La morosité des professeurs


MazzoldiDepression.jpgLa seule vraie tristesse est dans l’absence de désir.
(Charles-Ferdinand Ramuz)

L’occasion est belle d’aborder à nouveau la déprime des enseignants, même si le sujet attire peu de sympathie. Une enquête menée par Joséphine Mukamurera, professeure à l’Université de Sherbrooke, révèle que le moral dans les écoles est au plus bas (Le Soleil : Les profs sont déprimés). Je confirme que la situation sévit aussi dans mon école, pourtant un fleuron du secteur public. Je n’ose pas imaginer l’atmosphère dans les milieux défavorisés. Si l’on se soucie peu du sort des enseignants, ce qui de toute évidence est le cas, il faut au moins considérer les répercussions sur les élèves.

Car les élèves subissent forcément les contrecoups de l’abattement des enseignants. Malgré que les enseignants maintiennent le même haut degré de professionnalisme dans leurs rapports avec les élèves, toute l’activité périphérique en souffre : préparation des cours, lecture, coopération, interdisciplinarité, expérimentation, application du renouveau pédagogique, communications, climat disciplinaire, relations de travail, et j’en passe.

En dépit des statistiques, le phénomène affecte les professeurs de tout âge, quoique je n’ai jamais entendu autant de jeunes enseignants se plaindre du métier, eux qui pourtant ont toujours manifesté le plus d’entrain. Il faut, par ailleurs, envisager les conséquences de tous ces professeurs d’expérience trop fatigués ou déprimés pour servir de mentor à ceux qui débutent. L’avenir ne semble guère plus encourageant, une perception qui aggrave certainement le sentiment d’impuissance. Dans mon cas, heureusement, le blogue me sert d’exutoire et m’apporte un peu de salut.

Le cas de la Finlande mérite à nouveau mention. Dans un pays où la profession est valorisée notamment par une forte reconnaissance, le salaire des professeurs, malgré une plus forte scolarité, est inférieur à celui des enseignants du Québec.

Ah, quand allons-nous enfin reconnaître la primauté de l’affectivité?


(Image thématique : Depression, par Aurora Mazzoldi)


Par ricochet :

Remède pour enseignant déprimé

Qu’est-ce qui fait tant courir les profs ?

Une espèce à part

Le salaire des enseignants et la qualité de l’enseignement

Journée de travail d’un enseignant

Facteurs de stress chez les enseignants

La valeur des enseignants

Le travail supplémentaire des enseignants

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5 réponses

  • Je te rejoins entièrement François sur l’importance de l’affectif…l’accompagnement des enseignants me semble une dimension fondamentale…Le co-accompagnement semble être une voie intéressante : je crois que c’est ce que nous vivons au travers des blogs et communautés ?

  • Hélène dit :

    J’entends l’expression de votre désarroi. Je suis attristée de lire combien ce désenchantement se répercute sur l’ensemble de la tâche. Il est certain que les enseignants devraient être accompagnés et soutenus (coaching des nouveaux particulièrement et les anciens). Il est certain que la profession doit être reconnue à sa juste valeur car elle est tellement exigeante et essentielle.Effectivement, quelles que soient les sphères d’activité, la reconnaissance est essentielle et doit se témoigner de diverses façons.
    En tant que parent, j’aimerais mentionner que je ne perçois pas vraiment ce vent de morosité, du moins pas par l’entremise de mes enfants ou ce qu’ils ressentent.
    Mis à part quelques enseignants, rares, qui s’investissent peu, ils côtoient un groupe d’enseignants qualifiés, intéressés, qui leur donnent le goût d’apprendre. Tout au cour de l’année, l’un de nos fils avait hâte d’aller en classe pour réaliser des projets en science, bien structurés et organisés. En anglais, il est fier de ses écrits dans son journal cette année. Il constate sa progression.
    L’autre fils a démontré bien des efforts en mathématique tout au cours de l’année grâce au soutien d’une enseignante motivée et présente auprès des élèves, et qui consacre , je n’en doute point, beaucoup de temps de préparation, étant donné le niveau( 3e sec), cohorte d’implantation de la réforme.
    Nos jeunes reviennent de voyages de niveau organisés par l’école. Ils ont vécu plaisirs et découvertes grâce à des enseignants accompagnateurs enthousiastes et énergiques.Ils ont vécu une expérience multi-facettes en dehors du cadre familial. Ils nous ont fait part de plusieurs découvertes, tant le Chinatown de Toronto ou le musée de la guerre d’Ottawa, et le souvenir de soirées mémorables.

  • Hélène, si tous les parents heureux nous faisaient part de cela plus souvent, la morosité serait de beaucoup diminuée.

    Ceci dit, les enseignants en très grande majorité, adorent être en classe avec leurs élèves. L’étude mentionnée par François parle d’au moins 57 % (de mémoire). Et les enseignants en classe sont très très majoritairement assez professionnels pour ne pas que les enfants en souffrent, de la morosité. Un peu comme toutes ces infirmières débordées que j’ai vues agir avec tant d’empressement et de sollicitude auprès de leurs patients, sans que rien de ce qui se trame « en dessous » ne paraisse…

  • Luc Papineau dit :

    Il faut mettre en perspective que les jeunes, et donc les jeunes enseignants, n’ont pas la même attitude quant au monde du travail. Si un boulot ne leur convient pas, ils le disent et vont ailleurs. Moins de notion d’engagement ou plus grande lucidité?

  • Très intéressant point que Luc touche ici et qui m’était passé par la tête pendant la rédaction de mon commentaire.

    Et la question posée mérite vraiment qu’on s’y attarde, même si je n’ai pas la réponse…

    Et si c’était un mélange des deux ? Et si on assistait à la poursuite du mouvement du balancier vers la qualité de vie (qui finira sans doute par arriver à son extrême et qui reviendra peut-être dans quelques décennies vers le worka(h)olisme exagéré…) ?
    Et si… ? (À compléter)



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