Motivation, plaisir et gratification

Quand les choses ne tournent pas rond en classe, il est trop facile de jeter le blâme sur les élèves. Avant de condamner ces derniers, ou la négligence de leurs parents, l’enseignant doit d’abord se demander s’il n’est pas en partie responsable de ses déboires. En ce qui me concerne, je réalise que j’aurais pu faire mieux. Cela n’absout pas entièrement les élèves, qui ont eux aussi leurs responsabilités, mais c’est un exercice d’analyse professionnelle qui contribue à améliorer ma pratique. À ce sujet, la théorie de la motivation scolaire me sert régulièrement. …

L’auteur qui m’a le plus influencé au regard de la motivation scolaire est Rolland Viau. Je retiens surtout les variables qui influencent l’apprentissage scolaire (variables relatives à l’apprenant, la famille, l’enseignant, l’institution, et la société) et son modèle de la motivation scolaire (cliquer sur l’image ci-dessous pour l’agrandir) qui repose essentiellement sur trois déterminants perceptuels : la valeur de la tâche, la compétence individuelle, et le degré de contrôlabilité sur la tâche. Ces notions me guident tous les jours.

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Néanmoins, il m’a toujours semblé qu’un déterminant était absent du modèle de Viau. Ce qui m’a amené à remettre le modèle en question est le fait que je réussissais à motiver tous les élèves à participer à une activité sans égard à la valeur de la tâche ou à la contrôlabilité — par exemple quand je jouais à Simon Says (Jean dit) avec les élèves du primaire. Il m’est apparu, alors, que la perception de plaisir était un déterminant extrêmement puissant. Cette intuition est confirmée, depuis quelque temps, grâce à tout l’intérêt qui est porté au jeu en tant que moyen d’apprentissage. Par conséquent, je m’inspire maintenant de quatre facteurs pour motiver les élèves.

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La perception de plaisir, toutefois, n’est pas une condition nécessaire à la motivation, quoiqu’elle possède l’avantage de pouvoir se substituer aux autres. Peut-être est-ce parce qu’elle est émotionnelle, tandis que les trois autres sont plus rationnelles. En soi, le plaisir a une portée universelle qui répond à un penchant naturel et instinctif.

À ce propos, Kathy Sierra nous signale que la gratification est plus efficace quand elle est distribuée à petite dose. Je retiens surtout ce petit bijou : « Intermittent, unexpected treats are more powerful than regurlarly scheduled expected treats. » Allez… ce n’est pas si difficile : un sourire par-ci, un compliment par-là, une surprise de temps à autre, et, pourquoi pas, un jeu pour égayer l’atmosphère.

Tout ça me rappelle à quel point j’ai bûché à l’école quand elle était sous la gouverne des religieux. L’apprentissage y était une chose extrêmement sérieuse. À croire que tout plaisir était synonyme de péché. Tâchons au moins d’épargner cette grisaille aux jeunes d’aujourd’hui.

Mise à jour, 24 juillet 2010 | Une étude de l’Université d’Hertfordshire indique que l’habileté d’un professeur à divertir les étudiants constitue un facteur d’apprentissage et de motivation à la présence en classe (AlphaGalileo: Entertain to Educate!).

Mise à jour, 29 août 2010 | J’ajoute le modèle de la motivation d’Eccles et Wigfield (2002), traduit par Devos et Dumay (2006) que me fait généreusement découvrir M.F. Noel dans un commentaire. Ce modèle intègre la perception de l’environnement social, un élément qui lie la motivation au contexte, un aspect si important de l’apprentissage.

Mise à jour, 29 décembre 2010 | Dans un article paru dans la revue Correspondance (2000, 5-3), Roland Viau aborde la question de la motivation sous un angle plus pratique, identifiant dix conditions pour motiver les élèves (Correspondance : Des conditions à respecter pour susciter la motivation des élèves) :

  • Être signifiante, aux yeux de l’élève
    • Être diversifiée et s’intégrer aux autres activités
    • Représenter un défi pour l’élève
    • Être authentique
    • Exiger un engagement cognitif de l’élève
    • Responsabiliser l’élève en lui permettant de faire des choix
    • Permettre à l’élève d’interagir et de collaborer avec les autres
    • Avoir un caractère interdisciplinaire
    • Comporter des consignes claires
    • Se dérouler sur une période de temps suffisante

  • Par ricochet :
    Impact des jouets sur le cerveau
    Lecture et jeux vidéo

    Étude sur les causes de l'intimidation

    Une étude sur l’intimidation, publiée dans la revue Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine, identifie quelques facteurs qui contribuent à l’intimidation chez les jeunes (ABC News : TV linked to bullying). Les facteurs en question sont l’environnement familial, la stimulation cognitive (incluant la lecture), le soutien affectif, ainsi que la télévision. (Merci à une de mes élèves, Marie-Audrey B., de m’avoir signalé la nouvelle.)

    Par ricochet :
    L’intimidation et les blogs
    Les ados, les blogs, et les bêtises

    Voir venir la pratique carnetière adolescente (Mario tout de go)