Désillusions de début d'année


QuiciDisappointment.jpgToute réalité est une désillusion. (Édouard Pailleron)

J’adore les rentrées scolaires : nouvelles idées, nouveaux défis, nouvelles résolutions, nouveaux projets, nouveaux élèves, nouveaux moyens. Je suis tout feu, tout flamme. Or, il n’aura fallu que trois jours pour que s’abatte l’éteignoir. Tout dirigeant, je présume, sait l’importance d’une première rencontre. C’est l’occasion de donner le ton en profitant, selon le cas, de l’enthousiasme, de l’ouverture ou de l’instabilité des participants. Toutefois, cela se retourne contre ceux qui échappent la balle au bond. Au risque de paraître grincheux, les déboires ont été plus nombreux que les victoires en ce début d’année.

Je n’ai pas trop fait de cas d’un premier incident, alors qu’un collègue me faisait part de son « malaise » de voir ma stagiaire d’origine iranienne garder un foulard sur la tête. Quoique l’opinion soit sans mérite, je reconnais à cet enseignant le courage de l’avoir exprimée.

Autre surprise, la commission scolaire a écourté la tâche au conseiller pédagogique en anglais. Or, j’ai toujours trouvé que les conseillers pédagogiques représentaient le seul service lié aux élèves qui justifie un tant soit peu l’existence des commissions scolaires. Considérant leur charge de travail, on ne s’étonnera pas que la mienne peine à trouver des conseillers pédagogiques. Elle en est même réduite, dans certaines cas, à offrir le poste à des statuts précaires qui ont à peine un an d’expérience.

Mais l’assommoir est venu durant la réunion de toute l’équipe du PEI. Dans un contexte de réforme, et alors qu’il y a tant à faire pour moderniser l’école, je suis resté saisi de cette recommandation de la directrice adjointe qui invitait les enseignants à réutiliser les ressources existantes “pour ne pas avoir à réinventer la roue.” Je trouve, au contraire, que la roue a besoin d’être remplacée.

Jusque là, rien de très désolant, si ce n’est un discours qui consistait en grande partie d’une lecture de documents projetés sur un écran. C’est d’autant plus étonnant venant d’une personne, ancienne coordonnatrice des services pédagogiques, au fait des paradigmes de la communication. Un peu plus tard, je n’ai pu m’empêcher de faire remarquer à la direction, après avoir visionné le clip promotionnel ci-dessous, que le profil de l’apprenant vanté par le OBI diffère bien peu de ce que le nouveau programme de formation vise pour tous les élèves du Québec. Un programme particulier doit au moins faire valoir sa spécificité.

Au coeur de la philosophie du Programme d’éducation internationale, il y a cette formidable notion d’apprendre à apprendre. Malheureusement, l’école n’a rien trouvé de mieux que d’en faire un sujet de méthodologie dirigée, comme si l’imposition d’une manière de faire pouvait se substituer à la réflexion, à l’analyse et à la métacognition. À titre d’exemple, l’élève est évalué sur son habileté à « utiliser efficacement l’agenda ». Or, l’utilisation de l’agenda, aussi efficace soit-il, n’est pas une finalité : il existe d’autres moyens d’organiser son travail. Malgré qu’on ait soulevé l’objection plusieurs fois dans le passé, rien n’a changé.

Somme toute, la réunion aura été sans discussion, un exercice à sens unique. J’en suis sorti avec le sentiment que le silence de la salle était symptomatique d’un profond malaise. Une assemblée qui se tait jacasse dans les couloirs. Cela augure bien mal.


(Image thématique : Disappointment, par Nicola Quici)


Par ricochet :

Désillusion de l’éducation

Le début de la fin pour l’école

Les marchands du temple

La caducité des commissions scolaires


Réflexions sur la rentrée… (Variations sur thèmes)

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5 réponses

  • «Une assemblée qui se tait jacasse dans les couloirs. Cela augure bien mal.»
    …et ça prouvera que rien n’a changé !

    Au fait, peut-être que notre système d’éducation lui-même (et non les individus qui le composent) est atteint du Principe de Peter?! Je cherche une explication… et je me convaincs chaque jour que l’avenir ou l’espoir se situe peut-être hors système, là où la bureaucratie n’a pas encore fait de ravages, de nivellements ou de dommages.

  • florence meichel dit :

    Bonjour à tous les deux

    Je n’arrête pas de penser à ce billet : il y a un tel contrasme avec l’energie et la motivation qui se dégagent en dehors du système scolaire !

    je réfléchis !

  • Denis Drouin m’a dit personnellement un jour qu’avec les loups, il faut crier… et là, il est utile de savoir que les loups ont peur des groupes!

  • Marianne T.A. dit :

    François, vous semblez reprocher au programme le manque de creativité permis aux élèves dans les projets, le manque de liberté accorder etc. Or, même si l PEI n’est sans doute plus ce qu’il était à l’origine, je ne sais pas si les élèves (en l’occurence, nous) sommes prêts à faire preuve d’autant de créativité et d’autonomie. Certes, c’est la meilleure façon d’apprendre, puisqu’on n’apprend pas tous de la même façon. Mais lorsque l’on n’est pas assez mature pour travailler par nous, même, on a plutôt tendance à profiter de notre liberté. Pour ce qui est de réinventer la roue, les professeurs en ont-ils tous la volonté? (sauf pour je sais pertinament que vous l’avez). Finalement, je pense que le programme d’éducations internationnal comporte quelques lacuen, maisque certaines personnes comme vous, font tout pour l’améliorer

  • Tant de compliments me font rougir, Marianne. Néanmoins, ton introduction m’étonne, car j’ai beau me relire, je ne vois rien qui laisse supposer que je reproche au P.E.I. le manque de créativité permis aux élèves. Sans doute te réfères-tu à des propos tenus en classe. Ce que tu avances n’est pas tout à fait faux. Je reconnais cependant que le P.E.I. permet plus de liberté que bien d’autres écoles, mais principalement en raison de la qualité des élèves.

    La difficulté que tu soulèves au regard de la relation entre maturité et liberté de travail est très pertinente. C’est une excellente objection. Je crois cependant que la maturité s’acquiert en partie dans l’exercice de la liberté. Mais cela prend du temps, et tous n’ont pas la patience d’accompagner les jeunes au travers de leurs erreurs.

    Mille excuses pour ce long retard dans ma réponse.



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