Gapminder World [image] / le hic de l'édition scolaire


KoolhaasCaptiveGlobe.jpgT’échappes à la police, pas aux statistiques.
(Jean-Jacques Goldman)

Les hasards du Web saupoudrent mes journées de bons mots, d’images saisissantes et d’idées originales. À l’occasion, comme une fête, il me fait cadeau d’une application qui me méduse et me transforme. Gapminder et Google ont joint leurs efforts pour produire Gapminder World, un outil spectaculaire qui schématise des statistiques. Pour l’instant, l’attrait de cette application réside dans son interactivité et l’animation des statistiques au fil du temps. L’illustration ci-dessous, par exemple, montre la progression des utilisateurs Internet au Canada entre 1990 et 2004.



GapminderCanadaInternet.jpg



Les instruments de ce genre, grâce à leur interactivité et la contemporanéité des données, ont un impact certain sur la compréhension que les jeunes se font du monde. Par ailleurs, Gapminder n’est que la pointe de l’iceberg de toutes les données amassées par Google. Le jour viendra bientôt où un élève saisira des mots clés dans un moteur de recherche qui lui retournera un résultat dans une application composite (mashup), à l’instar de Gapminder World.

L’évolution fulgurante des nouvelles technologies de l’information et de la communication, de même que le besoin d’actualiser l’éducation (voir à ce sujet l’excellent article d’Agnès Cavet du Service de Veille scientifique et technologique : L’enseignement des « questions vives » : lien vivant, iien vital, entre école et société ?), exaspère le problème de pertinence pour les éditeurs scolaires. Tant d’obstacles ralentissent la réalisation que le produit a de la difficulté à se maintenir dans la course, une situation qui n’est pas sans rappeler celle de la recherche empirique. L’un et l’autre ne sont pas inutiles pour autant. La recherche empirique observe les phénomènes avec une acuité indispensable, tandis que l’expertise de l’édition est l’étalon de qualité par lequel nous mesurons toute publication. Clément défend d’ailleurs admirablement ce point dans sa vision de l’édition (Canal Numérique des Savoirs : Avec Internet on n’a plus besoin d’éditeurs!).

Le problème fondamental tient moins à la spécialisation du savoir qu’à sa ségrégation. Il faut extraire les domaines d’expertise de leur compartimentation et favoriser la connectivité. Les ghettos intellectuels n’ont plus de raison d’être à l’ère des communications. La science, tout comme l’édition, a besoin de nouveaux modèles.

Andrew Keen a mis le feu aux poudres en accusant Internet de tuer la culture (CNN : ‘Amateur’ charge infuriates blogosphere). Dans The Cult of the Amateur, Keen prétend que la masse d’information sur le Net étouffe la qualité : “Millions and millions of exuberant monkeys [...] are creating an endless digital forest of mediocrity.” Il a en partie raison, d’autant plus que l’école a abdiqué sa responsabilité sur ce plan. Mais il faut laisser le temps à la matière en fusion de coaguler.

Hormis le fait que la Toile constitue justement une mosaïque par laquelle il est maintenant possible d’observer l’humanité, de nouveaux modèles commencent à émerger. Les nouvelles structures ne sont plus définies par le milieu physique, mais par les affinités. Des communautés de pratique, comme le RAEQ, tracent leurs sillons un peu partout, cultivant leur expertise. Puisque les participants adhèrent à plus d’une communauté, la pollinisation répand le savoir. Les blogrolls ne sont qu’un moyen par lequel les réseaux se tissent. Quand ces moyens seront intégrés aux applications, le chaos sera moins flagrant.

Post-scriptum : Exploratorium est une autre belle découverte visuelle faite ce matin sur la Toile, un musée des sciences, d’art et de perceptions humaines offrant des expositions virtuelles.

(Image thématique : City of the Captive Globe, par Rem Koolhaas)


Par ricochet :

Monde surréaliste

Swivel : partage de données et graphiques

Visualiser les statistiques

Le chaos appliqué à l’éducation

Pipes : entrecroiser des fils RSS

L’avenir du manuel scolaire?


Gare au manuel tout-puissant! (L’Infobourg)

Vous pouvez suivre les commentaires en réponse à ce billet avec le RSS 2.0 Vous pouvez laisser une réponse, ou trackback.

2 réponses

  • L’outil Gapminder World est un bel exemple de ce que la « numératie » devrait représenter : l’expression saisissante des données et des chiffres, donnant un sens aux choses, comme le soutient David Warlick. Intéressant cette allusion de Keen à la culture de la médiocrité; heureusement que des outils de ce genre et tes billets si inspirants sont là pour démontrer le contraire.

  • J’aime bien la notion de ‘numératie’ à laquelle tu fais allusion, Jacques. C’est un concept qu’il faudrait appliquer au débat sur les bulletins chiffrés qui fait rage au Québec actuellement.



Laisser un commentaire

*