La valeur économique de la littératie


Combien coûte l’ignorance? Très cher, évidemment. Un rapport de la firme KPMG évalue les coûts annuels pour l’Angleterre et le Pays de Galles à près de 2 milliards de £ (4,2 milliards $ CDN) seulement pour la littératie (BBC: Reading scheme ‘saves taxpayer’). Cela représente environ 180 $ (CDN) pour chaque foyer, dont une partie seulement, au fil des ans, garnirait une bibliothèque. L’étude (The long term costs of literacy difficulties ; PDF) donne raison au programme Every Child a Reader qui vient en aide aux enfants des milieux défavorisés. En termes économiques, l’étude évalue le retour sur l’investissement, étalé sur 31 ans, à 1 700 %. Et c’est sans compter la joie, l’émerveillement, l’épanouissement, la synergie collective, absolument inestimables, qui jaillissent de la lecture.



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12 réponses

  • Sans aucunement vouloir minimiser les bienfaits de la littératie, j’aimerais noter qu’un retour de 1 700 % sur 31 ans revient à moins de 10 % par année (composé). Ce qui, à long terme, n’est tout de même pas mal; peu de placements peuvent ce targuer de garder une si bonne moyenne.

  • Merci pour la référence ! Dans ma boîte à citation, il y en une qui dit, de mémoire:  » Si vous croyez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance juste pour voir ». C’est ce qui m’est d’abord venu en tête en lisant ton billet. Et puis, je suis de ceux qui sont convaincus qu’il y a là chez nous, au Québec, une situation de crise au regard de la littéracie. Les taux de réussite en lecture sont catastrophiques à bien des endroits, dès la fin du 1er cycle du primaire. Plutôt que de s’en préoccuper de façon très urgente, on s’apprête à mobiliser des ressources et des énergies importantes pour implanter un nouveau programme d’éthique et de culture religieuse. Pensons-y, un cours d’éthique et culture religieuse au 1er cycle du primaire, alors que plein de petits peinent à lire… Compte-tenu de l’importance des enjeux sociaux liés à ça et l’impact des problèmes en lecture sur le cheminement scolaire, les risques élevés d’exclusion scolaire et sociale qui suivent immanquablement, il faut être myope du coeur pour se consacrer à autre chose que ça. Et vive l’anglais en 1ère année !!!

  • Luc Papineau dit :

    M. Le Neuf,

    J’enseigne le français depuis 14 ans et je demeure convaincu que nous formons davantage d’analphabètes fonctionnels que les chiffres du MELS ne le révèlent. Je ne blâme pas les jeunes, je pointe surtout du doigt ceux qui nous imposent des programmes sans s’occuper de la situation sur le terrain ou qui refusent de se remettre en question.

  • Les compétences en littératie sont assurément les plus fondamentales en éducation, car elles ouvrent tant de portes. Ce qui n’empêche pas un expert en langues comme Marc André d’être calé en math ;-)

    En raison justement de son importance, la lecture surtout (et l’écriture ensuite) ne peut pas être uniquement une responsabilité scolaire. Dans le contexte actuel des sociétés industrialisées, la lecture est en baisse dans plusieurs pays. L’école ne saurait être responsable de tous les maux. Tâchons d’attaquer le problème sous plusieurs angles. Il faut la participation et une politique concertées qui impliquent les gouvernements, les éducateurs, les parents et les organismes communautaires.

    Contrairement aux disciplines scolaires plus spécialisées, la lecture est une compétence au primaire pour laquelle quasiment tous les parents sont aptes à aider les enfants. Il faut en profiter. Personnellement, j’ai toujours trouvé que l’école n’insiste pas assez sur la lecture lors des rencontres de parents. Ce n’est pas normal que l’on parle plus longtemps des bulletins que des compétences fondamentales là où les parents peuvent apporter leur soutien. Par ailleurs, une gestion intelligente des devoirs devrait faire une plus grande place à la lecture.

    D’abord et avant tout, il faut valoriser la lecture. Commençons par regarnir les bibliothèques, tant scolaires que de quartier. Il faut aussi que les bibliothèques innovent dans la circulation des livres. Ce n’est pas normal que tant de livres jeunesse traînent sur les rayons des bibliothèques. Si les jeunes ne vont plus à la bibliothèque, il faut que la bibliothèque aille à eux. Quand ils auront découvert les joies de la lecture, ils finiront bien par y aller d’eux-mêmes.

    En ce sens, l’intention du gouvernement britannique de donner des livres aux enfants du primaire est une excellente initiative (BBC: Chancelor gives books to pupils).

  • steve bissonnette dit :

    La littéracie (lecture) est le domaine sur lequel la recherche a produit le plus de travaux au cours des 40 dernières années. La publication du National Reading Panel qui a analysé + de 100,000 recherches constitue un bon exemple. Le numéro spécial dans la revue des sciences de l’éducation à l’automne 2003 également.

    Cependant malgré cette montagne de résultats il y a encore des débats idéologiques qui font en sorte que des interventions efficaces ne sont pas mises en place auprès des élèves à risque.

  • Je ne croyais pas le nombre d’écrits aussi faramineux. Merci à M. Bissonnette pour cette précision. Les élèves à risque sont effectivement ceux qui nécessitent le plus d’attention et de ressources. Le problème avec les modèles préconisés dans une optique systémique, peu importe l’approche dont on se proclame, c’est qu’aucune ne saurait convenir à tous les élèves. Pour une question aussi essentielle que la littératie, la majorité ne suffit pas; il n’y a que la totalité qui compte. Chaque enfant qui échoue est une perte.

    Pour ma part, une approche qui ne tient ni compte de l’individualité de l’apprenant ni de son entourage ne saurait être efficace. Évidemment, cela s’applique tout autant à la réforme actuelle qui est imposée dans une perspective systémique plutôt qu’individuelle. Le soi-disant paradigme de l’apprenant ne saurait souffrir des recettes pédagogiques uniformes.

  • Le nombre de recherches portant sur la lecture et, plus largement, sur la littéracie, est effectivement énorme. Par ailleurs, il semble que malgré tout, les plus grands ouvrages des dernières années pointent à peu près tous dans la même direction, soit celle indiquée par l’étude du Reading Panel que papporte M. Bissonnette. Je me cite moi-m^me, si tu le permets:

    « J’ai devant moi une série de rapports de recherches qui traitent de l’apprentissage de la lecture. Tous ces rapports ont en commun le fait d’être assez récents, d’avoirs été produits par des experts indépendants, lesquels étaient mandatés par les plus hautes instances gouvernementales des pays d’où ils originent. Est-ce étonnant, surprenant, prévisible, je ne sais trop, mais la plupart de leurs recommandations convergent.

    Que je lise le National Inquiry into the teaching of Literacy, commandée par le gouvernement Australien, l’Independent Review of the Teaching of Early Reading, commandée par le gouvernement britannique le National Reading Panel Report, commandée par le Congrès des Étas-Unis ou, plus près de chez nous, le Rapport de la Table Ronde des Experts en Lecture, commandée par le gouvernement Ontarien, à très peu de nuances près, tous recommandent un retour nécessaire des approches syllabiques systématiques et bien structurées en début d’apprentissage en pointant du doigt les déficiences des approches globales ou semi-globales et leurs effets plus que mitigés auprès des clientèles à risque et pour les jeunes issus de milieux défavorisés. »

    Par ailleurs, je partage le point de vue de M. Bossonnette quand il nous dit que devant tant d’évidences,devant l’état actuel des choses, on ne peut se payer le luxe de débats idéologiques autour de cette question, car il y a là une situation de crise qui demande d’agir.

    D,autre part, il reste qu’il y a une façon de faire. En France, le ministre de l’Éducation a traqnché en faveur des approches syllabiques. Il l’a imosé, et Dieu sait comment le débat sur cette question a dérapé. Pourtant, le ministre avait une position très proche de celle de M. Bissonnette: il y a suffisamment d’évidences, la recherche est claire, les données sont là, à l’appui. Pour lui, pas question de débat idéologique. Imposer l’approche syllabique dès le début du primaire, c’est prendre ses responsabilités.

    Alors je me dis que oui, il faut bouger. Mais il faut encore penser au comment. Après ce « renouveau-ci », je ne pense pas que les enseignants vont avoir envie de recevoir encore quelque chose d’en haut. Non seulement, je crois, auront-ils développé une aversion pour les « théories » de l’apprentissage proposées par les réformistes et les méthodes qui viennent avec, mais auront étendu cette méfiance à tout ce qui ne vient pas du collègue de la classe à côté.

    T’en penses quoi François ?

  • Il me semble que nous ne pourrons plus faire longtemps l’économie d’une remise en question de notre système orthographique. On voit depuis longtemps que celui-ci présente d’énormes inconvénients sur le versant de l’écriture. Nous devons admettre à présent qu’il pose aussi des problèmes spécifiques sur le versant de la lecture. Je m’étonne que d’éminents linguistes comme Claude Hagège attirent notre attention (à juste titre, me semble-t-il) sur le déclin historique du français, sans proposer grand chose (à ma connaissance, mais peut-être que je me trompe)concernant la simplification du système orthographique qui pourtant complique bien les choses.

  • steve bissonnette dit :

    Certaines études américaines ont démontré qu’en utilisant un enseignement explicite associé à un enseignement intensif et en plus petit groupe voir même du 1-1, pour l’enseignement du décodage avec les élèves permet à 95% de ceux-ci d’apprendre le tout.

    Il reste tout de mëme un 5% dÉlèves qui semblent bénéficier de mesures encore plus importantes afin d’apprendre le décodage (intensification et tutorât de plus longue durée)

  • Pour répondre à la question de “Michel”, n’aime pas beaucoup débattre de la théorie de l’apprentissage d’un point de vue systémique. En tant qu’enseignant, je suis davantage préoccupé par les individus. Je trouve d’ailleurs que les systèmes sont généralement assez écrasants. Mais je n’aime pas esquiver une question.

    Ma réponse se résume à ceci: il y a des limites à ce qu’un menuisier peut bâtir avec seulement un marteau. Par conséquent, un enseignant doit maîtriser plusieurs méthodes pédagogiques de façon à trouver celle qui correspond au besoin d’un élève qui éprouve des difficultés.

    Dans le cas de la littératie, comme pour le reste, il est aberrant d’écarter une méthode si son efficacité est démontrée. Si l’approche syllabique s’avère plus efficace auprès des élèves en difficulté, il est urgent de former les enseignants aux modalités de son application. L’imposer, par contre, relève de l’autocratie stupide. Je conçois mal qu’un haut fonctionnaire, derrière son bureau, puisse mieux juger qu’un enseignant de ce qui est mieux pour l’élève que ce dernier accompagne. À la condition, bien sûr, que celui-ci ait plus d’une corde à son arc.

    Michel a raison de ramener le débat à la réalité du terrain. Peu importe les querelles idéologiques, il reste dans les faits que les professionnels sont réfractaires aux ukases. Dans la classe, ils font généralement ce dont ils sont convaincus.

    Dans un système aussi énorme que l’éducation, il n’y a pas de solutions gratuites aux problèmes graves. On ne réglera pas les carences en littératie sans une injection de fonds du gouvernement. Dans cette éventualité, il peut y avoir plusieurs solutions:

    1. Prévoir des mesures de soutien et de tutorat pour les élèves à risque, comme le souligne Steve Bissonnette.

    2. Former les enseignants des premiers cycles du primaire aux diverses méthodes de lecture jugées efficaces (de même que pour l’écriture, comme le suggère Christian Jacomino).

    3. Alléger la tâche d’enseignement des professeurs du début du primaire afin qu’ils se réunissent. Il faut amener les professeurs à coopérer plutôt qu’à s’isoler. Ce temps pourrait être utilisé tant pour la formation que l’étude de cas d’élèves ou la planification de stratégies pédagogiques.

    4. Mettre en place des mesures pour promouvoir la lecture à la maison, de préférence avec la participation des parents.

  • « il y a des limites à ce qu’un menuisier peut bâtir avec seulement un marteau »

    Comme disait un ami à moi: » Quand on a juste un marteau pour travailler, on a tendance à transformer tous nos problèmes en clous » ; ))

  • Excellente réplique! Je la retiens celle-là.



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