Quelques observations sur les cadres scolaires


YoderAluminumManagement.jpgLe talent a besoin de gestion. (André Siegfried)

J’ai vécu hier une journée enivrante parmi plus de 500 cadres scolaires et fonctionnaires du ministère de l’Éducation réunis à l’occasion de la Rencontre nationale sur le renouveau pédagogique. Oui, oui, enivrante! Et je me réjouis à l’idée de recommencer aujourd’hui en participant à un panel sur « les données de recherche en tant que leviers pour la gestion d’une organisation apprenante ». Mon principal intérêt, lors de cette première journée, était de mieux connaître ces gens que parfois je lapide. Il faut côtoyer et interagir avec les gens pour sentir leur for intérieur. Ce que j’ai observé m’a écuré de plusieurs préjugés tenaces dans les écoles à l’endroit des gestionnaires.

En guise de mea culpa envers ceux que j’ai pu écorcher, voici quelques observations que je retiens de cette journée :

    • Les cadres scolaires, en majorité, sont beaucoup plus près des intérêts des enfants qu’on ne le croit. Ils placent sincèrement l’enfant au coeur de leurs décisions. La froideur que les enseignants constatent souvent chez un cadre n’est généralement que la gêne bien naturelle de celui qui, devant un groupe, se sent observé et jugé. C’est le même malaise que celui d’un enseignant devant une assemblée de parents.

    • Dans leur volonté de mettre en place des mesures qui bénéficieraient aux élèves, quelques cadres se désolent de l’intransigeance de certains syndicalistes qui réclament toujours plus de ressources pour les enseignants.

    • Dans les grandes réunions, les cadres et les fonctionnaires n’affichent guère de condescendance hiérarchique.

    • Une assemblée de cadres et de fonctionnaires travaille plus consciencieusement et plus fébrilement qu’une assemblée d’enseignants. À leur décharge, ces derniers n’ont pas la même habitude d’un tel environnement de travail.

    • Les cadres et les fonctionnaires collaborent plus aisément à une tâche que ne le font les enseignants, sans doute parce que leur travail les amène à faire équipe; les enseignants, malgré eux, sont habitués à l’isolement de la classe.

    • Les cadres et les fonctionnaires sont plus aptes que la majorité des enseignants à utiliser les nouvelles technologies à des fins de coopération, notamment un wiki. Il est vrai que les premiers, contrairement aux seconds, disposent d’ordinateurs personnels.

    • Les cadres scolaires sont très attachés à leurs cellulaires. La procession des appels privés, hors des salles de réunion, est un spectacle amusant quand on sait l’interdiction infligée aux élèves. Et c’est sans compter tous les courriels lus sur les Blackberry durant les présentations.

Il est dommage que tous les enseignants n’aient pas l’occasion, un jour ou l’autre, de se mêler à ce milieu. Plusieurs conceptions s’en trouveraient rectifiées et tout le monde s’en porterait mieux.

Je ne cesserai pas mes attaques pour autant. Mais la cible se précise. Les gens, à ce niveau, sont éminemment compétents et foncièrement bons. Le problème réside plutôt dans la structure du système d’éducation que je viserai dorénavant avec plus d’exactitude. Ce système est maintenu, certes, par ces gens que je défends. Mais je ne saurais condamner ceux qui agissent de bonne foi, d’autant plus quand ils agissent pour le bien des enfants.


(Image thématique : Aluminum Management, par Robert Yoder)


Par ricochet :

L’éducation et la santé : la tête manque de coeur

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7 réponses

  • D’abord un détail : Étant syndicaliste modéré, je comprends très bien les excès que tu dénonces (2e puce).

    Ensuite : le problème structurel est le premier problème selon moi aussi. J’en énonçais quelques bribes, de façon plus ou moins approximative, un certain 15 septembre dernier ;-)

    Tant que le système, ou sa structure, favorisera l’octroi des budgets de cette façon, nos patrons immédiats auront les mains plus ou moins liées. Il leur faudra, eux aussi, être très innovateurs et lâcher un peu de liberté dans ce système trop rigide et/ou paralysant sur certains points.

    L’autre exemple qui me vient à l’esprit et qui m’a toujours impressionné (dans le mauvais sens du terme) est celui du partage « budget administratif » vs « budget pédagogique » (Je crois que ce sont les termes exacts). Ainsi, les directeurs se voient octroyer immédiatement les dernières technologies, incluant le cellulaire (je pense qu’un supplément leur est tout de même chargé pour le Blackberry… à vérifier) alors que nous, simples enseignants dans cette structure, nous devons attendre 3-4 ans pour avoir les choses … qui étaient actuelles il y a 3-4 ans… Bref, un façon de s’équiper à 2 vitesses ! (pour utiliser un terme connu du domaine public ;-)

  • Bonjour François !

    Le cadre scolaire est ce qui, sur la planète, ressemble le plus à un enseignant. Il a en commun avec lui, dans la grande majorité des cas, de ne jamais être sorti de l’école depuis que sa mère l’y a conduit pour la première fois , vers l’âge de cinq ans. Enseignants et cadres scolaires sont des êtres profondément attachés les uns aux autres, des êtres superficiellement différents, mais profondément semblables et solidaires. C’est sans doute cette solidarité sans faille qui rend l’école si difficile à changer et l’éducation quasi-impossible à refonder. Enseignants et cadres scolaires sont des êtres fortement institutionnalisés, marqués à vie par les modèles auxquels on les a exposés depuis leur tout jeune âge. Et là, je vais pousser loin: quand on sort les cadres et les enseignants du monde qu’ils ont connus, qu’on les coupe de leurs références culturelles, ils sont presque aussi désemparés que ces pauvres bougres que la désinstitutionnalisation a expulsé loin de la sécurité de leurs hopitaux et qui errent dans les rues.

  • J’ai refait une intro pour expliquer d’où je pars avec la note précédente. C’est juste ici: http://carnets.opossum.ca/LeNeuf/archives/2008/05/francois_jane_goodall_et_les_c.html

  • François, les systèmes sont les individus qui les constituent
    et les régulent…en faire des entités distinctes déresponsabilise et suggère qu’on autorise la non pertinence des acteurs sous prétexte d’un système intangible ! Autrement dit, le système c’est NOUS et nous en sommes acteurs ! Mais cela tu l’agis déjà au quotidien : ici, dans ta classe et ailleurs ! Merci pour cette énergie et les convictions fortes que tu déploies sans cesse !

  • Maïté Roy dit :

    Bonjour,

    J’aimerais savoir si vous allez écrire un billet concernant le panel « les données de recherche en tant que leviers pour la gestion d’une organisation apprenante ». Sinon, pouvez-vous me dire si de l’information est ou sera disponble sur le sujet sur le Web? Je vous remercie.

  • Je retravaille actuellement le texte que j’avais préparé pour le panel en question. Je vous les communiquerai personnellement dès que ce sera terminé. Merci de vous intéresser au sujet.

  • Maïté Roy dit :

    Je vous remercie. C’est très apprécié.



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