L'argent en tant que motivation scolaire


StockholderTowardsMoney.jpgTout salaire mérite travail. (Yvon Gattaz)

Pour une économie du savoir, on montre bien peu de créativité dans l’utilisation des sommes considérables investies dans l’éducation. Tout idéaliste que nous sommes, l’idée de motiver les élèves par des récompenses pécuniaires attire aussitôt l’anathème. Les Anglo-Saxons, plus pragmatiques, sont plus enclins à tenter l’expérience. Malgré la diversité des formules, des résultats prometteurs méritent considération, d’autant plus que la motivation intrinsèque perd de son emprise au secondaire selon certaines études.

Ailleurs, l’Angleterre accorde une allocation aux élèves défavorisés de plus de 16 ans qui poursuivent leurs études (BBC : Stay-on cash for 380,000 students), en plus d’octroyer des bonis pour la présence et l’effort (BBC : Students get £100 bonus payment). La majorité des enseignants appuie maintenant ces mesures (BBC : Teachers back learning allowance). De l’autre côté de l’Atlantique, quelques programmes locaux ont vu le jour (New York Times : And for Perfect Attendance, Johnny Gets… a Car). Généralement, les éducateurs regimbent contre l’argent comme source de motivation, mais le maire de New York ne rejette d’emblée aucune proposition susceptible d’améliorer l’éducation (New York Times : Plan to Pay for top Scores on Some Tests Gains Ground). Parmi les chercheurs qui préconisent cette voie, Roland G. Fryer a aussi entamé des projets à Dallas et Boston.

La motivation intrinsèque vaut certes cent fois mieux que toute récompense extérieure. La pérennité d’action rapporte davantage que l’éphémérité d’un feu de paille. La fable du lièvre et de la tortue me revient à l’esprit. Mais encore faut-il que les élèves aient l’occasion d’y prendre goût. L’échec n’est pas de nature à développer la motivation intrinsèque, surtout dans les milieux défavorisés où plusieurs commencent l’école en accusant déjà une année de retard (BBC : Wealth gap in learning by three). Comme le précise Tom Loveless du Brookings Institution, la motivation émane aussi du milieu :

The fundamental problem with education and motivating kids to learn what they need to learn is that the payoffs are so distant. So it’s very hard to motivate students to do well. Good students get that motivation from somewhere — from peers, their parents, how they’re raised — but the kids who are unmotivated have a very hard time understanding that what they do today pays off decades from now.

Une étude (PDF) laisse entendre que plusieurs indicateurs de la motivation intrinsèque diminuent à l’adolescence (Eide Neurolearning Blog : The Complex Framework of Reward and Motivation for Kids). Quelle que soit la cause de cette diminution (schéma ci-dessous), elle demeure un fait avec lequel il est difficile de composer. Peut-être, dans certains cas, des ressources externes peuvent-elles servir d’amorce au développement d’une motivation intrinsèque.

    MotivationIntrinsequeAge.jpg

Dans les milieux moins nantis, là où l’éducation est souvent peu valorisée et le soutien cognitif ou affectif généralement plus faible, l’argent peut en animer plusieurs. Malgré que la culture québécoise ne puisse envisager pareille éventualité, on peut imaginer des solutions originales comme le versement des récompenses dans un fonds d’étude ou autre. Une partie des budgets alloués aux bourses d’études pourrait d’ailleurs être transférée dans un tel programme. Il faut se rappeler, toutefois, que les adolescents, de nature, répondent plus facilement aux gratifications immédiates et qu’une partie de la récompense devrait être touchée dans un bref délai. On profiterait alors de l’occasion pour initier les jeunes à la gestion de l’argent.

Plutôt qu’un affront à la noblesse de l’apprentissage, il faut y voir une mesure d’aide sociale. L’apprentissage et la pensée, par ailleurs, ne sont pas mieux servis par la pauvreté, dont le coût social est inestimable. On aura mieux fait d’investir dans l’aide social pour la jeunesse pour parer aux coûts éventuels.

Enfin, puisque les facteurs de motivation varient selon les élèves, il peut s’avérer utile de leur montrer le graphique ci-dessous du revenu annuel en fonction du niveau de scolarité (New York Times : The Class-Consciousness Raiser). En multipliant les différences par le nombre d’années au travail, disons 35, on arrive à de jolies sommes, surtout fructifié, qui en impressionneront certains. C’est certainement le genre de mathématiques auquel ils peuvent facilement donner sens.

    MoneyRewardsEducation.jpg

Mise à jour, 21 juin 2007 | Les autorités scolaires de la ville de New York ont décidé de passer aux actes en offrant des récompenses monétaires pouvant atteindre 500 $ par année aux élèves qui se présentent aux cours et qui réussissent bien aux tests standardisés (New York Times : Schools Plan to Pay Cash for Marks).

Mise à jour, 6 juillet 2007 | Dans une lettre au New York Times (Money for Nothing), Barry Schwartz, professeur de psychologie au Swarthmore College et auteur de The Paradox of Choice: Why More Is Less, s’objecte aux récompenses pécuniaires en éducation en faisant valoir que les récompenses ne mènent pas toujours à des résultats positifs, comme plusieurs recherches l’ont démontré. Les arguments du Dr. Schwartz sont à considérer avec beaucoup d’attention. J’ajoute la vidéo d’une présentation qu’il a donnée du livre précité.

Mise à jour, 6 juillet 2007 | Agnès Cavet dresse un compte rendu intéressant du sujet de la motivation scolaire par l’argent, notamment en soulignant les contre-arguments soulevés par les critiques (Écrans de veille en éducation : Motivation scolaire : une affaire d’argent ?).

Mise à jour, 5 mars 2008 | Le recours aux mesures monétaires pour motiver les élèves et les professeurs continue de faire son chemin aux États-Unis, particulièrement à New York (New York Times : Next Question: Can Students Be Paid to Excel?). Ce moyen de motivation extrinsèque est fascinant et il sera intéressant d’en voir les conclusions à long terme sur les élèves. Par ailleurs, il faut se demander si tout l’argent investi dans ces récompenses, des sommes importantes sans doute, ne pourrait pas être utilisé à meilleur escient dans les écoles.

Mise à jour, 21 août 2008 | À New York, une récompense de 1000 $ pour les élèves qui réussissent bien aux tests ‘Advanced Placement‘ ne semble avoir aucun effet concluant (New York Times : Mixed Results on Paying City Students to Pass Tests).

    NYTTestDollars.jpg

(Image thématique : Towards On the Spending Money Tenderly I, par Jessica Stockholder)


Par ricochet :

Motivation, plaisir et gratification

Le point sur la motivation intrinsèque

La valeur monétaire d’un diplôme universitaire

Enseigner les finances personnelles

Le fossé éducationnel

Vous pouvez suivre les commentaires en réponse à ce billet avec le RSS 2.0 Vous pouvez laisser une réponse, ou trackback.

Une réponse



Laisser un commentaire

*