Cerveau multifonctionnel

L’enseignement ancestral repose sur la croyance que l’apprentissage doit être linéaire et compartimenté. Il y a une certaine logique à faire les choses une à la fois, séquentiellement et à l’unisson, comme l’histoire l’a amplement démontré sur les champs de bataille. D’une certaine façon, la transmission du savoir selon le modèle universitaire, lequel par la suite a servi d’exemple à l’école publique, a été le précurseur du travail à la chaîne. C’était sous-estimer la capacité du cerveau. …

Je n’invente rien en affirmant que le cerveau est capable de tâches complexes. Si ce n’était pas le cas, nous serions encore à l’âge de pierre. Néanmoins, je sens le besoin de le redire quand je vois les tenants de l’enseignement simplifié vampiriser les écoles, malgré que les sciences cognitives [lien New Horizon désactivé] et la psychopédagogie [lien New Horizon désactivé] stipulent que l’apprentissage gagne à être fait par le biais d’activités complexes, selon le développement de l’individu.

Depuis quelque temps, je m’intéresse au phénomène du multitasking (multiplicité des tâches). Jusqu’ici, la recherche à fait valoir les effets néfastes du multitasking (American Psychological Association : Is Multitasking More Efficient? Shifting Mental Gears Costs Time, Especially When Shifting to Less Familiar Tasks ; NPR : The Thief of Time - Multitasking Is Inefficient, Studies Show ; Center for Cognitive Brain Imaging : Multitasking drains brain ; C Magazine : Multitasking Madness). Néanmoins, il faut distinguer la surabondance de tâches, cause de stress, de notre propension naturelle à faire plusieurs choses en même temps. Qui parmi nous se contente de faire une seule chose à la fois ? On conduit en même temps qu’on écoute la radio, ou on écrit en même temps qu’on navigue sur le Web. Dans la classe, je constate que les élèves s’adonnent à plusieurs activités quand ils sont en travail libre ; et, de toute évidence, je ne pourrais pas enseigner si mon cerveau était monopolisé par une seule tâche.

L’hypothèse que je soulève est que le multitasking constitue la prochaine étape dans l’évolution du cerveau. La paléoanthropologie nous a appris que les transformations de l’environnement ont eu un impact déterminant sur l’évolution du cerveau (Québec Science : Homo climatus). Pourquoi n’en serait-il pas de même avec les bouleversements amorcés par la révolution industrielle et qui se poursuivent avec la révolution informatique ? Puisqu’il est beaucoup question de l’accélération de l’évolution, il est probable que le cerveau s’adapte en augmentant sa capacité d’action. Nous savons déjà que les tâches spécifiques répétées entraînent le développement des régions cervicales sollicitées. Il n’y a pas lieu de croire qu’il en soit autrement dans son développement global.

Les sciences cognitives ont démontré que notre mémoire de travail ne saurait traiter plus de sept à neuf unités d’information simultanément (Miller, Gagné). Aussi suis-je d’accord avec Kathy Sierra qui défend l’importance de se concentrer sur une seule tâche ; mais seulement lorsque la tâche est complexe. Certaines tâches, moins complexes, laissent place à l’inclusion d’activités extérieures, surtout si celles-ci sont relativement automatisées.

C’est en poussant les limites du cerveau, de façon naturelle, que nous contribuerons à son évolution. Forcément, nous sommes loin d’avoir atteint les limites de son développement. Si le multitasking devait accélérer les apprentissages, les conséquences pour l’enseignement seraient énormes. C’est peut-être la seule façon pour l’homme de maintenir sa supériorité sur la machine.

Post-scriptum :

Immédiatement après avoir publié ce billet, je tombe sur un article fort à-propos dans eSchool News (Today’s kids are ‘media multitaskers’) au sujet d’une étude de la Kaiser Family Foundation qui a fait jaser cette semaine : Generation M: Media in the Lives of 8-18 Year-olds. Selon eSchool News, l’étude ne récuse pas d’emblée le multitasking : « What effect [multitasking] has on the often fragile ability of kids to focus is unclear because detailed research is fairly new, said Vicky Rideout, the foundation vice president who directed the study. »

Mise à jour, 12 juin 2007 | Un article intéressant de la CBC (Are cellphones and the internet rewiring our brains?) avance justement l’hypothèse que les natifs des nouvelles technologies de la communication sont plus habiles au multitasking que les générations précédentes, un phénomène qui serait la conséquence de la plasticité neuronale et de l’adaptation à l’environnement.

Mise à jour, 13 avril 2009 | L’hypothèse selon laquelle le multitasking modifie le cerveau gagne du terrain. Un article de la chaîne NBC relate l’avis de Bruce Hensel, chercheur à UCLA et l’auteur de iBrain (NBC13 : Video: Is multi-tasking changing our brain function?).


Par ricochet :
Ressources pour comprendre le cerveau

David Byrne et PowerPoint

Je n’ai pas pu résister à cette entrevue accordée par David Byrne, l’artiste polyvalent de Talking Heads, au webzine Wired à propos de PowerPoint en tant que médium artistique (Wired: Turning Heads With PowerPoint) : « You can remove the person from the equation, and use PowerPoint as an art medium. » Ne manquez pas de jeter un coup d’oeil aux diapos, dans la marge de gauche.

Échec de l'écriture

Un article savoureux du New York Times, What Corporate America Can’t Build: A Sentence, qui révèle entre autres comment les TIC exposent l’incompétence des professionnels en écriture. Serait-ce l’un des effets néfastes de l’obsession pour les mathématiques dont il est question dans le précédent billet ?

Hypothèse sur les TIC en éducation

Les nombreux stagiaires que j’ai eu le plaisir d’accompagner, ces dix dernières années, avaient tous en commun une ignorance de l’utilisation pédagogique des TIC. Même ceux qui arrivent fièrement avec un ordinateur portable ne savent comment en faire profiter les élèves autrement qu’à l’aide de documents Word ou de présentations PowerPoint. Une stagiaire était ravie de me montrer une page Web statique réalisée à l’université. …

Les finissants connaissent les technologies les plus courantes (traitement de texte, courrier électronique), mais sont hésitants à approfondir leur utilisation en éducation. Quand on aborde la question des TIC comme instrument pédagogique, qu’on examine les possibilités des carnets électroniques, je croise des regards effarés. Manifestement, ils sont plongés dans une zone d’inconfort qui n’en est pas une de développement.

Ce malheureux constat m’amène à émettre une hypothèse qu’on réussira, j’espère, à réfuter. Il appert que généralement, les jeunes portés sur les nouvelles technologies ont peu de penchants naturels pour l’enseignement. Leurs prédispositions ou leurs compétences techniques les poussent vers d’autres domaines professionnels où les défis siéent davantage à leurs penchants positivistes. Ceux qui se dirigent vers l’enseignement préfèrent généralement les relations humaines, heureusement. Par conséquent, ils ont moins d’affinité pour les nouvelles technologies et accuseront toujours un retard sur ce plan, comme en font foi les enseignants déjà en place.

Pour contrer ce phénomène, il faut miser sur la vision et le leadership des décideurs. Le cas de l’Institut St-Joseph et du Maine Learning Technology Initiative sont deux exemples de paliers de décision différents.

On s’interroge, par ailleurs, à savoir ce que l’université fait en matière d’intégration pédagogique des TIC. Est-elle passée au paradigme de l’apprentissage, ou est-elle encore coincée dans l’abc de la bureautique ? Demande-t-on aux étudiants de reproduire le passé, ou de chercher comment les nouvelles technologies peuvent optimiser les apprentissages ? Cette dernière éventualité favoriserait le rayonnement des TIC auprès des enseignants qui accompagnent les stagiaires. Mais pour appuyer l’hypothèse ci-dessus, peut-être y a-t-il peu d’intérêt de part et d’autre.


Par ricochet :
Intégrer les TIC en classe
Tendances TIC sur les campus
TIC et programmes d’enseignement
Retard des TIC dans les universités
Les TIC auront-elles raison des écoles?
Le gouffre qui sépare enseignants et TIC
Future génération de profs (débranchés)

Une petite place pour le hasard

Malgré l’émancipation souhaitée des nouveaux programmes, quelle place faisons-nous au hasard dans les apprentissages ? Bien peu, à en juger par la tyrannie des horaires, les ordonnances des manuels, les ornières disciplinaires, les missiles guidés et l’opiniâtreté des maîtres. L’épanouissement en vase clos, quoi ! Dans ce contexte, une découverte fortuite est une bouffée d’air frais si elle étonne, et une échappée quand elle émerveille. D’où cette apologie de la fonction Une page au hasard dans Wikipedia (dans la marge de gauche) et du iPod shuffle. Que de trésors perdus à ne pas vagabonder au gré de l’incertitude, de l’inattendu, de la chance, de l’aventure…

Future génération de profs (débranchés)

Triste réalité d’automne : Les écoles du Québec ont beau être branchées, les professeurs ne le sont que peu ou prou. Et pire encore, une nouvelle étude démontre que la nouvelle génération d’enseignants ne le sera pas davantage. Quatre-vingt-quinze pour cent des étudiants au baccalauréat en enseignement secondaire n’ont jamais, ou très rarement, utilisé Internet, ou même l’ordinateur, lors de leur dernier stage en milieu scolaire. (Source : Cyberpresse.) Pendant ce temps, les feuilles continuent de tomber, pour faire place à l’hiver. …

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Service gratuit de téléphonie en ligne

Pourquoi se ruiner en frais d’appels interurbains quand on peut recourir aux services gratuits de Babble, ne serait-ce que pour le plaisir de converser avec ses proches sans avoir un oeil rivé sur sa montre.

Réseauter virtuellement ses connaissances

Sebastien Fielder aborde à son tour la problématique des commentaires qui sont abandonnés par un auteur sur d’autres carnets sans qu’il puisse y relier. C’est plus qu’une question d’égocentrisme auquel j’ai fait allusion dans un commentaire sur le carnet de Stéphane Allaire. Le fait, par exemple, que je ne puisse pas créer d’hyperlien qui cible précisément ce commentaire est le genre de lacune qui m’agace. …

Le trackback est une solution intéressante, mais qui nous laisse sur notre appétit ; par conséquent, elle est provisoire. Je vois un besoin pour le blogueur, comme pour l’apprenant, de pouvoir réseauter l’ensemble de son écriture et de ses recherches et d’en faire une représentation visuelle à la MindMap. L’étendue de mon investissement intellectuel n’a jamais été aussi vaste et diversifiée que depuis que je blogue — et c’est là l’extraordinaire jet de l’écriture libérée. D’où l’importance, dans une perspective constructiviste, de m’y retrouver dans ce dédale de dendrites que je tisse.


Par ricochet :
MusicPlasma
Les TIC qui influenceront nos apprentissages

Méfiez-vous des démagogues

Chaque fois que je lis un article sur l’éducation en ligne, il me semble qu’il y a toujours un fonctionnaire ou un directeur d’entreprise pour répéter que la chose la plus importante en éducation restera toujours la relation maître-élève, comme à la fin de cet article de la BBC : How computers can help in class. Je commence à me méfier de cette rengaine quand elle provient de gens dont le principal intérêt n’est pas l’élève. Compte tenu des récents progrès du e-learning, je ne voudrais pas être un jeune enseignant qui débute dans la profession — à moins, bien sûr, de maîtriser les TIC :-)

Bloguer vs diffuser

Will Richardson fait une distinction intéressante entre blogging et posting, le premier étant davantage une écriture réflexive alors que le second relève plus de la collecte ou de la diffusion d’information (Weblogg-ed : Blogging vs. Posting).

Le deuxième paragraphe de son billet est particulièrement fascinant, lui qui commence par “Its a big difference for me, because I’m learning when I blog whereas I’m just collecting when I post.”

(suite…)