, la valeur d’un diplôme, échelonné sur toute une vie, est estimée à 1 million $ (source 1, source 2).
    Un diplôme universitaire ajoute 5 ans à l’espérance de vie (source (PDF)).
    Ceux qui parlent une langue étrangère ont plus de sex-appeal (source).


Par ricochet :
Les langues et le sex-appeal
Mondialisation de l’anglais
L’anglais, langue de travail en France

L’apprentissage d’une langue seconde – prise 2 (Réflexions d’un enseignant)
Retour à l’anglaise (Foire aux idées)

Motivation : coopération ou compétition ?

Les nouvelles approches pédagogiques font une large place à la coopération. Et c’est tant mieux. On ne saurait sous-estimer l’importance de la coopération dans le développement cognitif, affectif et social, de même que sur le plan de la méthode. Néanmoins, il serait bête, dans la classe, de bannir complètement la compétition. Je le vois tous les jours : l’idée de rivaliser avec leurs pairs stimule les élèves. La fougue de la jeunesse attise certainement cet esprit de compétition. Or, une étude (PDF) de l’Institute for Learning and Brain Sciences de l’Université du Washington révèle les différences dans l’activité du cerveau de la coopération et de la compétition (Eide Neurolearning Blog : What Motivates You? Cooperation or Competition?).

Si, pour un contexte déterminé, l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (fMRI) indique des zones d’activité cérébrales distinctes pour la coopération et la compétition, les choses ne sont pas aussi simples dans l’effervescence de la classe. L’observation nous apprend que certains élèves sont davantage portés vers la coopération, tandis que d’autres préfèrent la compétition. Dans leur for intérieur, toutefois, tous les élèves cherchent à surpasser leurs pairs : c’est l’instinct animal. Un bon enseignant cherchera à canaliser cette force vers des activités d’équipe constructives, c’est-à-dire de nature coopérative, plutôt que de façon négative en opposant les élèves.

Je me méfie généralement des dichotomies qui favorisent un pôle à l’exclusion de l’autre. L’expérience nous apprend qu’on a généralement tendance à osciller de l’un à l’autre, selon les circonstances. Pourquoi, sinon, l’évolution nous aurait-elle dotés de tant de capacités ? Et puis, comme éducateur, j’ai appris à aimer la diversité. Pour revenir sur la question de la motivation, celle-ci est sûrement plus grande quand on mise à la fois sur la coopération et la compétition (amicale, j’entends), par exemple lorsque l’émulation aiguillonne le travail d’équipe.

Mise à jour : 20 novembre 2005 | Fernette et Brock Eide présentent la suite de leur premier billet sur la coopération, le second billet portant davantage sur l’aspect compétitif de la motivation : Reflecting on Competition.

Au même moment, le magazine Time publie un article fascinant sur l’ambition en tant qu’agent de motivation : Ambition: Why Some People Are Most Likely To Succeed.


Par ricochet :
Motivation, plaisir et gratification
Le point sur la motivation intrinsèque
Il n’y a pas que les notes qui comptent

Motivation, plaisir et gratification

Quand les choses ne tournent pas rond en classe, il est trop facile de jeter le blâme sur les élèves. Avant de condamner ces derniers, ou la négligence de leurs parents, l’enseignant doit d’abord se demander s’il n’est pas en partie responsable de ses déboires. En ce qui me concerne, je réalise que j’aurais pu faire mieux. Cela n’absout pas entièrement les élèves, qui ont eux aussi leurs responsabilités, mais c’est un exercice d’analyse professionnelle qui contribue à améliorer ma pratique. À ce sujet, la théorie de la motivation scolaire me sert régulièrement. …

L’auteur qui m’a le plus influencé au regard de la motivation scolaire est Rolland Viau. Je retiens surtout les variables qui influencent l’apprentissage scolaire (variables relatives à l’apprenant, la famille, l’enseignant, l’institution, et la société) et son modèle de la motivation scolaire (cliquer sur l’image ci-dessous pour l’agrandir) qui repose essentiellement sur trois déterminants perceptuels : la valeur de la tâche, la compétence individuelle, et le degré de contrôlabilité sur la tâche. Ces notions me guident tous les jours.

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Néanmoins, il m’a toujours semblé qu’un déterminant était absent du modèle de Viau. Ce qui m’a amené à remettre le modèle en question est le fait que je réussissais à motiver tous les élèves à participer à une activité sans égard à la valeur de la tâche ou à la contrôlabilité — par exemple quand je jouais à Simon Says (Jean dit) avec les élèves du primaire. Il m’est apparu, alors, que la perception de plaisir était un déterminant extrêmement puissant. Cette intuition est confirmée, depuis quelque temps, grâce à tout l’intérêt qui est porté au jeu en tant que moyen d’apprentissage. Par conséquent, je m’inspire maintenant de quatre facteurs pour motiver les élèves.

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La perception de plaisir, toutefois, n’est pas une condition nécessaire à la motivation, quoiqu’elle possède l’avantage de pouvoir se substituer aux autres. Peut-être est-ce parce qu’elle est émotionnelle, tandis que les trois autres sont plus rationnelles. En soi, le plaisir a une portée universelle qui répond à un penchant naturel et instinctif.

À ce propos, Kathy Sierra nous signale que la gratification est plus efficace quand elle est distribuée à petite dose. Je retiens surtout ce petit bijou : « Intermittent, unexpected treats are more powerful than regurlarly scheduled expected treats. » Allez… ce n’est pas si difficile : un sourire par-ci, un compliment par-là, une surprise de temps à autre, et, pourquoi pas, un jeu pour égayer l’atmosphère.

Tout ça me rappelle à quel point j’ai bûché à l’école quand elle était sous la gouverne des religieux. L’apprentissage y était une chose extrêmement sérieuse. À croire que tout plaisir était synonyme de péché. Tâchons au moins d’épargner cette grisaille aux jeunes d’aujourd’hui.

Mise à jour, 24 juillet 2010 | Une étude de l’Université d’Hertfordshire indique que l’habileté d’un professeur à divertir les étudiants constitue un facteur d’apprentissage et de motivation à la présence en classe (AlphaGalileo: Entertain to Educate!).

Mise à jour, 29 août 2010 | J’ajoute le modèle de la motivation d’Eccles et Wigfield (2002), traduit par Devos et Dumay (2006) que me fait généreusement découvrir M.F. Noel dans un commentaire. Ce modèle intègre la perception de l’environnement social, un élément qui lie la motivation au contexte, un aspect si important de l’apprentissage.

Mise à jour, 29 décembre 2010 | Dans un article paru dans la revue Correspondance (2000, 5-3), Roland Viau aborde la question de la motivation sous un angle plus pratique, identifiant dix conditions pour motiver les élèves (Correspondance : Des conditions à respecter pour susciter la motivation des élèves) :

  • Être signifiante, aux yeux de l’élève
    • Être diversifiée et s’intégrer aux autres activités
    • Représenter un défi pour l’élève
    • Être authentique
    • Exiger un engagement cognitif de l’élève
    • Responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des choix
    • Permettre à l’élève d’interagir et de collaborer avec les autres
    • Avoir un caractère interdisciplinaire
    • Comporter des consignes claires
    • Se dérouler sur une période de temps suffisante

  • Par ricochet :
    Impact des jouets sur le cerveau
    Lecture et jeux vidéo

    Étude sur les causes de l'intimidation

    Une étude sur l’intimidation, publiée dans la revue Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine, identifie quelques facteurs qui contribuent à l’intimidation chez les jeunes (ABC News : TV linked to bullying). Les facteurs en question sont l’environnement familial, la stimulation cognitive (incluant la lecture), le soutien affectif, ainsi que la télévision. (Merci à une de mes élèves, Marie-Audrey B., de m’avoir signalé la nouvelle.)

    Par ricochet :
    L’intimidation et les blogs
    Les ados, les blogs, et les bêtises

    Voir venir la pratique carnetière adolescente (Mario tout de go)

    La dureté forme des enfants agressifs

    Une enquête longitudinale de Statistiques Canada révèle que « les enfants qui vivent dans des foyers où l’on utilise des pratiques parentales punitives sont plus susceptibles que les autres de manifester un comportement agressif. Toutefois, les enfants exposés à des pratiques parentales punitives à un très jeune âge ne sont pas plus agressifs que les autres en vieillissant, si les pratiques parentales deviennent non punitives avec le temps. »