Le e-learning captif


JooLindsborgDetention.jpgLa liberté s’accommode fort mal d’un simple changement de dépendance. (Robert Blondin)

Jadis, l’homme interagissait intégralement avec l’environnement. Il était libre d’agir — ou de ne pas agir — en fonction de ce que ses sens lui révélaient. Dans les limites des contraintes sociales, son individualité lui appartenait. Or, le monde virtuel a changé le rapport de l’homme à la nature en ce qu’il abandonne une partie de son identité dans un cyberespace où ses données personnelles flottent à la dérive, saisies par des robots, archivées, distribuées et manipulées dieu sait comment. Une partie de son existence, dès lors, échappe à son contrôle. Sans sombrer dans la paranoïa, il y a lieu de rester vigilant, particulièrement au regard de l’avenir.

Quoique le e-learning demeure une solution incontournable, car nous utilisons tous les nouvelles technologies de la communication à des fins d’apprentissage, je me méfie des portails à la Blackboard qui maintiennent l’élève captif d’un environnement d’apprentissage en plus de cumuler des données électroniques sur sa personne. Dojo Learning est un autre exemple qu’on vient de porter à mon attention (source : Jane Hart). Dans une perspective de développement de la pensée supérieure, à défaut parfois de finalité, tout élève doit être libre des moyens d’apprentissage.

Le e-learning à grande échelle gagne rapidement du terrain, surtout aux États-Unis. Encore cette semaine, l’Alabama étendait le service à toutes les écoles secondaires de l’état (Montgomery Advertiser : Distance learning expansion continues). Les raisons évoquées sont excellentes : offrir aux élèves un plus vaste choix de cours. Mais le moyen d’apprentissage semble calqué sur l’école, un environnement cloisonné où l’on soumet les élèves à des opérations prédéterminées. Les murs virtuels ne sont que moins apparents. Non pas que les gestionnaires donnent dans le machiavélisme; la plupart ne font que reproduire le seul modèle qu’ils connaissent.

Toutes les formes d’apprentissage en ligne ne sont pas en cause. Plusieurs laissent l’élève exploiter ses propres applications. Je me défie non de la forme, mais des plateformes, particulièrement celles qui dépossèdent l’élève de ses outils et du fruit de son travail. L’ordinateur personnel demeure le point de départ technologique à partir duquel l’apprenant contrôle son apprentissage.

Je ne crains pas tant l’outil comme sa proximité des décideurs incompétents. J’admets toutefois que fort peu d’éducateurs reconnaissent la primauté de l’élève dans l’apprentissage. Encore moins savent-ils sensibiliser les élèves à la panoplie de ressources en ligne de façon à ce qu’ils organisent leur travail selon leur convenance. À titre d’exemple, il suffit de voir Google for Educators ou la rubrique éducation de Simple Spark.

En marge du e-learning, certains enseignants réussissent à transformer leur enseignement. C’est le cas de Jonathan Bergmann et Aaron Sams, deux professeurs de sciences à Woodland Park High School dont la méthode exploite le podcasting vidéo. Sous le vocable Educational Vodcasting, elle est résumée dans les deux vidéoclips ci-dessous.



Mise à jour, 13 juillet 2008 | Bruno Devauchelle poursuit la réflexion sur le sujet en faisant écho à des idées exprimées sur cette page (Veille et analyse TICE : Logiques commerciales, logiques scolaires ???)


(Image thématique : Lindsborg Detention, par Leeah Joo)


Par ricochet :

Les types de e-learning

Commission européenne : oui au e-learning

Le e-learning à l’assaut des programmes

Le e-learning pour les élèves surdoués

Le e-learning pour contrer le décrochage scolaire

e-learning à l’université Laval

ee-learning : union des TIC et de l’expérience

Enseigner au futur

Étude : le e-learning ne convient pas à tous

Le blended learning peut s’avérer plus efficace

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5 réponses

  • « Je me défie non de la forme, mais des plateformes, particulièrement celles qui dépossèdent l’élève de ses outils et du fruit de son travail. »

    Cette phrase va résonner pendant longtemps pour moi François…Il y a a construire autour ! Merci François !

  • Et si l’alternative au LMS (Learning Management System) était les EAP (Environnement d’Apprentissage Personnel).

    http://eap.recit.org/index.php/introduction-au-concept-de-eap

    Et si l’enseignant habilitait l’élève à choisir ses outils au lieu de lui imposer? L’élève deviendrait-il plus compétent?

  • J’espère, Florence, que tu ne considères pas Ning comme une « plateforme ». Vous faites un formidable travail dans Apprendre 2.0, dont je suis jaloux. Malheureusement, je n’ai pas le temps de m’impliquer dans la communauté.

    Bon point, Martin… je suis aussi un adepte des EAP (PLE). À ce sujet, un billet intéressant auquel on a attiré mon attention aujourd’hui : A Service-Oriented Virtual Learning Environment. Toutefois, je préfère la notion de PLE à celle de VLE, plus limitative.

    Enfin, je suis tombé sur cet autre article intéressant qui envisage l’avenir du e-learning : All Media Forced to Be Sold for Cheap.

  • Merci François pour ce gentil mot…Je crois moi aussi à ces environnements qui permettent à chacun de construire ses propres outils et ses propres cheminements…à l’échelle d’un collectif, c’est effectivement ce que permet la plateforme NING puisqu’on peut véritablement enrichir l’espace des outils qui nous semblent les plus pertinents…mais à mon grand regret, l’intégration de tous les widgets n’est pas encore toujours possible…ça viendra…l’essentiel est que chacun au sein du réseau vive cette expérience de construction et de cheminement et s’imprègne du processus et des changements de paradigme en cours pour chacun !
    C’est cette mouvance et ce meta niveau qui confère à l’ensemble une dimension de durabilité…parce que de cette manière on y apprend aussi à apprendre !

    Et ta participation au réseau est palpable au travers de ce blog ! Merci pour tout ce que tu contribues à faire émerger ! :-)

  • Je me pose une question cependant : pourquoi restreindre le concept à personnel ou individuel…sur apprendre 2.0, le collectif permet le développement individuel…et les individus permettent le développement du collectif…je serais assez partante de parler d’environnements d’apprentissages tout court…c’est la vie dans tous ces aspects et sa complexité qui devient un environnement d’apprentissage !



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