Lecture d'été pour les élèves


Plusieurs universités américaines ont cette tradition intéressante d’imposer une lecture obligatoire aux étudiants pendant l’été. Michael Arnzen en a fait l’objet d’un récent billet. L’idée mérite de gagner les autres degrés d’enseignement. Quoique je m’oppose aux lectures obligatoires qui n’aboutissent généralement qu’à une analyse stérile, je fais une exception cette fois, comme il s’agit d’une lecture d’été. Je suis d’avis que les avantages éclipsent les inconvénients. …

L’attrait pédagogique d’une lecture estivale commune est évident. D’une part, c’est un moyen, en début d’année, de rapprocher tous les élèves et les enseignants autour d’un même sujet. Ensuite, c’est une façon d’amorcer l’année en faisant valoir la nature multidisciplinaire d’un sujet. C’est aussi l’occasion rêvée d’approfondir un livre et de montrer aux élèves que les pages recèlent des idées insoupçonnées, et ainsi donner le ton pour les mois à venir. Idéalement, on tâchera d’obtenir de l’auteur qu’il vienne donner une conférence et répondre aux questions des élèves.

Évidemment, le choix du livre est de la plus haute importance. Le sujet doit être actuel, avec un soupçon de controverse, et se prêter à l’interdisciplinarité. Dans le cadre du nouveau programme de formation de l’école québécoise, cela devrait être une invitation pour les disciplines de faire un lien avec les domaines généraux de formation. De toute évidence, les blogues scolaires pourraient être mis à contribution.

Malheureusement, les restrictions sur la facture scolaire rendent un tel projet irréalisable dans les écoles publiques. Je peux seulement espérer, pour le bénéfice des élèves, que quelques écoles privées tenteront l’expérience. On dit que Pierre Élliot Trudeau imposait six lectures obligatoires à ses fils tous les étés, avec comptes-rendus. Naturellement, ils ont fréquenté l’école privée.


Par ricochet :

L’importance de la lecture

Les blogues au secours de l’écriture

Lire pour le plaisir et pour apprendre

Lecture et blogs d’élèves

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6 réponses

  • Personnellement, je suis contre la lecture obligatoire durant l’été car normalement, un été est fait pour se reposer et ne pas trop penser à l’école. Je suis presque certain que ma réaction sera la même pour la plupart des élèves. Par contre, il est vrai que cela a plusieurs points positifs.

  • Bon… je ne m’attendais pas à ce que les élèves soient délirants de joie à l’idée d’une lecture d’été ;-)

    Dis, Jules… est-ce que tu crois que la proposition serait plus acceptable si elle avait pour effet d’alléger le lot de lectures imposées durant l’année scolaire ?

    Ta défense, selon laquelle un « été est fait pour se reposer », en dit long sur l’école. D’une part, cela suppose que l’école est une corvée (constat que je seconde, malheureusement). Mais cela sous-tend également que l’apprentissage est aussi une corvée. N’y a-t-il pas des apprentissages qui peuvent se faire dans un contexte agréable ? D’autre part, cela suppose que la lecture est également une corvée. Cette pensée est encore plus désolante.

  • «Lire, c’est choisir, ou, si vous préférez, d’un mot qui se gravera lire, c’est élire. C’est élire, et c’est élire à tous les degrés.
    C’est parmi tous les livres qui paraissent chaque année et qui encombrent les vitrines de nos librairies, choisir ceux qui sont susceptibles d’intéresser et qui contiennent pour nous un message qui peut s’adapter à nous et nous enrichir.
    C’est parmi les appelés, choisir quelques élus que nous gardons auprès de nous et qui seront non amis.
    C’est parmi ces élus, et dans ces élus choisir quelques chapitres préférés sur lesquels nous aimerions à revenir afin de nous en assimiler la vérité.
    Je vais plus loin (et c’est dans ces derniers choix, dans ces dernières éliminations que se reconnaissent les vrais liseurs), lire, c’est encore élire une page qui nous apporte le suc d’un chapitre, la relire, la reprendre, l’apprendre même, la confiant à son coeur, c’est-à-dire à son goût et à sa mémoire.»
    Jean Guitton, Nouvel Art de Penser, Aubier, p.52.

  • André Chartrand dit :

    Bonsoir François,

    Si vous me permettez… Je ne suis pas certains que la défense de Jules suppose que la lecture est une corvée. Quelquefois, ce n’est pas l’activité elle-même qui est une corvée, mais le fait qu’elle soit imposée. Je me rappelle qu’un été, j’ai lu deux Sartre, un Camus et quatre Simone de Beauvoir. J’ai été ravi par ces lectures, surtout les mémoires de Simone de Beauvoir.

    Si mon employeur m’avait imposé ces lectures, j’aurais refusé tout net, quels que soient les arguments utilisés. Si on m’avait contraint à ce programme de lecture pendant mes «vacances » je n’aurais probablement jamais autant apprécié et pris plaisir à lire Simone de Beauvoir. Pour moi, les vacances ce n’est pas ne rien faire. Les vacances c’est seulement faire plus librement, sans contrainte, sans échéance. C’est en cela que je suis d’accord avec Jules.

    Par ailleurs, je suis partisan du « faire autre chose ». Pour ma part, je touche peu à la chose scolaire pendant mes vacances. Il y a là quelque chose de thérapeutique pour moi. Cela me permet de reprendre l’année scolaire avec une énergie renouvelée, mais surtout avec ce que certains maîtres zen appellent un esprit neuf.

    J’ajouterai qu’en ce qui concerne les apprentissages, je suis sûr que vous savez comme moi qu’ils ne se font pas uniquement par la lecture et qu’ils ne sont pas uniquement de nature académique. Certains apprentissages se font même mieux ailleurs je crois. Apprendre à partager des moments d’intimités avec des amis se fait mieux autour d’un feu que dans un livre de psycho-pop. Et une fois qu’on a fait cet apprentissage, il est heureux de susciter des occasions de vivre ce partage. Dans cette expérience, aucune intention d’apprentissage, mais aucun moyen d’y échapper non plus.

  • François, je pense que je me suis mal exprimé. J’aime apprendre et j’adore lire. Mais qui dit lecture obligatoire durant l’été, dit presque à coup sûr compte-rendu à remettre, donc devoirs durant l’été (et évidemment, lorsque la lecture est imposé, c’est un peu moins agréable comme le dit M. Chartrand). C’est ceci qui me déplait le plus car durant l’été, nous ne voulons pas trop consacrer de temps aux devoirs…

    Par contre, s’il n’y aurait qu’une petite discussion en début d’année sur ce livre, personnellement, je serais d’accord.

    Ce qui serait amusant aussi, c’est que l’on puisse choisir le (ou les) livre(s) que nous voudrions lire. Je pense aussi que cela augmenterait notre intérêt.

  • Oh.. la…la ! Je savais bien que cette proposition allait m’attirer la foudre. Tâchons tout de même de dissiper les nuages en quête d’une échappée. De lumière, j’entends.

    Pour rassurer Gilles, je suis opposé aux lectures imposées. J’ignorais ce passage de Guitton, que je conserve précieusement. Je le relancerai avec celui-ci de Daniel Pennac : « Le verbe lire ne supporte pas l’impératif. Aversion qu’il partage avec quelques autres : le verbe ‘aimer’… le verbe ‘rêver’… ». Jules me sera témoin que les lectures que je demande des élèves ne sont jamais obligatoires, pas même dans le cours d’English Language Arts.

    Néanmoins, j’évite les absolus. Quand ce n’est pas un bandeau, c’est des oeillères. J’aime bien faire quelques entraves aux règles, mais seulement quand c’est justifié. Dans cette proposition que je fais, une fois n’est pas coutume. Une seule lecture guidée, dans toute une année d’apprentissage, il me semble que ce n’est pas une brimade, surtout si elle est faite dans une perspective réellement pédagogique (je dis pédagogique, et non écrasante) dans le but d’approfondir un sujet et le plaisir de la lecture. Et je réitère cette idée, importante selon moi, de rassembler les enseignants autour d’une activité multidisciplinaire en début d’année qui doit essentiellement reposer sur la discussion. Si tous les enseignants profitent de l’occasion pour y aller d’un travail écrit, alors on vient de tuer la poule aux oeufs d’or.

    Je m’en remets à mon expérience scolaire, bien malheureuse dans l’ensemble, mais sans laquelle je n’aurais pas découvert des livres qui m’ont transformé. Que dis-je, qui m’ont façonné. Ainsi, je porte Saint-Exupéry, la Fontaine, Cervantès, Zola, Jacob, Gide, Aragon, Packard, Unamuno — et j’en passe, bien sûr — jusque dans ma substantifique moelle. Pour toujours. Ils sont devenus mes vrais maîtres. Mais sans la sagacité de quelques professeurs lucides, plusieurs seraient restés dans l’ombre.

    Je suis convaincu qu’une seule lecture commune, dans l’année, en vaut la chandelle. Et puis, ça l’aura l’avantage d’élargir la pensée de certains enseignants.

    Enfin, je me range de l’avis de Jules et d’André, voulant que l’été soit mal choisi. L’école étant ce qu’elle est, je dois décrocher de mes nuages. Bon sang… que ça fait du bien de lire vos commentaires ! Sans doute la proposition est-elle plus acceptable si on la confine au début de l’année scolaire.



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