Un sondage de 51 pages !


Voilà qu’on se dispute sur l’étude que le ministère de l’Éducation mène sur l’état de la réforme, avant même d’en connaître les résultats (La Presse : Le Ministère force la note). C’est dire comme les esprits sont échauffés, comme en fait foi la polémique sur la liste edu-ressources ; pour un autre exemple, voyez l’escarmouche entre messieurs Péladeau et Bissonnette, d’une part, et Robert Lyons à la suite de ce billet, ce dernier laissé à lui-même, mais se défendant, ma foi, fort bien. Mais ce qui m’a fait sursauter, c’est d’apprendre que le questionnaire envoyé aux enseignants comprend une cinquantaine de pages.

51 pages, vous vous rendez compte ! A-t-on besoin d’un roman-fleuve pour analyser l’essentiel d’un programme de formation ? À défaut de libérer les enseignants de leur tâche de travail pour remplir le questionnaire, j’ignore comment un professeur engagé dans la réforme peut trouver le temps de se soumettre à un tel assommoir. Assurément, si j’avais fait partie de l’échantillonnage, j’aurais moi aussi jeté le tout à la corbeille. Je n’ai pas même le temps d’assister aux formations, encore moins celui de noircir des cases.

Ce qui me fait douter de la validité de l’exercice, ce ne sont pas tant les arguties méthodologiques comme la suppression de toute une catégorie de professeurs tellement engagés dans la réforme qu’ils n’ont plus le temps de participer à ce genre d’étude. Dans l’hypothèse où la majorité des répondants sont ceux qui sont moins engagés dans la réforme, c’est-à-dire ceux qui sont plus rébarbatifs et qui ont le temps de remplir le questionnaire, est-ce qu’on ne fausse pas les résultats ?


Par ricochet :

Les affres de la réforme

Attaques contre la réforme

Réactions sur la lourdeur de la tâche

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4 réponses

  • Normand Péladeau dit :

    Ne peut-on pas envisager exactement le biais contraire? On lit dans l’article de Marie Allard:

    « Aucune case ne permet de noter les reculs ou les stagnations. Les profs ont jusqu’à vendredi pour répondre à cette enquête, mais plusieurs la boycottent. »

    et Nathalie Morel de l’Alliance qui disait:

    « Les enseignants qui l’ont reçue «se sont sentis méprisés et l’ont mise au bac à recyclage» »

    C’est précisément la crainte que ce boycott biaise les résultats qui a amené la FSE à réagir et réitérer son appui à la consultation et à inviter tous ses membres à répondre.

    La table de pilotage devrait, si elle fait son travail honnêtement, devra tenir compte de tous ces biais possibles, favorables ou défavorables à cette réforme. Elle devra tenter d’évaluer l’impact d’un tel boycott, et possiblement, comme tu le soulèves, l’impact de la charge de travail des enseignants selon leur niveau d’implication dans la réforme.

    Ceci dit, sur cette question, je dirais qu’il est de plus en plus exigeant pour un enseignant qui préfère un enseignement plus explicite de préparer ses cours. Les manuels lui offrent de moins en moins d’appui à son travail, étant souvent structurés par projet et contenant de moins en moins d’exercices.

    Par ailleurs, il ne faut pas non plus croire que l’enseignement explicite n’est pas exigeant. C’est en fait bien plus exigeant qu’un enseignement magistral traditionnel. Lorsque j’enseignais les méthodes quantitatives, j’ai construit de zéro une banque de plus de 700 questions informatisées. J’ai dû écrire le logiciel pour administrer ces questions, donner des feedbacks aux étudiants, superviser les pratiques, évaluer et réviser chacune des questions. Je connais des amis enseignants au CÉGEP qui prennent un temps fou à préparer du matériel de ce genre pendant que leurs collègues donnent des cours magistraux ou font les G.O. avec leurs élèves.

    La table de pilotage devrait normalement tenir compte de toutes ces interprétations possibles pouvant affecter la représentativité de son échantillons de répondants (volontaires). Son plus gros casse tête sera à mon avis l’évaluation de l’effet d’un tel boycott sur la représentativité de l’échantillon.

  • Les préoccupations de Normand en rapport avec l’étude du MELS sur la réforme sont tout à fait légitimes, à défaut d’explications de la part des chercheurs qui mènent le sondage. Il les avait d’ailleurs très bien formulées à la journaliste de La Presse. J’ai moi-même des réserves quant à la validité de cette étude, comme je le précise dans le billet.

    Quant à la question de la préparation des cours, je ne doute aucunement de la lourdeur de la tâche dans l’élaboration d’activités modelées sur les principes de l’enseignement explicite. Pour être aux prises avec le problème de la préparation des cours tous les jours, je sais très bien ce qui en retourne. Cela dit, le problème est le même pour les tâches qui reposent sur une approche plus constructiviste. Et bien malin celui qui peut dire lesquelles exigent le plus de travail, chaque tâche et chaque enseignant ayant leurs particularités.

    La question des manuels, à mon avis, ne devrait pas peser lourd dans la balance, en ce sens que les professeurs (par opposition aux techniciens de l’enseignement) ne les utilisent que sporadiquement, et uniquement comme source d’inspiration. Les tenants de l’enseignement explicite n’auront aucune difficulté à trouver ailleurs le matériel qui leur convient, à la condition bien sûr de savoir utiliser les technologies de l’information.

    J’ai eu l’occasion de voir cette semaine des modèles de planification de situations d’apprentissages réalisées dans certaines commissions scolaires de la province. Ces modèles représentent des tâches conçues dans le cadre de la réforme. L’énormité de cette paperasse est insensée : les quelques exemples qu’il m’a été donné de voir sont des documents variant entre 11 et 23 pages ! Peut-on réellement imaginer qu’un enseignant a le temps d’accoucher d’un document de 11 pages pour chaque situation d’apprentissage d’une heure ? D’accord, les situations d’apprentissage peuvent s’échelonner sur une plus longue période. Mais quand même !

  • Crois-tu, François, qu’il soit possible que je puisse mettre la maisn sur cette ¨paperasse insensée »? J’aimerais voir si, malgré ses défauts, elles ne pourrait être à la fois éclairante et inspirante.

  • J’ai cru comprendre que les modèles en question ont été colligés par le MELS, puis distribués aux chargés de pédagogie dans les CS et les écoles sur un cédérom. Je tâcherai d’en savoir un peu plus cette semaine.



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