La Toile, l'intelligence collective et l'être


LazzarraGeospatialIntellige.jpgL’intelligence, c’est ce qui fait qu’on s’abstient de conclure. (Louis Pauwels)

Pendant les 200 000 ans de son existence, l’Homme a vécu relativement isolé, dans un environnement limité par ses sens, un réseau social restreint et des moyens de communication rudimentaires. Subitement, il se trouve plongé dans un univers dynamique de connectivité globale, incertain de la direction à prendre, comme si le sol disparaissait sous ses pieds. De fait, cette connectivité ébranle la supériorité chimérique de son intelligence, voire le concept même de l’intelligence et de l’être.

Ainsi, dans une thèse publiée dans la revue The Philosophical Quaterly (Are You Living in a Computer Simulation) qui rappelle étrangement La Matrice, Nick Bostrom, philosophe à Oxford et directeur du Futur of Humanity Institute, conclut en la « quasi-certitude mathématique que nous vivons dans la simulation informatique de quelqu’un d’autre » (New York Times : Our Lives, Controlled From Some Guy’s Couch). Désarçonné par les pirouettes mathématiques, et trop heureux de me retrouver sur la terre ferme, je demeure à la fois fasciné et inquiet de l’avenir de l’humanité en proie à la technologie.

Entretemps, nous tâchons de composer avec le concept d’intelligence collective. Kevin Kelly fait une analogie intéressante en soulignant le fait que les 100 milliards de clics quotidiens dans Internet équivalent à la quantité de neurones d’un cerveau humain (Ewan McIntosh : Kevin Kelly@Pop!Tech: Where does collective intelligence begin?). Malgré la tentation d’établir un parallèle entre le cerveau et le Web (voir la vidéo ci-dessous), il demeure qu’il s’agit d’entités distinctes dans leur quiddité. George Siemens objecte justement que la Toile, contrairement à l’être humain, n’est pas dotée de conscience.


L’intelligence collective n’est pas un phénomène nouveau. Elle a toujours été le contrepoids par lequel les réseaux sociaux ébarbent l’intelligence individuelle. Néanmoins, les technologies de la communication lui confèrent une énergie qui s’apparente au nous d’Anaxagore. En harmonisant la collectivité à l’échelle mondiale, peut-être Internet s’avérera-t-il la force qui permettra enfin de renverser le crescendo de 200 000 années de destruction égoïste.

(Image thématique : Geospatial Intelligence, par Richard Lazzara)


Par ricochet :

Jeff Hawkins et l’intelligence artificielle

La puissance de la collectivité

Accrocs à l’intelligence collective

10 différences entre le cerveau et l’ordinateur

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3 réponses

  • Jacques dit :

    Je ne vois pas la technologie comme « entité intelligente », avec un agenda de « poche de fesse », comme semble soutenir Kelly, car la conscience n’y est pas, justement comme le soutient Seimens. Par contre, j’allume quand je lis la phrase de Kelly, « No one is as smart as everybody » :-)

    C’est comme si la toile et ses outils de collaboration et de réseautage sociale sont une sorte d’extension de moi, me permettant d’apprendre, de réfléchir, de m’informer, de trouver des pistes de solution, de m’enquérir, de vérifier, d’apprécier, de rire, etc. etc.

    Merci d’avoir partagé ceci et de me permettre d’en apprendre (et de réfléchir) davantage sur le sujet ;-)

  • Daniel Bigué dit :

    Voyons, voyons … Comment monsieur Rabelais disait-il cela ? «Toile sans conscience n’est que ruine de l’âme… ». Totalement d’accord avec monsieur Siemens… L’année prochaine, le chiffre de 100 milliards de clics quotidiens (sic !) ne coïncidera plus… Ne trouvez-vous pas qu’il y a de la «logique floue» dans tout cela ?

  • J’aime bien l’idée « d’extension de soi » exprimée par Jacques. L’être est à la fois ego et alter, et je trouve que les TIC et la Toile élèvent ces deux dimensions à un autre niveau.

    Quant à l’idée de « logique floue » de Daniel, je crois que la logique devient nécessairement floue à partir du moment où on la partage socialement, surtout quand elle est issue de la pensée individuelle.



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