Les déboires de l'instructionisme


Une nouvelle étude du Civil Rights Project (Université Harvard) révèle que la politique du No Child Left Behind (États-Unis) n’a eu aucun impact significatif sur les résultats en lecture et en mathématiques (Yahoo!/Reuters : Bush education policy to miss goals: Harvard study). L’étude (Tracking Achievement Gaps and Assessing the Impact of NCLB on the Gaps: An In-depth Look into National and State Reading and Math Outcome, PDF) dénonce également l’emphase sur les tests standardisés comme mesure d’imputabilité de l’efficacité du programme.

NCLB’s reliance on state assessment as the basis of school accountability is misleading since state-administered tests tend to significantly inflate proficiency levels and proficiency gains as well as deflate racial and social achievement gaps in the states. The higher the stakes of state assessments, the greater the discrepancies between NAEP and state assessment results. These discrepancies were particularly large for poor, Black and Hispanic students.

Je ne veux pas, ici, faire un pied de nez aux opposants de la réforme, ni confondre instructionisme et enseignement explicite. Je souhaite plutôt faire valoir que l’application à grande échelle d’une politique éducative est semée d’embûches. Ainsi, les déboires de la réforme au Québec ne seraient pas tant liés à la nature de la méthode pédagogique préconisée comme aux difficultés reliées à l’énormité du changement. Cela expliquerait en partie pourquoi la réforme est un succès dans certains milieux, mais un échec ailleurs. Peut-être y a-t-il lieu de préconiser la décentralisation de l’éducation, à l’instar du modèle finlandais qui connaît tant de succès.

Au moins les Américains auront eu la lucidité d’investir des sommes considérables dans leur politique du NCLB, ce qui a probablement évité le pire. Cela n’a pas été le cas au Québec, où on a plutôt misé sur une maigre formation professionnelle et sur le leadership d’une poignée d’enseignants avant-gardistes. C’était nettement insuffisant. D’autant plus que le changement de gouvernement a sapé l’élan de la réforme.


Par ricochet :

La commercialisation de la réussite scolaire

La quête numérique de l’évaluation

La perte de crédibilité des écoles

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17 réponses

  • mdr ;-) à cette nouvelle dirigée au gouvernement du prétendant et M. Cheney … (je suis désolée François)

  • Mais c’est qu’il n’y a pas de quoi être désolée, Margarita. Je ne suis surtout pas un fan de George W.

    Par ailleurs, je constate à regret que votre connaissance du texto est meilleure que la mienne. Il m’a fallu effectuer une recherche pour découvrir que mdr signifie mort de rire. Je vais me coucher moins niaiseux ce soir.

  • Normand Péladeau dit :

    L’étude rapporte des gains modestes en mathématiques et une absence de changement en lecture. C’est toujours mieux qu’une détérioration importante en maths, en sciences en en français comme on le constate au Québec. Non?

    Par ailleurs, le No Child Left Behind ne favorise pas explicitement les modèles instructionnistes. Il favorise les modèles dont l’efficacité est supportée par des données scientifiques. C’est donc vous qui concluez que comme il s’agit de modèles scientifiquement prouvés, il ne pouvait s’agir que de modèles instructionnistes. Cet aveu est tout à votre honneur. ;-)

    Plus sérieusement, Monsieur Guité, j’apprécie vos efforts pour rechercher des études évaluatives sur la politique du NCLB. Cependant, si vous désirez être plus rigoureux dans votre analyse, je vous inviterais à nous faire un survol de l’ensemble des études sur les effets du NCLB. Ce site répertorie 65 études, dont certaines se sont penchées sur l’impact sur la performance des élèves.
    http://www.edpolicy.org/research/nclb/index.php?

    Parmi celles-ci, certaines semblent plutôt positives.

    http://www2.edtrust.org/NR/rdonlyres/F1C402F7-AB53-49ED-A9DC-27A41AA6E7E5/0/MeasuredProgressSumma99F.pdf

    http://www.ecs.org/ecsmain.asp?page=/html/special/nclb/reporttothenation/reporttothenation.htm

    Hum! D’un côté, des études américaines positives et d’autres études avec des effets modestes ou nuls, de l’autre, des données québécoises qui convergent pour démontrer une détérioration sur tous les plans. Je ne changerais pas de position avec vous sur cette question.

  • Normand Péladeau dit :

    Et au fait, vous dites que la réforme a été un succès dans certains milieux, mais un échec ailleurs. Malheureusement, seulement les échecs ont été documentés et je n’ai pas vu une seule évidence qui démontrait que la réforme avait eu un succès dans une école (sauf selon les rapports strictement anecdotiques).

  • Bonjour Monsieur Péladeau, il y a quelque chose que peut-être je pourrais ajouter. Il me semble beaucoup de ce que je lis dans les journaux et dans la presse au niveau local, que les standards changent tous les temps. Un an, il y avait des écoles qui étaient en échec, l’an prochain, ils n’étaient plus. Une partie était que c’étaient des écoles rénomées depuis longtemps qui se trouvent dans des communautés bien établies et/ ou prospèrs donc, quand on s’in quiète, on se plaigne soit à la commission scolaire ou un autre politicien et s’il y a quelqu’un très connecté, comme on dit ici, « l’argent parle. » Ce qui gêne de certains profs et qu’il n’y a rien pour l’amélioration des résultats des examens pour les écoles, même pour autres facteurs.

  • Luc Papineau dit :

    M. Guité,

    Parfois, un mot vaut mille images. Ainsi, selon vous, au Québec, «on a plutôt misé sur une maigre formation professionnelle et sur le leadership d’une poignée d’enseignants avant-gardistes.»

    Le mot avant-gardiste est lourd de sens et très connoté positivement. De même, il définit implicitement les non-adhérents à la réforme de non avant-gardistes, en quelque sorte de rétrogrades ou de partisans de l’immobilisme. Et ce choix de mot me titille un peu…

  • Monsieur Péladeau, vous vous battez avec l’énergie du désespoir, sur plusieurs fronts à la fois. Je devine quelques sarcasmes, qui sont de bonne guerre. Votre sophisme (deuxième paragraphe) m’a d’ailleurs amusé. Vous me permettrez donc une riposte.

    Ainsi, le No Child Left Behind « favorise les modèles dont l’efficacité est supportée par des données scientifiques », et il n’aurait que « des gains modestes en mathématiques [non attribuables au NCLB, précisent les auteurs] et une absence de changement en lecture. » Et bien… bravo pour l’efficacité des modèles supportés par des données scientifiques !

    Par ailleurs, les nombreuses études sur l’efficacité du NCLB donnent des résultats divergents. Qui croire ? Vous me pardonnerez, par conséquent, de ne pas accorder une foi aveugle en la recherche. Je ne vois pas qu’elle est infaillible. Ce qui, naturellement, ne signifie pas que je la rejette du revers de la main. Au contraire, elle m’intéresse même beaucoup, mais avec un regard critique, comme je m’efforce de le faire avec la réforme.

    Enfin, vous n’êtes pas sans savoir que les données du NCLB sont contestées pour avoir écarté les résultats des élèves les plus faibles (New York Times : Schools Cut Back Subjects to Push Reading and Math).

    Ce billet ne se voulait certainement pas une analyse exhaustive du NCLB. Le sujet n’a servi que de point de départ à une réflexion. Je vous rappelle que vous êtes sur un blogue. Compte tenu de vos interventions répétées, vous avez certainement compris qu’il sert de lieu d’information et de réflexion.

  • M. Papineau, ne vous offusquez pas d’un mot dont la désignation peut s’étendre à d’autres. Ce n’est pas parce que les tenants de la réforme peuvent être caractérisés d’avant-gardistes que d’autres, aux méthodes différentes, sont nécessairement exclus. Je trouve que le terme désigne assez bien les réformistes, considérant qu’ils affichent deux caractéristiques de l’avant-garde : l’innovation et la rupture avec le passé.

  • Normand Péladeau dit :

    Les études sur le NCLB ne sont pas aussi divergentes que vous le laissez sous-entendre. Les effets sur la réussite sont soit nuls, soit positifs. Pas de résultats négatif. Les résultats sur la réussite au Québec sont soit négatifs, soit très négatifs. Encore une fois, il n’y a pas de divergence dans les résultats. Mais, mais contrairement à moi, vous semblez ne considérer que les résultats de recherches uniquement lorsqu’elles confirment vos positions.

    Je ne suis pas d’accord avec tous les aspects du NCLB. Il est clair que si l’on ne centre l’évaluation que sur les maths et la lecture, alors les profs feront de même. C’est ce que l’article du NY Times démontre. Si on centre l’évaluation sur les connaissances, les enseignants n’insisteront pas sur la démonstration des compétences. Et si l’on centre l’évaluation sur les compétences, les enseignants n’insisteront pas sur l’acquisition des connaissances. (Même si on leur dit que pour être compétent, il faut avoir des connaissances). De toute façon, comme les tests « authentiques » ne permettent pas facilement d’identifier ce que l’élève sait et ne sait pas, il devient difficile pour l’enseignant d’identifier ce qui a été bien compris et acquis, de ce qui ne l’a pas été. Ces tests sur les connaissances sont donc utiles à l’enseignant.

    C’est la raison pour laquelle il est préférable d’avoir des tests qui couvrent à la fois les connaissances de base, les compétences, et qui couvrent l’ensemble des matières que l’on doit traiter.

    Quoi que l’on fasse, l’enseignant enseignera toujours ce que l’on teste (« teaching the test ») ce qui n’est pas très loin de toute façon de l’idée de tester ce qu’on enseigne (« test what you teach »), une compétence essentielle de tout bon enseignant. C’est tout de même mieux que de proposer des tests sur ce qui n’est pas enseigné (« test what you don’t teach »), ce qui a pourtant été proposé par des pédagogues belges, français et québécois.

    D’où l’idée d’avoir des tests qui couvrent large et qui ne permettent pas aux enseignants de savoir exactement ce qui fait parti de l’évaluation, de ce qui ne sera pas couvert. Autrement dit, ces tests ne doivent pas mesurer des objectifs qui ne sont pas connus des enseignants, mais n’ont pas à couvrir l’ensemble de chaque matière.

  • Merci, M. Péladeau, de me reprendre sur l’article du New York Times alléguant que des administrateurs scolaires étaient enclins à manipuler les résultats pour répondre aux exigences du NCLB. Je me suis trompé d’article. Mille excuses pour le dérangement que cela vous a occasionné. Pour ceux que le sujet intéresse, voici deux articles qui en traitent : The Boston Globe / Associated Press (States omitting minorities’ test scores) et The Baltimore Sun (Md., U.S. testing results clash).

    « vous semblez ne considérer que les résultats de recherches uniquement lorsqu’elles confirment vos positions. »

    Je comprends cette perception que vous avez, considérant que nous ne partageons pas les mêmes idées. Mais en toute objectivité, je formulerais cela autrement, alléguant plutôt que je considère les résultats de recherches uniquement lorsqu’ils corroborent mes observations, ou qu’ils contribuent à ma réflexion professionnelle.

    Rassurez-vous, je ne suis le vassal d’aucune méthode. En tant que praticien, je m’efforce tant bien que mal de créer des liens entre mon vécu, la théorie et la recherche.

    Dans l’espoir que cela puisse bénéficier la communauté.

  • Normand Péladeau dit :

    Vous dites: « JE CONSIDÈRE LES RÉSULTATS DE RECHERCHES UNIQUEMENT LORSQU’ILS CORROBORENT MES OBSERVATIONS »

    C’est précisément là que réside le problème: La primauté de votre expérience sur les données de recherches.

  • Comme vous sautez vite aux conclusions ! Je l’ai déjà dit, je refuse d’avoir une foi aveugle dans la recherche. Je ne vous apprends rien en disant que l’histoire foisonne de recherches fautives.

    Quand j’ai pris connaissance d’une recherche, j’en évalue la pertinence par rapport à ma pratique. Je tâche d’exercer mon jugement critique. La largesse d’esprit est une qualité que j’estime.

  • Normand Péladeau dit :

    Cette affirmation est de vous et est très claire. Je laisse aux autres le soin de juger, mais pour moi, cela me ressemble un aveux fort explicite du peu de cas que vous faites des recherches dont vous n’appréciez pas les conclusions.

    Je constate par ailleurs que l’expression « exercice du jugement critique » semble légitimer bien des choses, y compris des critiques mal informées.

  • Ce changement de tactique ne vous honore guère, M. Péladeau. La suspicion et les insinuations… vraiment ?

    Cet échange ne rime plus à rien.

  • Normand Péladeau dit :

    J’ai l’impression de passer bien du temps à vous reprendre sur les conclusions que vous tirez des études que vous citez. Vous avez d’ailleurs dans bien des cas récemment, admis avoir pris des libertés ou commis certaines dérives. Assimiler le NCLB à une réforme instructionniste en est une. Présenter des résultats neutres ou positifs comme s’il s’agissait de résultats négatifs comparables à ce que l’on observe au Québec en est une autre. Confondre le transfert d’apprentissage et la mémoire de travail afin de faire valoir votre point de vue représente un autre exemple récent. J’arrête ici, mais je pourrais mentionner d’autres messages récents.

    Vous être très actif à dénicher des études de diverses provenances, mais l’interprétation que vous en faites, les conclusions que vous en tirez laissent parfois à désirer. C’est pour cette raison que je me permets d’intervenir comme je le fais. Mais si la rigueur n’est pas aussi importante pour vous, alors vous avez le loisir d’ignorer mes commentaires.

  • Normand Péladeau dit :

    Au fait! Relisez attentivement le titre de cette chronique.

    « Les déboires de l’instructionisme »

    Vraiment?

  • Que d’acharnement !

    Il est vrai que j’ai commis certaines dérives à l’occasion. Personne n’est à l’abri de l’erreur. Mais je suis assez fier de les admettre et de les corriger. J’espère que les lecteurs ne m’en tiendront pas rigueur.

    Pour le reste, vous me mettez dans l’obligation de vous corriger :

    • D’abord, je n’ai jamais prétendu que le NCLB soit une réforme. Quant à assimiler le NCLB au modèle instructionniste, ce n’est qu’un constat de la pédagogie généralement préconisée par les écoles qui souscrivent au NCLB, tel qu’il a été rapporté par les médias. À défaut d’être une exigence de cette politique, c’est un fait généralement répandu.

    • Dans ce billet, c’est vous qui avez comparé les résultats de l’étude à ce que l’on observe au Québec. Pour ma part, je n’ai fait que rapporter les conclusions générales de l’étude dans le but de soulever une hypothèse quant aux difficultés d’administrer des changements à grande échelle dans le domaine de l’éducation, tant pour le NCLB que la réforme au Québec.

    • Ladite confusion entre le transfert d’apprentissage et la mémoire de travail n’est pas la mienne, mais celle des Drs Eide et Fernette Eide (source), déduction faite à partir de leur expertise neuropédagogique. (Cela avait d’ailleurs été expliqué ; je suis étonné que vous souleviez à nouveau le sujet.) Leurs informations sont généralement très crédibles. S’ils ont commis un impair, c’est avec une grande reconnaissance pour tout ce qu’ils m’ont apporté que je leur pardonnerai.



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