Le plaisir de lire se perd : effets sur la réussite scolaire


PicassoGirlReading.jpgLa lecture agrandit l’âme, et un ami éclairé la console. (Voltaire)

Au-delà de leurs querelles, l’importance de la lecture est l’une des rares choses à faire l’unanimité parmi les éducateurs. Par conséquent, une vaste étude du National Endowment for the Arts (États-Unis) s’inquiète de ce qu’on lise moins (Newsvine : Government study: Americans reading less). L’étude établit également un lien entre la diminution du temps de lecture et la baisse des résultats scolaires (New York Times : Study Links Drop in Test Scores to a Decline in Time Spent Reading).

Quoique le lien de cause à effet entre la lecture libre et les résultats scolaires chez les adolescents fasse sourciller certains experts, je m’inquiète des chiffres ci-dessous, renversants, qui témoignent de la perte du plaisir de lire pendant le parcours scolaire.

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Cela me rappelle d’autres chiffres, dont j’ai malheureusement perdu la trace, qui relataient la baisse de plaisir et de motivation scolaire au fil des années. Pennac surgit à l’esprit. En attendant de lire Chagrin d’école, dont les premières pages me séduisent déjà (remerciements à Michel Le Neuf de m’avoir convaincu), je me rappelle le discernement de Comme un roman.

Les programmes de formation ont un je-ne-sais-quoi qui détruit le goût d’apprendre. L’obsession des impératifs, peut-être. Dans notre fixation pour les devoirs, la grammaire, les mathématiques, les règles, et j’en passe, nous avons bouleversé l’équilibre de la raison et de l’affectivité si nécessaire à l’apprentissage. Non que toutes ces choses soient inutiles, au contraire, mais les excès exercent sur les élèves une tyrannie qui refoule la joie d’apprendre.

Mise à jour, 21 novembre 2007 | Une perle tirée de la même étude : « En moyenne, les Américains âgés de 15 à 24 ans, passent deux heures par jour devant la télévision et sept minutes à lire. » (Cyberpresse : Les Américains lisent moins et moins bien).


(Image thématique : Girl Reading, par Pablo Picasso)


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3 réponses

  • Ah, Comme un roman, quelle perle de lecture!
    Je crois que le cours de français (au secondaire) qui ma donné le plus le goût de lire est celui où il fallait écrire le plus; celui où le professeur nous donnait un thème (ou une phrase de départ) avec lequel composer une histoire. Ça donnait envie de nourrir son imaginaire et sa langue.

    Mais cette étude américaine sur la diminution de la lecture reflète-t-elle la situation québécoise? N’entendions-nous pas dire, il y a quelques années, que le goût de lire était en progression chez les adolescents et pré-adolescents? (l’effet La courte échelle)

  • Une interprétation en vaut bien une autre pour expliquer ce que tu nommes si bien « (dés)équilibre entre a raison et l’affectivité ». Je partage donc avec toi et tes lecteurs cette réflexion d’Arthur Marsolais sur cette question de l’apprentissage de la lecture

    « Il me semble que la façon de se représenter les visées même de l’apprentissage du français a souffert de deux dissociations, au cours des dernières décennies, et que l’on pourrait difficilement redonner beaucoup d’étoffe intellectuelle et culturelle à cette discipline centrale sans reconnaître et rediscuter ces dissociations.

    La première dissociation concerne, à mon sens, l’expulsion de la dimension formation personnelle de l’enseignement de la langue. Un mouvement de formalisation disciplinaire, en quelque sorte… Il n’y a pas si longtemps, dans l’histoire de l’humanité, c’est dans les contes, les fables, les chants populaires que s’exprimait le sens des comportements. Et le contact avec le texte était à la fois esthétique et moral, au-delà d’une dimension fonctionnelle et pratique. Dans la lecture, dans les contes ou dans des textes de plus grande envergure au secondaire, émergeait l’occasion de travailler sur sa propre mémoire, ses propres émotions, préférences et dégoûts, ce qui débouchait naturellement sur des espaces où s’exprimer. Or, cela est devenu cloisonné. On a multiplié des petits cours de formation personnelle et sociale. On a technicisé l’enseignement du français. Les affinités, la complicité potentielle entre l’apprentissage du français et l’éducation au sens de formation personnelle se sont effacées au bénéfice de la spécialisation. Dans les accents opposés entre communication et expression, le premier a expulsé le second.

    La seconde dissociation s’est opérée entre une visée pragmatique et fonctionnelle d’une part (arriver à l’aisance en matière de code) et une visée culturelle et interprétative. D’une certaine façon, l’accès à l’écrit, au début de la scolarisation, a une valeur instrumentale à l’égard de tous les autres apprentissages. La maîtrise de l’écrit à un côté très pragmatique, au point qu’il s’élève parfois une grave malentendu sur ce que signifie, à terme, apprendre à écrire. On risque de s’enfermer dans le champ de la maîtrise des codes. Il arrive que, pour vérifier jusqu’à quel point des élèves savent écrire, on utilise la dictée. Or, réussir une dictée, c’est savoir transcrire la parole d’un autre, ce n’est pas savoir écrire au sens de composer un texte. On en est parfois venu à placer en séquence ces ceux aspects, en croyant qu’il fallait se concentrer d’abord et longtemps sur la maîtrise de l’orthographe et de la syntaxe. On a durci l’opposition entre côté linguistique et côté littéraire, en se représentant souvent la division du travail entre le secondaire et le collégial suivant une prépondérance de l’accent linguistique au secondaire. Il me semble pourtant que la période la plus favorable pour un type d’accès au texte que l’on appelle, dans la recherche américaine, « high litteracy », se situe entre 14 et 17-18 ans. Au-delà du décodage élémentaire et quasi-automatique de la lecture, il se trouve une capacité à interpréter le texte, à en tirer parti directement pour son questionnement personnel, à saisir ses éléments implicites, à décontextualiser et recontextualiser ce qu’il apporte. La différence entre un texte banal et un texte « classique » au sens large, c’est qu’en se débattant avec le second, on trouve des ressources et des perspectives signifiantes dans un autre contexte que celui d’origine. Mais c’est là un véritable travail d’interprétation, un travail sur le sens…

    L’étude de la langue, optimalement, devrait faire passer du premier pôle, d’apprendre à lire, au second, de lire pour apprendre, pour découvrir, pour analyser, pour approfondir. Mais, dans l’histoire des pratiques de l’étude du français au cours des deux dernières décennies, il me semble que cela a été en grande partie négligé. S’il y a aujourd’hui des voies de revalorisation pour étoffer l’apprentissage de la langue, il me semble que l’on pourrait remettre en question les deux dissociations dont il a été question. Cesser d’abord d’atténuer la composante de formation personnelle et la composante proprement artistique dans l’appropriation de la langue à travers des œuvres significatives. Moins mettre en séquence la maîtrise du code puis le travail sur le sens, au risque de trop se limiter au premier souci. »

  • D.G. dit :

    Les programmes de formation ont un je-ne-sais-quoi qui détruit le goût d’apprendre.

    C’est donner beaucoup de pouvoir aux ustensiles et aux ingrédients pour mieux ignorer le rôle du chef, qui doit posséder l’art de mettre en appétit et de délecter les sens.



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