Le dégel des frais universitaires


OsborneMoneyMaze.jpgL’homme est bête sans argent. (Jules Mazarin)

Le débat sur le dégel des frais de scolarité a le mérite de placer l’éducation à l’avant-scène de la campagne électorale. Surtout, il soulève un point précis qui nous change des vagues discours politiques, quoique le Parti Québécois a eu l’audace hier de promettre des mesures précises (PDF). La réaction des étudiants est désespérante, non pas pour son idéalisme habituel, mais par son absence de solutions originales. Le groupthink a eu tôt fait d’anéantir The Wisdom of Crowds. Est-il besoin de préciser que nous avons affaire à la fleur de la jeunesse québécoise.

Heureusement, les blogues rectifient les généralités véhiculées par les médias. Des étudiants comme Benoît Plante et Guillaume Lamy osent mettre les choses en perspective et se faire leur propre tête. Cela me réconforte quand je vois que d’autres ne démordent pas de leurs idéaux (Cyberpresse : Frais de scolarité : guerre de chiffres ou guerre d’idées ?).

Non pas que je dénonce l’idéalisme de la gratuité scolaire. Au contraire, j’y suis favorable. Mais dans les faits, les idéaux sont une finalité, et non une politique. Avec une dette publique de 125 milliards $ qui nous pousse vers un abîme, l’heure est davantage au pragmatisme qu’à l’idéalisme. On ne sera pas plus avancé si la gratuité scolaire aujourd’hui doit obérer la scolarité des étudiants de demain.

Peut-être faut-il un regard extérieur, moins obnubilé par l’émotion, pour une analyse réaliste de la situation. On me pardonnera de faire un crochet par l’Ontario, mais j’ai trouvé que Konrad Yakabuski réussit très bien à situer le dégel dans le contexte économique (Globe and Mail : A province on the edge of a financial precipice). À ce sujet, on ignore pour le moment comment André Boisclair entend financer les 1,1 milliard $ qu’il entend injecter en éducation, ni les 2,4 milliards $ dans les autres secteurs.

Quoique j’applaudis la volonté politique du PQ d’investir dans l’éducation, je m’attriste de voir un jeune chef manquer de tant de vision éducative. La plupart des mesures proposées ne constituent que du rapiècement pour un système scolaire qui se désagrège. On n’y trouve pas un sou pour les nouvelles technologies de la communication, sans doute la lacune la plus criante, tout comme dans les engagements du Parti Libéral. L’embauche de conseillers pédagogiques, par ailleurs, est une vieille solution qui ne fait que renforcer la structure caduque des commissions scolaires. La formation professionnelle, pour sa part, maintient son statut marginal. Enfin, on notera l’oubli comptable des « 750 millions de dollars de plus dans l’entretien et l’amélioration des écoles primaires et secondaires » au chapitre des impacts budgétaires.

Cela dit, l’accès à l’université doit être garanti pour tous. C’est un droit fondamental d’équité sociale. Sur le plan économique, par ailleurs, l’éducation est d’abord et avant tout un investissement social plutôt qu’une dépense. D’autre part, il est malsain de toujours compter sur un État providence. Les individus doivent apprendre à assumer leurs choix et leurs responsabilités citoyennes. On évalue à environ 15 000 $ (un peu moins au Québec) le coût annuel des études universitaires, soit de 45 000 à 100 000 $ selon leur durée (Globe and Mail : Beyond tuition, it’s hard to balance books). Or, un diplôme universitaire rapporte en moyenne 23 000 $ de plus par année selon un rapport (RTF) américain. L’investissement personnel vaut la peine, d’autant plus que la gratuité n’est pas connue pour assurer la meilleure qualité des cours.

En attendant que l’État soit assez riche pour offrir une université gratuite et de qualité, il doit faire davantage pour alléger le fardeau financier des étudiants. Notre jeunesse vaut bien l’industrie. Elle mérite la créativité comptable et fiscale dont profitent les entreprises. Les experts feront mieux que moi, mais il semble qu’on pourrait envisager des prêts sans intérêt ou à faible taux, amortis sur une plus longue période, ou des allégements fiscaux le temps de leur remboursement.

Dans un monde où l’argent répond malheureusement de tout, il est nécessaire que les jeunes se forment à l’économie. Une meilleure compréhension des enjeux globaux reliés à leur éducation ferait peut-être en sorte de conscientiser les jeunes à la réalité. Tôt ou tard, ils y seront confrontés. C’est le dur rite de passage adulte de nos sociétés industrielles.

(Image thématique : Money Maze, par Neale Osborne)


Par ricochet :

Le coût de l’ignorance

La rentabilité des universités

Le mariage des universités et des corporations

Capitaliser la recherche universitaire

La valeur monétaire d’un diplôme universitaire

Frais universitaires remboursés en échange de sédentarité

La valeur économique de la littératie

Vous pouvez suivre les commentaires en réponse à ce billet avec le RSS 2.0 Vous pouvez laisser une réponse, ou trackback.

4 réponses

  • François, dans quel comté te présentes-tu que j’aille voter pour toi ? Pas besoin d’une banière de parti éculé : tes idées sont trop logiques, non entachées d’un quelconque lobby de ci ou de ça, de gauche ou de droite, du Nord ou du Sud…

    Tu as mon vote :-)

  • Tu as le mien aussi.

  • Margot Fortin dit :

     »A province on the edge of a financial precipice » ne représente pas seulement le contexte économique des universités mais est le portrait global de l’économie du Québec. Cet article représente le spectre du désastre économique qui devrait toucher le Québec dans un futur proche.
    Et comme l’avenir du Québec passe par l’éducation, on ne peut faire autrement que de dégeler les frais de scolarités, parce que bien que l’on a tendance à l’oublier, les universités québecoises connaissent un réel problème de financement. L’idéal je crois serait de mettre sur pied un système de bourse plus performant afin de financer en partie les frais de scolarités pour les moins nantis.

  • C’est effectivement une solution intéressante.



Laisser un commentaire

*