L'école engendre-t-elle la résistance au changement ?


La Suisse défraye à nouveau la chronique éducationnelle. Cette fois, ce n’est pas une remise en cause populaire de la notation des bulletins qui fait jaser. Plutôt, on apprend que tout n’est pas blanc comme neige dans les manuels d’histoire de la Suisse (BBC : History book stirs up Swiss anger). Depuis quelques années, la collaboration des banquiers suisses avec le Troisième Reich commence à percer le mur du secret. Certains éducateurs suisses ont eu le courage de modifier un manuel d’histoire en conséquence. Cela n’a pas fait l’unanimité. Est-ce à dire que la Suisse va devoir faire un référendum pour déterminer la véracité ou non des manuels d’histoire ?

La question est une boutade, évidemment. Non pas que je veuille porter un jugement accusateur sur des faits que je connais mal. Ce serait incongru de ma part. Je veux plutôt mettre en relief la difficulté du changement en éducation, dont les deux événements ont écopé

La résistance au changement en éducation est en quelque sorte le contrecoup d’une génération scolarisée dans un modèle rigide et directif et qui reste attachée, par besoin de sécurité, à ce qu’elle connaît. Elle demeure prisonnière de ses connaissances. Avec le temps, ces connaissances s’érigent en préjugés, constituant un frein à l’évolution et à la résolution des problèmes actuels.

On peut arguer que les difficultés grandissantes que connaît le monde sont la conséquence de cette pensée rigide. La pensée est largement conditionnée par la culture, mais il serait malhonnête de nier la responsabilité de l’école. Un système qui mise principalement sur l’uniformité de la formation dessert fort bien les intérêts nationaux. Mais à partir du moment où les problèmes sont d’ordre planétaire, le choc des cultures et des intérêts nationaux mènent inévitablement au conflit.

D’où l’importance de développer des compétences transversales, à l’échelle mondiale. Le nouveau programme de formation a l’immense mérite de s’y attaquer, en misant sur quatre compétences supradisciplinaires d’ordre de la communication, d’ordre personnel et social (« actualiser son potentiel; coopérer), d’ordre méthodologique (« se donner des méthodes de travail efficaces; exploiter les technologies de l’information et de la communication ») et d’order intellectuel (« exploiter l’information; résoudre des problèmes; exercer son jugement critique; mettre en oeuvre sa pensée créatrice »). L’exercice du jugement critique, au passage, ce n’est pas seulement d’étriller quelque chose ; c’est aussi prendre la mesure objective des avantages et des inconvénients pour une opinion éclairée.

L’intelligence étant largement définie comme la capacité d’adaptation, l’école aura, sinon, échoué dans le développement de l’esprit et la sauvegarde de l’humanité.


Par ricochet :

Attaques contre la réforme

Changer ou périr

Le changement en éducation : évolution ou révolution ?


« Why School Reform Is Impossible » (Mario tout de go)

Article complet: Comment on «fait» la science? (Blogue du RECIT MST)

Belle rencontre avec Jim Howden (Gauviroo)

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3 réponses

  • Et que dire de la résistance au changement en ce qui concerne la grammaire française !

    Par exemple, on a changé certaines appellations dans les classes de mots (nature), on a vu apparaître la notion de groupe (GN, GV, etc.), ce qui fait dire à plusieurs personnes qu’elles sont complètement mêlées : on a touché à LEUR grammaire, la grammaire sécurisante et monolithique qui était à peu près demeurée inchangée depuis 2 siècles, c’est tout dire…

    Bon, OK… Je ne suis pas encore prêt pour dire « des chevals » moi non plus : tout de même ! ;-)

  • L’agenda politique suisse est actuellement dominé par l’UDC, parti ultra-nationaliste (extrême-droite). Celui-ci a déjà déposé il y a quelques temps une intervention parlementaire demandant que la deuxième guerre mondiale soit enseignée de manière positive relativement au rôle joué par la Suisse.
    Les interventions se multiplient au sein des pour empêcher l’utilisation des conclusions du rapport Bergier (commissions indépendantes d’experts ayant travaillés sur différents aspects des relations entre la Suisse et l’Allemagne pendant la guerre) et/ou d’un manuel zurichois ayant incorporé les avancées historiographiques du rapport Bergier.
    Enfin le droit d’initiative pourrait très bien être utilisé en ce sens. La question des notes à Genève montre que cela est tout à fait possible.
    Le risque est donc concret et dépasse le cadre d’une simple boutade. Malheureusement.

  • Merci de ces précisions, Lyonel. J’ignorais que vous étiez sous la férule de l’extrême droite. Partout, je trouve la droite bien gauche ; il n’y a que la gauche pour avoir de la droiture.

    Je sympathise aussi avec Sylvain. Toute cette grammaire martelée dans la tête des enfants : c’est comme s’il était important d’en faire des linguistes. Pas étonnant qu’on déteste le français !



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