Pourquoi y a-t-il moins de décrochage au Québec ?


Un commentaire laissé sur un blogue n’est pas le meilleur moyen d’interroger la communauté. D’abord parce qu’un blogue n’est pas principalement un espace de discussion. Ensuite, les fils RSS des commentaires n’ont pas la portée du courrier électronique (en éducation du moins). Les listes de discussion, d’un autre côté, servent précisément à cela ; les gens qui s’y abonnent sont plus enclins à offrir leur aide. Voyons tout de même s’il n’y a pas lieu de jeter une passerelle entre ces deux canaux de communication au sujet d’une question posée par un lecteur sur ce blogue.

Dans un récent billet, Luc Papineau attirait mon attention sur un article paru dans Le Devoir qui fait état de l’importante diminution du taux de décrochage au Québec ces quinze dernières années, tout en lançant un appel pour savoir si quelqu’un connaissait les raisons de ce phénomène. Je reproduis ci-dessous la plus grande partie du commentaire en question :

    Le taux de décrochage scolaire au secondaire a «considérablement» diminué depuis le début des années 90, indique une recherche publiée par Statistique Canada. Ce taux est passé de 16,7 % durant l’année scolaire 1990-91 à 9,8 % pour l’année 2004-05 La diminution touche aussi le Québec, où il est passé pendant cette période d’environ 17 à
    12 %.

    Quelqu’un a une idée de la cause de ce phénomène?

La question est malheureusement restée sans réponse. Je ne m’en étonne pas. Je suis persuadé qu’elle saura mieux trouver réponse sur la liste edu-ressources (inscrivez-vous ici), ce que je m’apprête à faire. Dans la mesure où j’obtiendrai leur assentiment, je tâcherai de reproduire ci-après les réponses des participants à la liste.

Il est étonnant, par ailleurs, que la liste edu-ressource ne convertisse pas ses archives en blogue. On disposerait ainsi d’une salle parallèle de débat pour certaines questions qui ont dégénéré en polémiques et qui ont tant irrité certains abonnés de la liste de discussion, au point où plusieurs ont préféré se désister.

Pour répondre à la question posée, je crois que plusieurs causes ont contribué à la diminution du décrochage scolaire au Québec ces dernières années. Ayant navigué ces eaux troubles (le changement est toujours trouble, n’est-ce pas ?), voici quelques éléments de réponse :

• Les jeunes sont plus que jamais conscients de l’importance d’un diplôme pour assurer leur avenir. Les nouvelles technologies de l’information ne sont pas étrangères à une meilleure connaissance des problèmes sociaux. Les parents contribuent également à cette perception.

• Les programmes de formation font une plus large place aux savoir-faire, et pas seulement aux connaissances déclaratives. La diversification des apprentissages scolaires au-delà du par coeur est plus sujet à répondre aux besoins de l’ensemble des élèves, et plus particulièrement ceux qui sont vulnérables au décrochage.

• Les pratiques pédagogiques se modernisent. Un vent de changement souffle sur l’éducation, et les nouvelles technologies de l’information ne sont pas étrangères à l’amélioration des pratiques enseignantes, quoi qu’on en dise. Il se trouve seulement que ces changements sont diffus et pas toujours perceptibles. La diversification des méthodes pédagogiques a soulevé des expériences et des discussions très profitables, à long terme, dans les écoles.

• La diminution du redoublement fait en sorte que les élèves à risque acceptent mieux l’école.

• Les milieux scolaires sont de plus en plus sensibles au coût social du décrochage. Par conséquent, des moyens ont été pris pour combattre le décrochage, notamment des interventions plus hâtives, un suivi plus étroit avec les parents, et des mesures d’appoint plus élargies (tels que les cours d’été).

Certains allégueront que les exigences de passage ont été abaissées. C’est une accusation qu’on a entendue plusieurs fois. Personnellement, ce n’est pas quelque chose que j’ai observé. Je dirais plutôt que les professeurs ont une connaissance plus holistique de l’évaluation et que leur jugement s’exerce de façon plus critique.


Par ricochet :

Une allocation pour contrer le décrochage

Décrochage scolaire à la hausse


Le redoublement : bienfait ou catastrophe (L’Infobourg)

Du nouveau dans la prévention du décrochage scolaire (L’Infobourg)

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4 réponses

  • La question que je me pose est plutôt «Pourquoi la diminution du décrochage est-elle moins importante que dans le reste du Canada?»

    En comparant les situations au Québec et à l’extérieur, nous pourrions peut-être avoir une idée de qu’est-ce qui «marche» et non (un diagnostique différentiel, quoi).

  • Commentaire de Patrick Giroux, publié sur la liste edu-ressources (reproduit avec la permission de l’auteur) :

    Bonjour,

    Il convient aussi d’envisager la mesure comme cause possible. Les critères
    de catégorisation des répondants peuvent avoir légèrement changé entre le
    début des années 1990 et aujourd’hui. Un changement subtil quant à la
    définition de ce qu’est le décrochage suffirait à expliquer une différence.
    Le rapport de Statistiques Canada devrait normalement fournir plus
    d’information à ce sujet, mais l’article de journal ne relatera pas ces
    différences…

    Avant de chercher des explications, je vérifierais l’étude originale pour
    m’assurer de ses qualités et caractéristiques.

  • Commentaire de Normand Péladeau, publié sur la liste edu-ressources (reproduit avec la permission de l’auteur) :

    « Quelqu’un a une idée de la cause de ce phénomène? »

    Question intéressante. Mais par souci d’honnêteté, je crois qu’il ne faut pas rejeter aucune hypothèse a priori (y compris celle voulant que les exigences aient diminué).

    Il faut également remarquer que ces changements sont pour tout le Canada, alors l’interprétation devrait tenir compte de changements qui seraient survenus à la grandeur du pays ou dans une majorité de provinces.

    Une deuxième question pourrait être pourquoi le changement observé au Québec est plus faible qu’ailleurs au pays. Cette différence est-elle significative? Dispose-t-on des données sur les changements pour l’ensemble des provinces?

    Pourquoi ne pas mettre la main sur l’étude dont il est question? J’image que les chercheurs de Statistiques Canada ont avancé des hypothèses pour expliquer ces résultats? S’agit-il uniquement d’un changement dans les critères utilisés pour mesurer ce taux de décrochage?

    Normand Péladeau
    Recherches Provalis

  • Commentaire de Normand Péladeau, publié sur la liste edu-ressources (reproduit avec la permission de l’auteur) :

    Voici le lien pour l’étude en question.

             http://www.statcan.ca/francais/freepub/81-004-XIF/2005004/drop_f.htm

    La définition de Statistique Canada est une personne de 20 à 24 ans n’ayant pas de diplôme d’études secondaires et n’étant pas aux études.

    On retrouve sur le site les changements par provinces, des comparaisons internationales et autres.

    Quant à l’interprétation de ces données, voici les hypothèses de l’auteur de l’étude:

    L’importante diminution du taux de décrochage au cours de la dernière décennie porte à croire que beaucoup de programmes mis en place pour encourager les jeunes à terminer leurs études connaissent du succès. Des programmes sont également offerts aux décrocheurs pour leur donner une seconde chance d’obtenir leur diplôme d’études secondaires. Il y a lieu de penser que la participation à ces programmes dépend en partie de l’expérience des jeunes décrocheurs sur le marché du travail, qui ont rencontré des difficultés concrètes à trouver un emploi stable et à long terme accompagné d’un salaire décent.

    Normand Péladeau
    Recherches Provalis



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