Neurosciences, cognition et affectivité


JacobCerveau.jpgLe coeur a ses raisons que la raison ne connaît point.
(Blaise Pascal)

Il en aura fallu du temps à la science pour reconnaître le rôle déterminant de l’affectivité dans la pensée. Pendant 2500 ans, philosophes et chercheurs n’ont vu dans les émotions qu’une distraction à la raison. Mais une nouvelle génération de neuroscientifiques expose l’indissociabilité de la pensée et des émotions, élargissant du même coup le champ de la psychologie cognitive (The Boston Globe : Hearts & Minds). Graduellement, on tend à une conception holistique de l’intelligence et de l’être. Les implications pour l’éducation sont énormes, non seulement sur le plan de la motivation scolaire, mais dans la compréhension de la dynamique de l’apprentissage.

Comme l’observe Elizabeth Phelps de NYU, le cerveau n’est pas un organe compartimenté.

When you look at the actual anatomy of the brain you quickly see that everything is connected. The brain is a category buster.

L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) n’a pas fini de dévoiler les mystères du cerveau. Un groupe de chercheurs parrainé par le National Institutes of Health a déjà commencé une étude longitudinale qui entend suivre le développement cérébral et comportemental de 500 enfants américains en santé, de la naissance jusqu’à l’âge de 18 ans (National Institute of Neurological Disorders and Stroke : NIH Study Tracks Brain Development in Some 500 Children across U.S.). Un premier rapport laisse entendre que les principales fonctions cognitives atteignent la quasi-maturité avant l’adolescence (EurekAlert! : A first glimpse at healthy brain and behavioral development).

Le rapport s’est également penché sur le rapport entre le quotient intellectuel et le niveau socio-économique. Quoique les enfants de familles à faibles revenus affichent un Q.I. plus faible que ceux de milieux favorisés, les enfants en santé ont un Q.I. supérieur à ceux de même niveau économique dont la constitution est affaiblie. Les différences observées au regard des disparités économiques seraient davantage d’ordre scolaire, ce qui porte à croire que le Q.I. dépend davantage de facteurs reliés à la société et à la santé que l’hérédité (Cognitive Daily : Study attempts to separate health from social influences on brain development). Par conséquent, il faut ajuster notre vision traditionnelle de l’intelligence en tant que société, à l’instar de Benoit Plante, et revoir toute la question des tests de sélection dans les écoles et certains programmes sur lesquels s’interroge Jean-Pierre Proulx.

L’insistance sur le développement cognitif, sans égard aux dimensions affective, sociale ou autres, a un caractère inhumain, comme une caricature. Les effets sont insoupçonnés. Une étude indiquait récemment que le stéréotype voulant que les garçons soient meilleurs que les filles en mathématiques cause une anxiété qui réduit la capacité des filles à résoudre des problèmes, même après les examens (EurekAlert! : Stereotype-induced math anxiety undermines girls’ ability to perform in other academic areas). Pas étonnant, donc, que la perception que les jeunes ont de leur intelligence influe sur leur performance (Eide Neurolearning Blog : Mindset and Effort Improve Achievement).

À une époque où on déplore le comportement des élèves, certaines écoles se distinguent en mettant l’accent sur le développement émotionnel et social (New York Times : Middle School Manages Distractions of Adolescence). La dimension affective vaut également pour les professeurs, dont les meilleurs sont généralement ceux qui sont passionnés de leur matière et qui savent établir un rapport personnel avec les élèves. Ainsi, dans les ateliers Clique sur toi, on réussit à amener des jeunes aux prises avec des problèmes d’adaptation à produire de fameux textes.

Il suffit parfois d’un détail pour mettre à profit les émotions. Pour faciliter la correction des textes sur les blogues des élèves, Sylvain St-Jean a recours à des émoticons graphiques, une manière agréable de signaler une erreur.

Si le caractère social du savoir lui donne un sens, l’affectivité lui donne vie. D’où l’importance de concevoir l’éducation non comme un cloisonnement des sujets et des matières, mais comme une écologie de l’être. Les connaissances et les compétences ne constituent que des bribes d’apprentissage si on ne sait pas les situer dans un réseau dynamique de conceptualisation par rapport à l’ordre global des choses. L’individualisation de l’enseignement-apprentissage, dans ce contexte, contribue à ce processus d’individuation.

Mon expérience m’a appris que les enseignants ont généralement de la difficulté à considérer les élèves comme des individus. L’approche éducative par groupes, sans doute, finit par conditionner la pensée aux normes. Les professeurs auraient avantage à connaître les théories de la personnalité pour optimiser le rapport aux élèves. À ce sujet, Benoit Plante a écrit une série de billets intéressants sur la personnalité. Dans le premier, qui traite de la théorie des traits, il nous fait découvrir le Big Five (en français), le modèle des cinq traits de la personnalité les plus reconnus. C’est certainement un bon point de départ.

(Image thématique : Le cerveau, planche du Traité complet de l’anatomie de l’homme, par Nicolas Henri Jacob)


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