Les vertus du désordre


Le désordre est affaire de degrés. Sa nature varie selon qu’il s’agit du nôtre ou de celui des autres. Dans mon cas, je suis minutieusement rangé dans ma bibliothèque, mais mon bureau est un fouillis. Sur ce dernier point, je sacrifie volontiers l’apparence à l’efficacité. Mais le remords finit par me gruger. Or, je trouve le salut en apprenant que le désordre est souhaitable (New York Times: Saying Yes to Mess et The Secret Order of Disorder). Le désordre, au fond, n’est apparent qu’aux yeux des autres. D’où le désarroi d’une mère en s’aventurant dans une chambre d’ado, lequel ne comprend pas.

Studies are piling up that show that messy desks are the vivid signatures of people with creative, limber minds (who reap higher salaries than those with neat “office landscapes”) and that messy closet owners are probably better parents and nicer and cooler than their tidier counterparts.

[...]

Real life is very messy, but we need to have models about how that messiness works. His favorite example? His 15-year-old daughter Talia’s bedroom, a picture of utter disorder — and individuality

Au quotidien, l’ordre est d’abord et avant tout une question de méthode, un moyen plutôt qu’une fin. Dans cette perspective, le désordre est une stratégie d’efficacité. D’une part, le rangement dilapide le temps, surtout quand on aime étaler une panoplie de ressources. D’autre part, il referme les vannes de l’inspiration, sans compter que le prétexte est bon pour vouloir remettre au lendemain. Enfin, les tâches complexes s’étirent sur plusieurs jours, le multitâche faisant en sorte qu’on superpose les strates de documents.

L’école doit en tirer une leçon. Si la méthode est assurément une composante de la réussite, il arrive trop souvent que les éducateurs imposent leur méthode personnelle comme un dictat. L’une des compétences générales du nouveau Programme de formation porte justement sur les « méthodes de travail efficaces »; il n’est pas dit, par ailleurs, que les méthodes doivent être normatives.

Dans un contexte scolaire où on évalue de plus en plus la démarche, l’ordre est parfois exigé lors d’étapes où le désordre s’avère plus efficace. L’ordre intelligible est une qualité du produit fini, celui qui fait l’objet d’une transmission entre sujets. Avant la communication, l’ordre est la prérogative du créateur. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il faille laisser les élèves patauger dans le désordre. Au contraire, l’enseignant doit proposer une panoplie de moyens et de stratégies. Du point de vue de l’élève, cependant, il y a une grande motivation, et une grande satisfaction, à tracer son propre parcours. C’est une façon d’en faire des faiseurs.

Cela dit, si seulement j’avais un moteur de recherche pour retrouver ma liste d’épicerie…


Par ricochet :

Le crépuscule de la classification

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4 réponses

  • Je suis le fier papa d’un fils qui, à 17 ans maintenant, a décroché son brevet de pilote d’avion, repasse ses chemises au besoin, s’occupe bien de sa petite soeur de 6 ans, initie la préparation du souper en attendant qu’on arrive du boulot. Mais sa chambre, mon doux; une souris n’y trouverait pas son fromage… et que dire de son cartable d’école( il est en 12e année)… Comme me dit mon épouse, qui a un bureau un peu comme le tien, cher François : « Il y a de l’ordre dans mon désordre. »

    Pour ce qui est de l’école, en effet, on le constate lorsqu’on entre dans une classe A, pupitres en rangs d’oignon, tout bien ramassé, notes bien droites au tableau, tout au rythme de l’enseignant…on MÉMORISE. Par opposition à la classe B, une ruche bourdonnante d’activités et d’occupation diverses, une enseignante qui guide, rectifie, console, encourage, questionne, des élèves concentrés à la tâche, qui s’entraident et qui APPRENNENT.

    Quand on vise des apprentissages fiables, durables et transférables, je choisi la classe B. Heureusement qu’il y en a de plus en plus.

    Hummm, soudainement, je trouve que mon bureau est TROP rangé (!)

    Joyeuses Fêtes, monsieur Guité, et au plaisir de vous lire (souvent) en 2007.

  • Enfin mon désordre est compris !!! Je cours faire lire ton billet à ma blonde ;-)

    Euh… où ai-je mis l’adresse de ton blogue, donc ? ;-)

    Joyeuses Fêtes !

  • Joyeuses Fêtes François!

    La première fois que j’ai rencontré mon DDT (directeur de thèse), il était en train d’essayer de faire un peu de ménage dans son bureau. Nous sommes vite arrivés à la conclusion que, peu importe la fréquence à laquelle le ménage est fait, il ne reste toujours qu’un espace de 11 x 8.5 pouces…

    Pour ma part, je préfère parler de classement chronologique. Pour retrouver qqch, je pense à la dernière fois que je l’ai vue, analyse rapidement les strates, et plonge ma main dans la pile, juste à la bonne hauteur.

    Mais je suis de ceux qui limite le désordre à certains espaces (à savoir mon bureau et la salle de rangement). Pour le reste, l’ordre prédomine. Ce qui ne serait pas possible si je n’avais pas un exutoire chaotique…

  • Ah… je ne suis pas étonné que le fils de Jacques ait une attirance pour le pilotage. Il tient certainement ses ailes de son père :-)

    « une souris n’y trouverait pas son fromage », quelle jolie expression!

    Par ailleurs, je me doutais bien que Sylvain était du genre à s’abandonner au désordre. Quand je le vois aller….

    L’anecdote de Marc André m’a immédiatement rappelé ma directrice de thèse. Exactement dans le même style. Et l’allusion à l’espace libre de la taille d’une feuille de papier est savoureuse.

    Vraiment, tout le monde est en esprit en cette fin d’année. Ça augure bien pour l’année prochaine.

    Merci à tous pour les bons voeux des Fêtes. Pareillement, tout le monde!



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