Accrocs à l'intelligence collective


Depuis la parution du best-seller The Wisdom of Crowds, l’idée d’une intelligence collective est à la mode. La thèse a coïncidé avec l’explosion des réseaux sociaux en ligne et du partage des folksonomies, contribuant ainsi à sa popularité. J’ai moi aussi joint la farandole en y faisant allusion à quelques reprises. Le livre n’a jamais fait l’unanimité, bien sûr, mais les critiques se font plus acerbes depuis quelque temps. Le plus récent est David H. Freedman, dont l’article (Inc.com : What’s Next: The Idiocy of Crowds) a attiré l’attention de Dave Snowden et George Siemens qui soulignent également les limites de l’intelligence collective.

Je suis moi aussi saisi de cette expérience menée par Bernard Nijstad, psychologue de l’Université d’Amsterdam, qui a démontré que les gens qui travaillent en petits groupes ont la perception d’être plus productifs, même si ceux qui travaillent isolément génèrent de meilleures idées. Le phénomène s’apparente au groupthink, assez fréquent lors des assemblées. J’adhère au point de vue défendu par George Siemens :

For groups to be of value, each individual must be an individual. Aggregation (or the forming of groups) is valuable when we bring together unique people. If we bring together like-minded people, we may end up with the joys of group-think. [...] Groups and collaboration are not the problem. The problem arises when a group thinks/acts/speaks with one voice…silencing the unique views and opinions of individuals.

Pour ma part, la puissance du groupe ne réside pas tant dans l’intelligence globale, quoique je ne la nie pas complètement, mais plutôt dans la cohésion, la synergie affective, et la transmission de l’information. Ce n’est pas tout que d’avoir les meilleures idées ; encore faut-il pouvoir les réaliser. Si l’individu génère de meilleures idées, l’esprit d’équipe génère de plus grandes actions. Il faut se garder, toutefois, que l’unité ne dégénère en uniformité.


Par ricochet :

L’efficacité de la communauté

La pensée individuelle vs collective

La puissance de la collectivité


Croire dans l’éducation (Remolino)

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3 réponses

  • L’intelligence collective du groupe (encore faudrait-il déterminer la taille du groupe adéquate) est une force à partir du moment où les participants ont quelque chose à échanger… et sont prêts également tant à écouter les autres que partager avec… me semble-t-il.

  • L’hypothèse la plus probable est, selon moi, que la télévision a brisé quelque chose dans le système de l’intelligence collective en altérant les modes de communication orale dans les familles et dans l’environnement social immédiat. La télévision a brisé le jeu interactif de la parole qui fait de tout échange linguistique un moment d’apprentissage du monde et d’abord de la langue. Quand quelqu’un vous parle, il est indispensable que vous l’écoutiez bien, parce qu’il est indispensable que vous le compreniez, parce que de cette compréhension dépendra que vous puissiez lui répondre. Si vous ne lui répondez pas, vous montrez que vous ne l’avez pas compris ni sans doute seulement écouté, ce qui sera vexant pour lui, et de plus vous mettrez fin au jeu de l’échange, alors que le but premier de tout échange est qu’il se poursuive. Si vous n’êtes pas sûr de bien comprendre ce que l’autre vous dit, ou si vous n’êtes pas sûr de savoir quoi lui répondre, il existe une manière facile de s’en sortir qui consiste à répéter ce qu’il vous a dit, ou plutôt ce que vous avez cru comprendre dans ce qu’il vous disait. Les vieux niçois font un usage immodéré, très amusant mais très efficace aussi de ce procédé. On peut reconnaître ceux qui ont appris à (se) parler avant que la télévision ne se répande et ne commence à faire ses ravages à l’utilisation qui est faite de la répétition, du feuilletage conversationnel. Car la répétion de ce que l’autre vient de dire est une façon de vous assurer que vous avez bien compris. C’est une façon surtout de lui marquer que vous l’avez écouté, que ce que qu’il dit vous intéresse. Et c’est une façon enfin de faire que le jeu de l’échange se poursuive. Or, dans tout cela, il y a de l’intelligence collective. Il y a de l’effort de compréhension et donc de l’apprentissage (à tout le moins de la langue). Que deux personnes se parlent et nous avons déjà de l’intelligence collective (de l’apprentissage). Et non seulement la télévision ne vous entraîne pas dans ce processus, mais elle vous le désapprend. On voit cela dans les classes.

  • Le commentaire de Lyonel rejoint quelque peu celui de Christian, en ce que tous les deux soulignent l’importance de l’écoute et du partage des idées dans une dynamique d’intelligence collective.

    Je suis entièrement d’accord avec la position de Christian à l’égard du rôle néfaste de la télévision sur la conversation. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles je me suis débarrassé de mon téléviseur. Mais j’en suis à me demander si les nouvelles technologies ne sont pas en train de prendre la relève de la télé. On communique beaucoup, certes, mais par écrit.

    Et puis, les gens ont-ils encore le temps de s’arrêter pour converser ?



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