Étude: comment contrer le bullying

Quand l’État oblige les enfants à aller à l’école, elle a le devoir d’assurer leur sécurité. Or, l’école est propice à la violence. Plusieurs enfants y ont leur première dure confrontation avec la cruauté. Enfermez une foule de jeunes dans l’enceinte d’une école, immobiles pendant des heures, soumis à un code rigide, avec une surveillance limitée, et les frictions sont inévitables. La captivité, c’est bien connu, est cause de stress et d’agressivité. La dernière fois que j’ai eu une engueulade avec mon père, c’est après avoir vécu deux semaines dans l’exiguïté d’un voilier; et c’était pour une bagatelle. Ajoutez au mélange scolaire des enfants issus d’un milieu violent ou au tempérament dominant, comme il y en a forcément, et vous avez un joli nid de guêpes. Dans les coins sombres, loin de l’oeil scrutateur des adultes, les plus forts imposent la loi de la jungle, les faibles en proie au cannibalisme.

Le phénomène semble avoir pris des proportions démesurées. Est-ce l’effet des médias? Peu importe. La chose ne saurait être tolérée dans une perspective d’éducation à la citoyenneté. Heureusement, le MELS a décidé d’agir en préparant un plan d’action pour contrer la violence à l’école, notamment dans l’espoir de contrer les gangs. Ce ne sera pas du gâteau. Il ne faudrait pas négliger la principale forme de violence à laquelle les élèves sont confrontés: le bullying. Une étude publiée dans la revue Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine révèle que les programmes multidisciplinaires intégrés à la mission de l’école connaissent les meilleurs taux de réussite (EurekAlert!: Bullying can be reduced but many common approaches ineffective). Les initiatives mitigées sont des coups d’épée dans l’eau.

We found bullying can be curbed, but that many common methods of dealing with the problem, such as classroom discussions, role playing or detention, are ineffective. Whole school interventions involving teachers, administrators, and social workers committed to culture change are the most effective and are especially effective at the junior and senior high school level.

Certains diront que c’est l’école de la vie. Si l’école enseignait comment désamorcer les agressions, ce serait effectivement le cas. Mais quand l’école mène au suicide, elle ne fait plus l’éducation à la vie.

Mise à jour, 5 avril 2007 | Le gouvernement ontarien a adopté une loi qui ajoute le bullying en ligne à la liste des comportements interdits par la Loi sur la sécurité dans les écoles de l’Ontario (CityNews : Cyber-Bullying Law Introduced in Ontario). L’article de CityNews est d’autant plus intéressant qu’il se termine par une liste desdits comportements interdits par la loi.

Mise à jour, 9 juillet 2018 | Un lecteur me suggère ce guide à l’intention des parents : A Comprehensive Cyberbullying Guide for Parents, lequel comprend quelques infographies qui peuvent également être utiles à des enseignants, voire aux élèves.


Par ricochet :
L’intimidation et les blogs
Les ados, les blogs, et les bêtises
Les cicatrices de l’intimidation
La violence scolaire institutionnalisée
La violence à l’école
De l’agressivité des enfants québécois
Les armes dans les écoles et la violence chez les jeunes
Le e-learning pour échapper à la violence
L’école : un milieu violent
Étude sur les causes de l’intimidation
Les cicatrices de l’intimidation
Ressources contre l’intimidation en ligne
Le bullying par les enseignants

Elle n’était pas née le 6 décembre 1989 (Mario tout de go)

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8 réponses

  • La télé anglaise passe souvent des spots TV pour rappeler que le bullying est un « crime/délit » et pour donner un muméro national gratuit d’aide aux élèves qui pensent en etre victime.

    Cela m’étonne toujours car ce n’est pas en France que je verrai prochainement ce genre de spot en prime-time mais je trouve cela intéressant :

    - pour rappeler aux jeunes auteurs la gravité du bullying.
    - pour donner une écoute/aide , »indépendante » de l’école, peut-etre plus facile d’accès pour les victimes dans un premier temps.

    En tout cas les anglais semblent prendre le bullying au sérieux:
    http://www.bullying.co.uk/
    http://www.teachernet.gov.uk/wholeschool/behaviour/tacklingbullying/
    http://www.jfo.org.uk/
    http://www.dfes.gov.uk/bullying/
    etc.

    Je me rappel avoir vu les résultats d’une étude il y 2 ou 3 ans où les jeunes d’européens devaient donner une note sur leur bien-etre à l’école : les jeunes anglais donnait la note la plus élevée et je me demande s’il n’y a pas un lien avec cet engagement fort contre le bullying.

  • Luc Papineau dit :

    Bon début d’année, monsieur Guité!

    Code rigide? Après 14 années dans l’enseignement, je crois que l’application d’une discipline intelligente et rigide évite bien des dérapages qu’on retrouve dans des écoles ou il n’y a pas de code rigide ou encore pas d’intelligence…

    De plus, un code rigide appliqué intelligemment évite les dérapages et confère un sentiment de sécurité aux élèves qui ne sont pas porter vers la violence ou la délinquance.

    Honnêtement, j’ai passé une partie de ma jeunesse à devoir me battre parce que j’étais le plus grand et que j’aimais l’école. Je ne crois pas que le phénomène soit récent. On y accorde plus d’importance, on en parle davantage. Tant mieux quand cela mène à sensibiliser les gens à ce problème, dommage quand cela banalise cette réalité navrante.

    On élude le fait que les proies des jeunes violents sont souvent les élèves faibles, marginaux, différents. Je suis ressorti plus qu’ébranlé d’une rencontre avec un père d’un jeune qui s’était suicidé parce qu’il ne supportait plus les comportements agressifs et homophobes autour de lui.

    Seulement, il ne faudrait pas regarder que ce qui se passe dans nos écoles. Notre chère société, les parents qui, ironiquement, dénoncent la violence, nos gouvernements sont souvent à la source de ce phénomène. La détresse sociale et économique, la pauvreté humaine et sociale, y’a rien de mieux pour alimenter de tels fléaux.

    Pour terminer, la belle politique de notre MELS est, quant à moi, une coquille vide. Ou est le fric? Nada! Et une politique sans fric ne vaut pas grand-chose dans un réseau déjà débordé et à bout de souffle.

  • Je seconde l’idée d’une campagne de publicité à la télé pour lutter contre le bullying. La conséquence la plus souhaitable est de sortir le problème du placard et d’en faire un sujet social. Un jeune en proie au bullying peut avoir l’impression qu’il est un cas isolé; une campagne de publicité ferait d’un problème individuel un problème collectif. L’autre avantage de la télé est de rejoindre aussi les parents, lesquels ont un rôle majeur à jouer, comme le souligne Luc.

    J’en profite pour remercier François (‘Frenchy’) pour les ressources internet qu’il procure (Bullying, TeacherNet, Just Fight On!, Department for education and skills).

    Je ne suis pas favorable au laxisme en éducation. L’encadrement des élèves est un aspect important de la gestion de classe. Je crois aux vertus d’un code rigide. Cependant, le meilleur code dont nous disposons est le code social, celui inhérent à notre culture et qui repose sur les valeurs morales communes. Pour les offenses plus graves, il y a le code de loi. Toutefois, je trouve que les écoles se dotent souvent de cahiers de règlements qui cherchent à régir le comportement des élèves. C’est cela que je trouve lourd et douteux. Il est plus facile d’imposer une règle que d’éduquer.

    Cela dit, je suis d’accord avec Luc quant aux chances de succès d’une politique du MELS. Celui-ci nous a trop souvent habitués à de grands projets sans les ressources pour les réaliser. Les enseignants ne savent déjà plus où donner de la tête. Comment vont-ils faire et, surtout, où vont-ils trouver le temps de bien s’attaquer à un problème aussi grave?

  • Luc Papineau dit :

    Pour rejoindre votre pensée, un code rigide, c’est la liste des comportements à proscrire et l’intelligence, ce sont les valeurs sociales qui les motivent. Un code sans intelligence, sans principes et valeurs claires, ne vaut rien.

  • Je suis devenu un fan du livre de Bernard Defrance « Le doit dans l’école: les principes du droit appliqués à l’institution scolaire »

    Si je ne suis pas non plus un promoteur du laxisme dans la gestion de la classe, je m’interroge néanmoins sur la légitimité de la « contrainte » et sur les limites de la négociation du « contrat didactique » par l’enseignant.

    Le livre de B.Defrance, réaffirme des évidences (souvent oubliées) qui me semblent à la fois légitimes et structurantes. Par exemple:
    * Nul ne peut être mis en cause pour un acte qui ne porte tort, strictement, qu’à lui-même.
    * Toute infraction entraîne punition et réparation.
    * L’interdit de la violence ne se discute pas démocratiquement puisqu’il permet la discussion démocratique.
    * Un mineur est déjà un sujet de droit mais pas encore un citoyen.
    (…)

  • Merci de la référence, Didier. Quoique le livre en question ne semble pas offert sur le Web, la liste impressionnante de ses textes contient plusieurs écrits intéressants.

    Dans « la négociation du “contrat didactique” », il y a forcément des principes non négociables a priori. Je suis tout à fait d’accord. Il est important, cependant, d’en faire prendre conscience aux élèves, selon leur niveau de maturité et de compréhension. Les points que tu soulignes en sont de bons exemples. J’ai accroché sur le dernier point, jusqu’à ce que je comprenne que citoyen est pris ici dans son acception légale.

  • Ah, j’oubliais : la BBC rapportait hier ce cas d’abus dans l’application des règlements, celui d’un garçon mis en retenue pour avoir mangé une pomme à l’extérieur des murs de l’école (BBC: Boy’s detention after apple snack).

  • « Cette reconnaissance de l’enfant comme sujet de droit constitue une avancée décisive: la parole de l’enfant ne peut plus être niée et, à l’école, la question est donc celle des processus par lesquels elle sera progressivement prise en compte dans l’organisation institutionnelle des apprentissages eux-mêmes et aboutira à l’exercice de responsabilités réelles dans la vie de la classe et de l’établissement. L’école n’est pas d’abord un lieu un espace , elle est un moment un temps dans la vie de l’individu: le temps du droit à l’erreur. »
    B. Defrance, op. cit.

    Je m’arrête ici, parce qu’une fois qu’on met le droit dans l’engrenage ;+



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