La messagerie instantanée ralentirait la lecture


MontgomerySlowDance.jpgLe meilleur moyen pour ralentir un cheval est de parier sur lui. (Loi de Murphy)

Une étude réalisée auprès d’une soixantaine d’étudiants laisse entendre que la messagerie instantanée et le texto ralentissent la lecture, sans toutefois nuire à la compréhension du texte (Education Week : Instant Messaging Found to Slow Students’ Reading). En guise d’explication, les chercheurs avancent l’hypothèse intéressante que les habitués du SMS font plus de retours sur le texte. Cela reste cependant à vérifier.

On ne doit pas s’étonner, par ailleurs, que la diversification de la littératie entraîne un ralentissement d’une forme particulière de lecture. La spécialisation est habituellement plus efficace que la généralisation dans l’exécution d’une tâche précise.

La question est de savoir si la multiplicité des habiletés, même légèrement amoindries, est préférable à un nombre plus restreint d’habiletés. Je suis d’avis que oui. Le progrès porte en son giron une panoplie de nouveaux savoirs. Les modernes, auxquels les jeunes appartiennent naturellement, gagneront à se les approprier, car plusieurs de ces savoirs déboucheront sur l’avenir. Il en va de même de la littératie que notre créativité dote de nouvelles formes. L’évolution sera un meilleur juge de leur pertinence que nos préjugés.

Mise à jour, 09 septembre 2008 | J’ai modifié la première phrase à la lumière du commentaire de Sylvain qui me révèle l’ambiguïté de la phrase originale. En oubliant de spécifier que la messagerie instantanée ralentit la lecture des textes « conventionnels », je laissais entendre qu’elle ralentissait la lecture des textes en SMS. Je suis désolé du manque de précision.


(Image thématique : Slow Dance, par William Phelps Montgomery)


Par ricochet :

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7 réponses

  • Déjà testé à très petite échelle. Ralentissement assez évident dans 2 cas sur 3… Par contre, je voudrais refaire le test avec des élèves plus jeunes (12-13 ans actuellement vs 14-15 ans d’il y a 1 an), juste pour « voir » si l’habileté se développe mieux chez les plus jeunes… À suivre.

    Dans mon test, j’avais pris un commentaire texto dans un blogue, commentaire rédigé « tout d’un pain », sans paragraphes, ce qui en soi complique déjà un peu la lecture dans un paragraphe trop long sans espacement, etc. L’autre moitié du texte tait la suite, traduite en français correct, avec meilleure disposition en paragraphes.

  • En fait, l’étude démontre que la messagerie instantanée ralentit la lecture des textes conventionnels, et pas seulement ses propres textes. Ton commentaire, Sylvain, me fait réaliser que la phrase maîtresse manquait de clarté. Je me suis empressé de la modifier. Navré de t’avoir induit sur une autre voie, néanmoins intéressante.

  • Tout aussi intéressant vu sous cet angle, François, car ça porte à penser que le cerveau perdrait ce que nous (les plus vieux « non natifs SMS ») avons acquis par « habitude » et qui fait que l’on peut lire facilement le texte qui commence par « sleon une édtue de l’Uvreistiné de Cmrabgdie »…

  • Ce billet m’avait échappé. Le fait est très intéressant. Je m’aperçois que j’ai beaucoup travaillé à ralentir la lecture des élèves. Que le dispositif Moulin à paroles (M@P) peut se comprendre ainsi. En partageant la lecture d’un même texte entre plusieurs voix, ou en évidant le texte de certains mots qu’il faut retrouver. Le but étant bien sûr qu’ils concentrent davantage d’attention. Ce qui nous arrive, à nous adultes, de pire avec la lecture, et surtout avec la lecture écranique, c’est que nous glissons sur le texte, nous ne parvenons pas à nous y accrocher, comme si nous patinions maladroitement dessus…

  • Il ne faut pas oublier non-plus que certains jeunes de mon âge n’écrivent pas en texto et détestent cette forme d’écriture…

    Pour moi le SMS n’a aucun sens : on dit que ça va plus vite pour écrire mais on écrit merci avec trois i et un e! Non mais, moi ça me frustre.

    J’aime bien le message préparé que je poste à mes amis qui abusent du texto :

    juste pour vous aviser que Félix, votre correspondant, caresse hardement le fort désir d’entreprendre conjointement une discussion avec vous, mais il ne vous adressera pas sa sainte parole tant et aussi longtemps que vous ne ferez pas un effort pur et notable dans le but extraordinairement simple d’améliorer votre qualité orthographique…
    Je vous offre de facto un petit cours simple et gratuit sur le français actuel!

    :-)

  • j,ai initialement tenté de publier ce commentaire sur le site du RAEQ, mais ça paraissait impossible. Un message indiquait que commentaire n’était pas valide… Enfin. J’aurai essayé.

    « En guise d’explication, les chercheurs avancent l’hypothèse intéressante que les habitués du SMS font plus de retours sur le texte. Cela reste cependant à vérifier. »

    C’est vérifié François. L’étroitesse de la fovea, est la raison principale pour laquelle nous bougeons incessamment les yeux au cours de la lecture.La fovea, au centre de la rétine, est la seule partie de l’oeil qui capte les lettres avec suffisamment de détails pour les reconnaître et elle occupe environ 15% du champ visuel. Nous ne parcourons jamais une ligne de texte de façon continue. L’oeil se déplace par saccades successives d’environ 7 à 9 lettres par saccade, sans égard à la taille des caractères. Chaque « retour de chariot » à la ligne suivante constitue une perte de temps, donc, de vitesse de lecture.

    La bonne nouvelle, c’est que deux américains, McConkie et Rayner, ont mis au point une technique appelée la « fenêtre mobile ». Ils ont équipé un volontaire d’un appareil de détection des saccades de l’oeil et l’ont branché à un ordinateur pour être capable de modifier en temps réel le texte qui apparaît à l’écran pour en quelque sorte le synchroniser au mouvement de l’oeil en affaichant seulement quelques caractères à la fois de part et d’autres du point de fixatioin du regard, toutes les autres lettres étant remplacées par des « x ». Bon ça a l’air compliqué, mais voici comment ça fonctionne. Stanislas Dehaene, dans ce merveilleusx ouvrage intitulé « les neurones de la lecture, nous donne à titre d’exemple la première phrase de « À la rechrechye du temps perdu » de Proust. Elle apparaîtrait ainsi à l’écran:

    Longtemps xx xx xxxx xxxxx xx xxxxx xxxx

    (dès que le regard bouge, l’ordinateur rafraîchit l’écran pour toujours présenter les des lettres à l’endroit où se fixe à chaque saccade la fovea)

    xxxxxxxxs je me suis xxxxxx xx xxxxx xxxx

    xxxxxxxxx xx xx xxis couché dx xxxxx xxxx

    xxxxxxxxx xx xx xxxx xxxxxx de bonne hxxxx

    xxxxxxxxx xx xx xxxx xxxxxx xx xxne heure

    Ce système de lecture permet de multiplier jusqu’à quatre fois la vitesse de lecture de certains sujets sans que la compréhension du texte ne soit affectée.

    Fascinant tout cela non ? En même temps, ça vient de donner un grand coup dans les flancs aux approches qui préconisent la lecture globale des mots. Mais ça, c’est bien sûr une autre histoire.

  • J’aime l’image de Christian (Jacomino) qui observe que « nous glissons sur le texte [écranique], comme si nous patinions maladroitement dessus…» C’est exactement ce que je ressens, sans avoir su si bien l’exprimer. J’ignore cependant s’il s’agit d’une question d’habitude ou de la nature du support.

    Il est rassurant, par ailleurs, de voir que des jeunes comme Félix préservent le français actuel.

    Enfin, je remercie Michel de cet éclairage sur le sujet. Tant de connaissances et de générosité me touchent.



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