Les difficultés de synthèse au primaire


Alors que les élèves du primaire éprouvent une certaine facilité à mémoriser de l’information et à la répéter (apprentissage par coeur), il en va autrement du transfert de connaissances à d’autres tâches (Eide Neurolearning Blog : Mind Games Harder for Kids). C’est du moins ce que conclut une étude (PDF) du Center for Mind and Brain de l’Université de la Californie à Davis. Il se trouve que les enfants de 8 à 12 ans sont fortiches pour répéter l’information qu’ils absorbent, mais éprouvent de la difficulté à l’analyser ou à l’utiliser dans un autre contexte.

Le phénomène s’étend certainement au-delà du primaire. Au début du secondaire, j’ai constaté que les élèves s’en remettent beaucoup à leur mémoire pour apprendre. À 14 ans, mes élèves n’ont aucune difficulté à identifier les principales aires d’interaction en lien avec un sujet, mais ils piochent à concevoir l’interaction entre les différentes aires.

Plusieurs enseignants, particulièrement au secondaire, ne réalisent pas que le cerveau des élèves diffère de celui des adultes. Cette distinction aide certainement à mieux comprendre les jeunes et, par conséquent, à être meilleur pédagogue.


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5 réponses

  • « j’ai constaté que les élèves s’en remettent beaucoup à leur mémoire pour apprendre. »

    J’ai souvent entendu des collègues s’en plaindre, particulièrement en mathématique. J’ai souvent entendu ces derniers dire, grosso modo:  » Cet élève a des résultats acceptables, mais il apprend tout par coeur, sans rien comprendre. Il ne pourra pas maintenir de tels résultats en 4è et 5è. Car en 4 et 5, tu ne peux pas réussir juste avec le par coeur ».

    « Plusieurs enseignants, particulièrement au secondaire, ne réalisent pas que le cerveau des élèves diffère de celui des adultes. Cette distinction aide certainement à mieux comprendre les jeunes et, par conséquent, à être meilleur pédagogue. »

    Je ne suis pas certain de bien comprendre ce paragraphe, François. Est-ce à dire que pour les élèves de 8 à 14 ans, disons, les difficultés à analyser et faire des transferts sont liées au développement du cerveau?

  • « j’ai constaté que les élèves s’en remettent beaucoup à leur mémoire pour apprendre. »

    Ce que tu dis, André, au sujet des savoirs mémorisés, par opposition à compris, est effectivement une stratégie d’adaptation scolaire adoptée par certains élèves. En deuxième secondaire, cependant, je constate que les élèves prennent très peu de notes, se contentant de mémoriser l’information. C’est à ce phénomène que je faisais allusion.

    « Est-ce à dire que pour les élèves de 8 à 14 ans, disons, les difficultés à analyser et faire des transferts sont liées au développement du cerveau? »

    C’est effectivement ce que laisse entendre l’étude. Le cortex préfrontal est reconnu pour être le siège du jugement et des raisonnements complexes. Or, il est la dernière partie du cerveau à atteindre la maturité de croissance. Par conséquent, il est normal que des raisonnements plus complexes, comme le transfert des connaissances et la synthèse dépendent du développement du cerveau.

    Afin d’aider les élèves, les Drs Eide recommandent d’appuyer les apprentissages au moyen de supports visuels et écrits, histoire de libérer la mémoire de travail.

  • Normand Péladeau dit :

    Au delà de la fascination que l’on peut avoir pour ce genre d’étude sur le cerveau, il faut garder à l’esprit que leur contexte d’application est souvent très limité et que ces études sont très peu utiles pour prescrire ou prédire mais sont souvent utilisé pour expliquer des phénomènes que l’on connaît déjà et qui ont été documentés au niveau comportemental.

    L’étude en question ne porte absolument pas sur le transfert des apprentissages mais sur la capacité de manipulation en mémoire de travail. Vous n’êtes pas sans savoir que la question du transfert des apprentissages m’intéresse au plus haut point, et je crois bien avoir lu l’ensemble des livres publiés sur la question (pas plus d’une dizaine). De l’ensemble des études sur la question, je ne connais aucune étude neurocognitive ayant contribué à faire augmenter les connaissances sur la question. Ce type d’étude nous permet dans certains cas de mieux comprendre les mécanismes neurologiques sous-jacents aux phénomènes déjà identifiés mais très rarement les recherches neurocognitives ne mettent à jour de nouveaux phénomènes qui ne sont pas déjà connus.

    Dans ce grand classique de la psychologie cognitive (1989), les auteurs discutent de la question de la mémoire de travail. Une des conclusions que l’on peut retenir de ces travaux est que le travail en mémoire de travail (qui est fort limité dans sa capacité de traitement) et le transfert d’apprentissage se trouvent grandement facilités si les éléments qui y sont manipulés ont été préalablement automatisés. En fait, la conclusion de ces auteurs était à l’effet que si l’on soumet les élèves à des tâches complexes sans avoir appris par coeur les éléments à manipuler, alors la résolution du problème complexe ne pourra se faire que difficilement et, paradoxalement, la solution devra être apprise par coeur. Si au contraire, les éléments sont bien appris et automatisés, la résolution de problèmes complexes sera beaucoup plus facile et le transfert plus grand. Ce paradoxe avait déjà été documenté par Rudolf Flesch en lecture. Il avait constaté que l’apprentissage et l’automatisation d’au plus une quarantaine de correspondances graphophonétiques était suffisant pour permettre à l’enfant de lire tout texte. En revanche, l’apprentissage par le Whole Language, qui visait à éviter la mémorisation d’éléments dénués de sens, nécessite un effort gigantesque de mémorisation au niveau des mots entiers et un résultat final inférieur (les élèves ne peuvent souvent pas lire un mot qu’ils n’ont jamais rencontré) .

    Singley, M. K. & Anderson, J. R. (1989). Transfer of Cognitive Skill. Cambridge, MA: Harvard University Press.

  • Normand Péladeau dit :

    Oups! La référence au texte de Singley et Anderson (1989) est disparue et il ne reste plus que la date.

  • Croyez-le ou non, j’avais intitulé le brouillon de ce billet « Les difficultés de la mémoire de travail au primaire ». Ce n’est qu’au dernier instant que j’ai changé le titre, d’une part pour être plus fidèle au billet du Eide Neurolearning Blog, mais aussi parce que je n’étais pas certain que le concept de mémoire de travail serait clair pour tout le monde.

    Merci de rectifier les faits, M. Péladeau, et surtout d’apporter tant de précisions sur la mémoire de travail. L’étude de Singley et Anderson est effectivement très intéressante et corrobore mes convictions à l’effet que certains apprentissages de base doivent être maîtrisés avant de passer à des apprentissages plus complexes.



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