La perte de crédibilité des écoles

L’accélération de l’évolution, du moins sur le plan technologique, fait en sorte que l’école, qui évolue aux rythmes des glaciations, prend des allures de dinosaure pour les élèves. Le fossé ne serait pas si inquiétant si l’environnement et l’affectivité n’avaient un impact fondamental sur les apprentissages. Apple, qui a tout à gagner dans l’intégration des nouvelles technologies en éducation, tente de combler le fossé numérique. Dans Digital tools for digital students, il présente le graphique ci-dessous, tiré d’une étude, qui met en évidence la perte de crédibilité constante de l’école aux yeux des élèves (Moving at the Speed of Creativity : Digital kids, School Relevancy, Poverty, & School Reform).



AppleDisconnect.jpg



En extrapolant la progression des résultats jusqu’en 2005, on peut induire que seulement le quart des élèves qui terminent le secondaire trouvent pertinent le travail scolaire, moins d’un cinquième croit que les cours sont intéressants, et un peu plus du tiers estime que l’école sera importante dans leur vie. Ces données représentent la perception des élèves américains dans un contexte d’enseignement dirigé, particulièrement pour l’année 2000, trois ans après l’adoption de la politique du No Child Left Behind. Est-ce vraiment à cela que les opposants de la réforme veulent retourner ?

Avec un pareil taux de satisfaction, une entreprise privée serait vouée à la faillite. Ce qui m’inquiète, dans ces données, c’est l’image négative de l’école que ces jeunes vont transmettre à leurs enfants. On n’est pas sorti du bois, comme on dit.


Par ricochet :

Le fossé des générations

Transformer les écoles

L’éducation de l’I-génération

Le fossé technologique entre le MELS et les jeunes

Le fossé technologique chez les jeunes

Le clivage technologique

Le fossé éducationnel

Vous pouvez suivre les commentaires en réponse à ce billet avec le RSS 2.0 Vous pouvez laisser une réponse, ou trackback.

9 réponses

  • Tout l’enjeu consisterait … redorer le blason de l’école dont l’image s’est dénaturée, surtout dans les pays en voie de développement où l’école publique est loin de satisfaire un minima pour les apprenants.
    C’est une question de politique éducative, de mentalité et de conscience professionnelle.

  • Merci, François, pour ce billet. Il m’a d’ailleurs inspiré !

    Un solution pour améliorer le taux de satisfaction consisterait à remettre l’école aux jeunes. Utopiquement parlant, leur donner VRAIMENT le budget de l’école et leur demander de le gérer. Notre rôle d’adulte serait de les accompagner dans leurs décisions, et les conseiller/éveiller sur les conséquences possibles des décisions.

  • Il est intéressant que Apple (comme d’autres acteurs majeurs du marché de l’informatique) cherchent à mettre en avant très très souvent la perte de crédibilité de l’école dans la forme traditionnelle… Que cherchent-ils exactement ?

    L’école serait-elle plus efficace avec un système Mac OS ou en utilisant des logiciels Apple ? ;-)

  • Luc Papineau dit :

    Pourquoi toujours blâmer l’école? Pourquoi toujours vouloir la refaire, la remettre en question? Je suis convaincu que, si on demandait aux gens comment ils aiment leur travail, les chiffres seraient tout aussi catastrophiques…

    L’école s’inscrit dans une société ou elle est de moins en moins valorisée. Au Québec, un récent sondage a d’ailleurs montré que l’éducation est même moins importante aux yeux des citoyens que dans le reste du Canada, c’est peu dire.

    Je considère également qu’on généralise beaucoup quand on parle de comportements masculins et féminins. Qui plus est, je remarque que nous discutons actuellement de ce sujet entre hommes pourtant scolarisés. N’est-ce pas ironique?

    Pour le plaisir de cette discussion, lançons une autre hypothèse qui remet moins en cause l’école et un peu plus l’éducation familiale. Ne peut-on pas remarquer que les garçons sont souvent «rois et maîtres» à la maison et acceptent mal toute forme de contradiction. Alors, imaginez à l’école ou ils ne peuvent plus être des petits tyrans domestiques…

    Quand au commentaire de M. Jobin, je le considère comme totalement irréaliste et empreint d’un esprit de mai 68 qui n’a aucun lien avec la réalité. Je crois au rôle des rêveurs en autant qu’ils ne soient pas en plein délire.

  • « [...] si on demandait aux gens comment ils aiment leur travail, les chiffres seraient tout aussi catastrophiques… »

    Probablement. Mais cela veut-il dire qu’il ne faut pas en tenir compte? Je pense qu’il faut « écouter » les jeunes et voir _avec eux_ comment on pourrait améliorer les choses. (Tiens, les patrons devraient faire la même chose avec leurs employés!)

    Par ailleurs, la question des parents que vous soulevez est très intéressante. Dans une conversation de groupe récemment, un collègue mentionnait que si les enfants ont des difficultés à l’école, ce n’est pas la faute de l’école, mais bien des parents. C’est à eux de voir comment régler les problèmes de LEUR enfant. Cela m’a fait réfléchir… En casant les élèves dans l’école (bientôt de 8 à 5) n’est-on pas en train de déresponsabiliser le rôle des parents au regard de l’éducation des enfants? Pourquoi est-ce à l’école de régler les troubles comportementaux des enfants?

    « Quand au commentaire de M. Jobin, je le considère comme totalement irréaliste… »

    Bien sûr. J’avais commencé mon commentaire par « Utopiquement parlant ». Pour changer les choses, il faut des gens qui croient aux mêmes rêves.

  • Je trouve le commentaire d’El yaagoubi ahmed intéressant, car je ne croyais pas que l’image de l’école était attaquée aussi dans les pays en voie de développement. Il me semblait que l’éducation était plus valorisée dans ces pays que dans les pays industrialisés. Mais peut-être l’internet fait-il en sorte que les gens ne sont plus dupes.

    Je crois que peu de gens sont dupes des intentions d’Apple, de Microsoft ou de Dell au regard de l’éducation. Néanmoins, il ne faut pas non plus leur prêter que cupidité. Au moins ont-ils le mérite de valoriser l’éducation ; si tout le monde en faisait de même, nous nous en porterions mieux.

    Quant à savoir si l’école serait plus efficace avec un système Mac OS et en utilisant des logiciels Apple, au risque de vous étonner, je dirais que oui, dans la mesure où ils sont plus conviviaux et mieux intégrés que tout autre système d’exploitation. Ces qualités sont de nature à favoriser l’apprentissage du plus grand nombre. Évidemment, si le source libre pouvait atteindre un tel niveau de convivialité, je changerais d’avis. Il est étonnant, par ailleurs, comme les choix technologiques dans les écoles sont faits sur la base de critères administratifs plutôt que pédagogiques.

    Je partage sans restriction la position de Gilles, tout autant que son propos dans le billet où il élabore sur le sujet (Jobineries : Que faire ?). L’essentiel de la question est merveilleusement présenté dans ces quelques mots :

    « ce qu’on apprend à l’école n’est pas important. C’est être en état d’apprentissage qui importe ! Car avec cet état viennent joie et euphorie de vivre. »

    Malgré ce qu’il en dit, ce genre d’école n’est pas si utopique. Du moins pas si on en croit ce qui se passe à l’école Fairhaven. Je conviens cependant que cela n’est sans doute pas réaliste d’un point de vue systémique. Sans arriver à un tel niveau d’autonomie, je suis toujours émerveillé du comportement de mes élèves qui ont la liberté de quitter la classe. Gilles a raison : donnez du pouvoir aux élèves et vous serez étonné, à la longue, de ce qu’ils peuvent accomplir. La démocratie, quand elle repose sur l’intelligence collective, est une pure merveille.

    En prenant le parti de Gilles, je m’oppose partiellement à la position de Luc (que je me permets d’appeler par son prénom, par respect). Ne pas remettre en question l’école, ou la refaire, ou l’améliorer, conduit à l’immobilisme. Et comment gagner le respect des enfants quand ils ont le sentiment que les adultes les laissent tomber ? Les données du tableau ci-dessus sont absolument effarantes. Considérant que certains pays font beaucoup mieux, il est de notre devoir de remédier à la situation. Et si la situation devait être la même pour les adultes au travail, c’est donc qu’il faut améliorer les conditions au travail. Le génie humain est dans les solutions aux problèmes.

    Par contre, Luc a raison de soulever la problématique de l’éducation familiale. Elle est grandement responsable des déboires de l’école. Mais cela ne saurait l’excuser tout à fait.

  • J’aimerais déconstruire un certain point de vue.

    Le document d’Apple est bien fait, très séduisant et il est vrai que l’on peut se demander quel est l’anguille sous roche.

    Mais Apple n’a pas a forcer la note : elle ne fait que pousser la société là où elle veut bien tomber.

    Je crois que le graphique induit une illusion qui ne peut confirmer (ni infimer) les conclusion d’Apple.

    Las questions se fondent sur des mots et des perceptions. Point.

    Leurs interprétations ne peut qu’être subjectif (et en tant que tel, il n’y a pas de problème) mais on peut en déduire autre chose.

    Schoolwork is meaningfull :

    Qu’est ce qui est « significatif » pour un jeune? En 1983, la sphère des médias se limitaient aux ondes hertzienne et à 1 ou 2 magazines. La « compréhension » du monde était homogène et plus stable (via des autorités légitimes qui décodaient l’agenda).

    20 ans plus tard? explosion des médias, il n’y a plus d’autorité pour faire sens. Le « schoolwork », comme les autres? Il ne fait pas ‘moins sens’, il y a seulement « plus » de sens à évaluer. Sa valeur s’est relativisée. Mais son importance nominale est la même. Et peut-être même plus. Ici, ce n’est pas un jeu à somme nulle.

    Course are interesting:

    Qu’est ce que interesting? la séduction? le jeu? le spectacle? Oui l’information et la connaissance ont pris diverses formes.

    Mais la forme dans les autres canaux de la connaissance déforment parfois (et souvent) l’information : le format 30 ou 60 minutes gonflent ou charcutent le contenu.

    La télé cherche coûte que coûte à conserver son auditoire à n’importe quel prix. Les magazines coupent dans la qualité pour augmenter leur marge. Les journaux privilégient le local pour des raisons financières. Et je ne parle même pas d’Internet…

    Oui, ils rendent le contenu sexy, « interesting ». Du bonbon. Mais un cours n’a pas à compétionner sur tout les fronts tous les nouveaux médias. Il est « interessting » pour ce qui l’est.

    School will be important later:

    S’il y a bien une chose que l’on apprend en vieillissant c’est bien que l’on ne sait rien de la vie quand on est jeune, encore moins ce que veut dire « later ». Ils vivent dans l’instant présent. Ils signalent ainsi que d’autres intérêts sont présents et viennent concurrencer l’autorité de l’école (et non sa crédibilité).

    Ce que je vois ici, c’est qu’Apple (et tous les autres) cherchent à promouvoir leur lecture de ces chiffres. Je le répète : leur document est passionnant. Il faut être obtue pour le rejeter du revers de la main

    Mais moi, ce graphique, je ne vois que la montée en force d’une offre informationnelle incommensurable qui ébranle l’école comme source antérieurement quasiment unique de connaissance.

    Mais j’aimerais bien valider la connaissance qui est véhiculée dans ces nouveaux « outlets » avant de dire que l’ancienne source est tarie.

  • C’est justement parce que les questions font appel aux perceptions qu’elles sont importantes, Martin. Mais pas n’importe quelles perceptions… celles des jeunes qui sortent de l’école. Les perceptions sont ce qu’il y a de plus important sur le plan de la motivation scolaire. Que les jeunes aient tort ou raison ne change en rien la donne. Du coup, ils ont leurs convictions, lesquelles se répercutent dans leur comportement. Or, ces jeunes sont les sujets avec lesquels les professeurs doivent composer, et il doit les prendre tels qu’ils sont.

    Ton analyse est très perspicace, mais elle demeure le fruit d’un raisonnement d’adulte. Les jeunes n’entendent pas les choses de la même façon.

  • Je vois ton point. Je suis un adulte, effectivement, qui a intégré rationnellement la leçon. Je dois, encore une fois, voir le problème par l’autre lorgnette: il faut partir de la perception des jeunes.

    Mais étant dans le domaine de la persuasion, je suis enclin à croire que leur perception peut aussi être manipulé. Il y a des forces (privé) sur le marché qui a tout intérêt à ce que l’école (publique) s’écroule pour le remplacer par des formations plus lucratives.

    Ce qui est le plus troublant, c’est que ces élèves n’ont pas de parent capable de contrebalancer leur perception. Eux, du moins je l’espère, sont en mesure de dire combien l’école est bénéfique.

    Mais je suis encore peut-être en train de réfléchir en adulte et vous sur le terrain êtes peut-être mieux à voir la réalité de tels assertions…



Laisser un commentaire à Gilles G. Jobin

*