Quand l'université oblige à l'an-TIC-ité


DaVinciAntiqueWarrior.jpgL’université développe tous les dons de l’homme, entre autres la bêtise. (Anton Tchekhov)

On me permettra de sortir de mes gonds. Je n’en peux plus de l’antiquité de la formation de mes stagiaires. Il ne suffit pas que le département de Langues, linguistique et traduction de l’Université Laval forme les futurs enseignants d’anglais langue seconde à une seule méthode pédagogique, en l’occurrence l’apprentissage coopératif, fort peu appropriée au secondaire, voilà que j’apprends de ma stagiaire qu’on l’oblige à concevoir et utiliser un site Web en lecture seule, et rien d’autre. Pas même un blogue. Web 1.0, yea! Web 2.0: nay!

La conception d’un site Web en HTML est un moyen désuet à l’ère de l’interaction. En outre, il nécessite un haut degré d’expertise pour s’attirer la crédibilité des jeunes. Un enseignant efficace a peu de temps à consacrer au développement de moyens techniques. La pédagogie doit subordonner la technologie. Celle-là sera mieux servie par la convivialité de celle-ci, comme avec un blogue.

Michel Desbiens est certes le meilleur enseignant que je connaisse. Il y a quelques années, il a réalisé un formidable site Web destiné aux élèves, parents et éducateurs. Depuis, il s’est tourné vers un blogue, ne serait-ce que pour le flux RSS, la simplicité d’utilisation, ou l’archivage et la recherche de l’information.

Pour l’enseignant qui préfère le site Web au blogue, il existe des solutions beaucoup plus faciles que les applications de conversion HTML. Je pense à des solutions de cloud computing comme la suite Zoho ou, plus simplement, Netvibes, Weebly, Roxer ou Sampa.

On objectera que le cloud computing ne peut assurer à l’utilisateur la pérennité de ses données. Peu m’en chaut; un site sans intérêt mènera au même résultat. Par ailleurs, la précarité et la mobilité des jeunes enseignants font en sorte qu’on ne peut leur garantir l’usage d’un serveur. Pour ces jeunes enseignants, le cloud computing constitue justement une certaine assurance virtuelle.

Les enseignants gagnent à se tenir à la page. Du coup, ils seront mieux outillés pour l’avenir des élèves. L’entreprise privée se tourne progressivement vers les technologies Web 2.0 (ReadWriteWeb : Report: Nearly 70% of Businesses Allow Social Media Usage). Dans l’accélération du changement, l’université doit se tenir dans le peloton de tête.

Comment accepter qu’une université qui forme de futurs enseignants les entraîne à la dictature pédagogique. À une époque où la réflexion, la métacognition et l’autonomie d’apprentissage sont des compétences essentielles, où est la logique d’obliger les étudiants, finissants de surcroît, à caler dans les ornières?


(Image thématique : Antique Warrior, par Léonard de Vinci)


Par ricochet :

Retard des TIC dans les universités

Les universités blâmées dans l’intégration des TIC

Les universités aux prises avec la i-génération

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5 réponses

  • On chiâle parfois contre le système scolaire (primaire-secondaire, parfois cégep)… L’Université ne fait pas exception à la dinosaurerie… :-(

    Parfois j’en viens à me demander : et si on avait le système scolaire qui correspond au degré d’évolution d’une société ?

  • Sylvain a raison.

    Dis-moi quelles sortes d’institutions scolaires tu as, je te dirai quel type de société tu es…

  • Ah! Cette révolte est douce à mes oreilles!

    Si je n’excuse pas les observations que tu as fait, je peux les comprendre et tenetr de les expliquer, du moins en partie.

    D’abord, vous devez savoir qu’il est aussi difficile de former les universitaires que les enseignants du primaire ou du secondaire. Comme chez vous, mes collègues sont débordés et manquent parfois d’intérêts. On exige des professeurs qu’il poursuivent des recherches et supervisent des étudiants gradués. Cela implique donc de se tenir au courant de ce qui se passe dans notre champs d’expertise. Il faut aussi publier… Cette première portion de la tâche d’un prof peut facilement occuper 60 heures par semaine si le chercheur s’investit. Mais il faut aussi enseigner au premier cycle et participer à différents comités ou donner du temps pour la gestion de l’Université ou pour assurer son bon développement…

    Pour la première portion de la tâche, ça va. Les professeurs ont généralement choisi leur domaine d’intervention et ont été formés à la recherche. Ce sont avant tout des chercheurs. Ils aiment faire de la recherche et ont choisi un sujet qui les passionne. Ce ne sont cependant pas des administrateurs et encore moins des pédagogues… Y’a pas de ça dans les programme de Ph.D., (ou tellement trop peu!)

    Il est donc difficile de leur demander de trouver du temps pour se former à l’enseignement. Après tout, ils sont probablement l’un des meilleurs au monde dans leur petit domaine très spécifique et, pour le rester, ils doivent s’investir énormément. Disons qu’ils sont peu réceptifs.

    Ça explique un partie du problème. Maintenant, il faut considérer s’il y a EFFECTIVEMENT un cours sur les tic dans ce programme. Et par qui a-t-il été donné et, surtout, dans quelles conditions. J’interviens personnellement dans trois programmes. Mon cours n’est pas obligatoire dans 2 de ces 3 programmes, mais c’est le seul cours portant sur les TIC offert en éducation. Dans le descripteurs du cours,on a inséré toute une portion sur le design pédagogique. Je n’ai pas le choix. Je dois présenter différents modèles de design pédagogique. Conséquence, j’ai fait des choix concernant les TIC. Je ne parle plus des suites bureautiques. Au plus 20 minutes dans la session. Je me concentre sur le Web 2.0 et essait de leur donner des outils pour s’autoformer. Mais j’ai peu de temps. C’est donc forcément incomplet. Les professeurs de Laval font probablement aussi face à des contraintes associées au programme. Si les enseignants au secondaire sont pris avec une réforme, ceux des universités sont pris avec des exigences de plus en plus nombreuses quant aux programmes de formation à la profession enseignante. Résultat: bien que le nombre de crédit soient limités, le nombre de cours augmentent ou l’on augmente les contenus à voir dans certains cours.

    Ce n’est qu’un aperçu, mais je crois que tu comprendras que le prof qui a formé tes stagiaires a peut-être été un peu contraint à se limiter ou n’était pas formé aux nouvelles applications des TIC.

    Et dans mon commentaires,j’ai esquivé la problèmatique des superviseurs de stages qui posent souvent beaucoup d’exigences personnelles, mais ne sont pas toujours bien au fait de ce qui se passe dans le BAC AUJOURD’HUI ou de ce qui est demandé par le MELS AUJOURD’HUI ou de ce qui doit changer ou de ce qui sera probablement la norme demain…

    Le problèmeque tu soulève est complexe…

  • Si je comprend bien, cette formation universitaire vient de découvrir l’existence d’Internet? Mais c’est une révolution! D’ici 2030, elle aura appris à s’en servir! :-)

  • Les préjugés sur la tâche des professeurs d’université sont persistants. Merci, Patrick, de me rappeler à quel point votre tâche n’est guère moins ardue que la nôtre.



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