La laine sur le dos des enseignants


WilliamsSheepHill.jpgOn compte plus facilement ses moutons que ses amis. (Socrate)

Au moment où l’on croit que plus rien ne peut nous surprendre, la bêtise humaine atteint de nouveaux abîmes. Je grince des dents quand j’apprends que des écoles sont infectées. Récemment, j’ai été sidéré de cette école qui interdit que les élèves se touchent (The Washington Post : Va. School’s No-Contact Rule Is a Touchy Subject). Cette semaine, oh stupeur!, j’apprends qu’un district scolaire du Michigan refile aux enseignants la facture d’électricité de certains appareils; il ne suffit pas que les professeurs donnent bénévolement des heures supplémentaires et paient leurs fournitures scolaires, on exige maintenant qu’ils remboursent leur consommation d’électricité (Detroit Free Press : Teachers told: You plug in, you pay up; source : Gary Stager).

Je rage de la docilité de cette profession qui se laisse manger la laine sur le dos. Les moutons ne sont pas connus pour leur originalité. J’appuie les efforts pour réduire la consommation d’énergie, mais il y a des façons plus collaboratives que les diktats. L’histoire ne dit pas si les mêmes mesures s’appliquent aux gestionnaires.

Le Québec n’est pas exempt d’ineptie administrative. Il y a lieu de s’inquiéter, toutefois, quand elle atteint les plus hauts échelons. Après que le ministère ait dévalisé les commissions scolaires de prétendus surplus budgétaires (Le Soleil : Québec prendra 1,8 M $ dna les poches des commissions scolaires de la région), ma commission scolaire est contrainte d’adopter des restrictions budgétaires (PDF) dont une bonne partie est refilée aux écoles selon ce qu’a annoncé la directrice de mon école. Aussi bien dire que l’État vole ses propres enfants.

Et que dire de l’incohérence du MELS d’inclure dans le nouveau programme de formation la compétence relative à « l’exploitation des technologies de l’information et de la communication » sans procurer aux enseignants les outils nécessaires pour la développer? Des commissions scolaires donnent dans la même logique en soumettant des enseignants à un test de compétences en informatique pour des postes dépourvus d’équipement, comme dans le cas de Sylvain.

Nous ne sommes pas au bout des paradoxes, comme de réformer l’éducation par la conformité à un programme arrêté. Ou ‘soyez créatifs‘, mais ‘vous n’avez droit qu’au matériel approuvé‘.

Pendant ce temps, les enseignants continuent d’acheter des ordinateurs à leurs frais. Moi le premier, parce que je refuse de sacrifier les élèves. Ne nous étonnons pas si l’éducation 2.0 est une autre vision qui se dessine sans la participation des enseignants du primaire et du secondaire, pour qui ce n’est qu’un mirage.

Par moments, j’ai beau sortir les griffes, dresser la tête et rugir, j’ai quand même l’impression de n’être qu’un mouton.

(Image thématique : Sheep on a Hill, par Claire Williams)


Par ricochet :

Les cordons de la bourse

Quoi ? Les CS ont des surplus budgétaires !

Désillusion de l’éducation

Une espèce à part

Les enseignants font plus de deux mois de bénévolat

Le travail supplémentaire des enseignants


Une autre attente… (Variations sur thèmes)

Que diriez-vous d’une non-conférence sur le thème de la « classe 2.0»? (Les carnets Dédalus)

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7 réponses

  • Luc Papineau dit :

    C’est à se demander si nous ne devrions pas être des travailleurs autonomes. Il nous serait alors facile de déduire de l’impôt notre ordinateur, notre matériel pédagogique, l’électricité que nous consommons à la maison pour alimenter notre ordi ou léclairage nécessaire à la correction et ainsi de suite.

    En passant, certaines écoles offrent un gros 10$ par année à leurs enseignants pour leur matériel de bureau. Ce n’est pas une faute de frappe. Vous avez bien lu.

  • Daniel Bigué dit :

    Totalement d’accord avec vous et avec monsieur Papineau. Nous, les enseignants, sommes des moutons pusillanimes ! Mais quand je le peux, je m’inscris en faux. Voici mon anecdote. Chaque année je reçois des stagiaires. Selon l’entente de la convention je suis rétribué pour cela. Jusque là ça va, même si je pense que cette rétribution devrait être légèrement, je dis bien légèrement, revue à la hausse car c’est la même depuis au moins cinq ans, mais c’est une autre histoire… Je reviens donc à cette rétribution qui peut se répartir comme suit : 470 $ pour des achats de matériels didactiques incluant des logiciels ou 200 $ sur la prochaine paie (et l’impôt passe dedans) ou deux jours d’absences autorisés. Des logiciels c’est bien beau mais ça roule mieux avec un ordinateur n’est-ce pas ? Il y a un ordinateur à la maison, mais c’est l’ordinateur de la famille pas le mien exclusivement ! Moi les TIC ça m’intéresse, je crois qu’il y a là un potentiel intéressant d’aide à l’apprentissage. Mais je ne suis pas un spécialiste et dans mon centre je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’autres de mes collègues qui soient intéressés par cela, donc je dois me débrouiller seul. Mais je suis de bonne foi et je veux bien essayer de contribuer à cette fameuse implantation des TIC dont j’entends parler depuis vingt ans dans le merveilleux monde de l’éducation au Québec… Donc je vais voir ma directrice pour lui demander si le 470 $ pourrait m’aider à me procurer un portable dont je paierais la différence. Niet ! Ma commission scolaire a une politique pour l’achat des portables et il n’est pas possible que le portable puisse m’appartenir exclusivement ! ! Bel encouragement pour quelqu’un que la chose informatique intéresse !! La raison de cette politique, qui m’a été donnée par un conseiller pédagogique, à temps partiel, en informatique travaillant dans un autre centre, en est une paraît-il de sécurité pour le réseau. Sécurité, sécurité, hum… Moi je veux bien, mais croyez-moi je n’y connais rien, mais absolument rien en cette matière. Je ne suis qu’un petit prof qui s’intéresse à la pédagogie pas au hacking ! Alors je lui dis : «La sécurité donc ? Oui avec internet …». D’accord va pour la sécurité mais je n’y comprends rien et tout cela m’apparaît totalement abscons… Mais un portable en poste autonome sans lien internet en classe, est-ce que cela peut être dangereux pour le réseau de la commission scolaire ?? Réponse : non, mais la politique demeure ! Alors j’ai pris deux jours d’absences autorisés ! Voilà pour les TIC ! Et dire que monsieur Gilles Jobin dans un billet datant du samedi 7 avril 2007 énonce comme PREMIÈRE condition ESSENTIELLE à l’intégration des TIC dans le scolaire : « Les enseignants ont leur propre outil informatique (un portable) ». J’espère que les autres commissions scolaires ont une autre politique en ce qui concerne l’encouragement pour s’approprier les TIC, sinon monsieur Jobin va prêcher dans le désert pas à peu près … Je vous trouve très bon monsieur Guité de payer de votre poche pour le développement de l’informatique en éducation au Québec et je salue très bas votre altruisme à l’égard de vos élèves. Mais comme je l’ai dit plus haut, je m’inscris en faux contre cela et je ne participerai pas à ma propre exploitation !!

  • «Les moutons ne sont pas connus pour leur originalité.»

    François, garde en tête que les moutons ne sont pas tous blancs… et je pense que tu fais plutôt partie de l’autre groupe. Dans un troupeau, ceux qui se distinguent, qui se démarquent, que nous remarquons sont les moutons noirs.

    Dans la littérature enfantine, l’image du mouton noir revient souvent, et elle montre la différence au bon sens du terme, l’acceptation de soi, une prise de conscience de la distinction. Ces animaux ont quelque chose hors du commun, un petit plus qui colore ce qu’ils sont, et même un quelque chose qui leur donne de la personnalité devant la pâleur de tous les moutons blancs.

    Alors, moutons noirs… assumons-nous 80)

  • Luc Papineau dit :

    M. Biqué,

    Vous pouvez toujours demander au commissaire scolaire de votre quartier de vous passer celui que lui fournit votre CS. : )

  • @ Daniel Biqué : ne t’en fais pas… ou « join the club ! » Je ne sais plus comment aborder la question…

    À ma commission scolaire, la rétribution pour stagiaires est tout aussi complexe, voire tordue, parlez-en à un certain M. Guité.
    … … … (Insérez bien des détails entre les « … »)

    Alors je m’achète un ordi à mes frais, finalement, après avoir résisté quelques années.

    @ Luc Papineau : totalement en accord pour devenir travailleur autonome : mon portable (qui arrivera dans 2 semaines) serait complètement déductible ! Yeah !

  • Je ne me savais pas si privilégié… dans mon école, les professeurs ont droit à 15 $ par année pour les fournitures scolaires.

    L’anecdote de Daniel me désole au plus haut point. Nous n’arriverons jamais à moderniser l’éducation avec des bureaucrates aussi bornés. Si on ne réussit pas à encourager ceux qui veulent explorer les utilisations des nouvelles technologies dans leur pratique, comment y arriverons-nous? Ils ne sont déjà pas si nombreux! La question de sécurité est un mauvais prétexte. Cela n’empêche pas des entreprises bien plus grandes que les CS d’intégrer les nouvelles technologies. À ce compte-là, les écoles resteront toujours en marge. Et encore plus si on attend que les professeurs achètent leurs propres appareils, comme le fait Sylvain, l’un de ceux qui ont compris que l’on ne peut pas s’en passer.

    Peut-être, justement, les moutons noirs le sont-ils parce qu’ils en broient trop.



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