La masse critique


MasseCritiqueMAP.jpgSilence is the virtue of fools. (Francis Bacon)

Les rôles sont inversés. Les médias de masse cèdent le pas aux médias pour les masses. Les blogues ont d’abord ravi le texte, puis YouTube la vidéo. Ensemble, elles diffusent une information libérée du carcan de l’establishment. Les lourds camions des chaînes de télévision, chapeautés d’antennes paraboliques, ne font pas le poids face à une armée de portables. Ni vu, ni connu. Les critiques des nouveaux médias se gardent bien d’en exposer les fleurons et oublient que les médias de masse produisent leur lot de niaiseries. Du coup, ils négligent l’extraordinaire portée éducative et sociale de tous ces individus qui produisent de l’information au lieu de bêtement la consommer. The medium is the message, avait compris McLuhan.

Les politiciens apprennent à leur insu la portée des vidéos (New York Times : The YouTube Election ; Loïc Le Meur : La fin du “off” et les 10 changements pour les politiques avec le vidéo blogging) et des blogues (Evergreen Politics : The Emerging Progressive Blogosphere). Qui s’y frotte s’y pique. Le maire de Ste-Adèle a récemment goûté à cette médecine (Michael Carpentier : La ville de Ste-Adèle fait amende honorable face à la levée de boucliers des blogueurs). Doit-on s’étonner que les gens, désillusionnés des gouvernements, manifestent sur la place publique virtuelle? Le pamphlet, après tout, est vieux comme le monde.

Déjà, les politiciens rajustent le tir. John Edwards, candidat aux présidentielles de 2008, a appris cette semaine que deux membres de son équipe étaient des blogueuses au lourd passé de propos incendiaires sur le sexe, la religion et la politique (New York Times : Edwards Learns Blogs Can Cut 2 Ways). Plutôt que de les sacquer, et ainsi encourir la furie de la blogosphère, il a choisi de les garder tout en se dissociant de leurs opinions. Décision honorable. Si les électeurs lui en font le reproche, ils ne méritent pas la démocratie.

Il faut être sur ses gardes dans ce Far West. L’envers de la médaille, surtout, commande l’éducation aux médias et à l’éthique. Les vidéos d’enseignants sur YouTube sont monnaie courante. Cette semaine, le sort a frappé une école de Los Angeles (Los Angeles Times : Extracurricular videos roil campus). Combien de temps encore avant que RateMyTeachers n’affiche des vidéos? Et puis il y a tout ce côté sombre de YouTube qui sert de conduit à la publicité (Wired : YouTube vs. Boob Tube) et la propagande (Globe and Mail : YouTube the new propaganda front).

Les compétences en communication, plus que tout autre, préparent les élèves à la société de demain. Dans un contexte de mondialisation, de conscientisation planétaire et d’atomisation du travail, la hiérarchie des compétences est bouleversée. Or, l’école souffre de nostalgie. Les adultes sont contents d’enseigner le passé, tandis que la jeunesse a les yeux tournés vers l’avenir. Les compétences associées à la communication sont dorénavant indissociables de l’éducation à la citoyenneté, car la vraie citoyenneté est collaborative et participative.

(Image thème : La Masse critique, disque de MAP)


Par ricochet :

Compétences du XXIe siècle

La génération télé vs la i-génération

Le Web est maintenant le média no. 1

Les jeunes précipitent les changements médiatiques

Éducation aux médias : journalistes en herbe

Les médias et la propagande

Vous pouvez suivre les commentaires en réponse à ce billet avec le RSS 2.0 Vous pouvez laisser une réponse, ou trackback.

7 réponses

  • Bonjour,

    on sent l’urgence de s’y mettre dans nos classes. L’école devrait préparer les élèves à la société d’aujourd’hui.

    Très bon billet.

    Merci.

  • « L’urgence de s’y mettre dans nos classes. »… on ne saurait pas mieux dire.

  • Un nouveau media fait par et pour les masses: TechnoBlog

    http://www.technoblog.fr

  • « The medium is the message »… Il m’est arrivé souvent d’entendre ce genre de phrase toute faite que tout le monde emploie, mais que peu arrivent à expliquer.

    Voici donc comment le principe de Marshall McLuhan s’articule.

    Le média est le moyen de transmission du message. Pour transmettre le message, le sens de celui-ci se doit d’être mise en forme. Mettre en forme signifie de prendre le message et de le structurer. Ainsi, lors de toute communication, le message se voit systématiquement décomposé pour ensuite être recomposé dans la forme que requiert le moyen de communication.

    Ainsi, on peut dire que le média transforme le message et qui dit transformer dit changer…

    Voici un exemple rigolo – exemple qui doit être dit et non lu pour être compris – qui démontre le principe discuté présentement :

    « Un sot, tenait dans un seau, le sceau du roi ; il trébucha et les trois « so » tombèrent… »

    Vous voyez ? Il est impossible d’écrire cette phrase sans transgresser la syntaxe écrite. Bref, dans ce cas-ci, ce qui est dit, ne peut être écrit. Cette phrase orale ne peut être convertie de façon pure vers la forme textuelle, puisqu’elle dépasse une des possibilités du média écrit.

    Donc, si vous tenez à écrire cette phrase à tout prix, vous serez contraint de changer le message ; ce qui aboutira à une forme du genre :

    « Un sot, tenait dans un seau, le sceau du roi ; il trébucha. Il tomba, tout comme son seau qui contenait le sceau du roi. »

    ou

    « Un sot, tenait dans un seau, le sceau du roi ; il trébucha. Tout se retrouva sur le sol.»

    Vous voyez, d’une façon ou d’une autre, le message change. Il est faux de croire que ce n’est que la forme qui change. Le message change lui aussi puisqu’il perd une part de la poétique initiale qui englobait les trois « so » dans une même idée.

    Le média a changé, le message aussi.

    Source : http://guillaume-lamy.blogspot.com/2007/02/
    quand-le-texte-nest-pas-la-hauteur-des.html

  • Malheureusement, Guillaume, vous faites fausse route. Ne croyez pas que vous êtes le seul à avoir lu Understanding Media: The Extensions of Man. Le sens de l’expression the medium is the message n’est pas, comme vous le croyez, de soulignez l’imperfection du contenu et de la forme dans la communication. Ce désaccord est d’ailleurs connu depuis longtemps en linguistique. Ce que McLuhan dit, et qui est beaucoup plus puissant, est que le média (l’agent de transmission) est plus important que le message lui-même, car c’est le média qui est signe de la transformation, tant de la société que de notre conscience. C’est justement ce que j’explique en introduction de ce billet, c’est-à-dire que les nouveaux médias (internet, la vidéo, les folksonomies, les social networks, etc.) sont plus importants que le contenu qu’on peut leur reprocher.

  • Ok, je vois. C’est bête de ma part.

    Mais si je comprends bien, McLuhan se retrouve quasiment à nier l’exitence du concept de sens ?

    Par conséquent,il se retrouve à ivnerser le principe selon lequel le média=moyen et sens=fin…

    Pas évident.

  • McLuhan ne nie pas le sens du message. Par contre, il avance que le sens d’un message est circonstanciel, c’est-à-dire éphémère, tandis que le moyen a une portée plus étendue. En quelque sorte, le message est plus individuel, tandis que le moyen est plus social.

    Tu as raison, par contre, de souligner le flou entre le moyen et la finalité. Pour McLuhan, la puissance des nouveaux moyens (et non pas médias, bien joué), c’est-à-dire principalement les technologies, ont une telle puissance qu’ils définissent souvent la finalité.



Laisser un commentaire

*