Révolution∞

La révolution consiste à aimer un homme qui n’existe pas encore. (Albert Camus)

Il ne s’agit pas ici de révolutions politiques, mais des révolutions internet. Car il n’y a pas qu’une révolution numérique. Plusieurs bouleversements concourent à transformer le monde et nos connaissances. En outre, leur intégration contribue à l’exponentiation du changement.

Force m’est de conclure que les gens sous-estiment l’ampleur du changement qui défile sous nos yeux. Comme ces flâneurs de musée au nez collé sur une toile, ils ne perçoivent guère le tableau que seul permet le recul.

L’ordre est réfractaire au changement, sauf évidemment celui qui le consolide ou qu’il réussit à apprivoiser. S’il s’adapte aux mutations, on parlera de progrès ou d’évolution. Il se trouve des cas, toutefois, où le changement est si brusque que les tensions précipitent une révolution dont l’onde de choc ne s’estompe que progressivement. Non sans déchirements au passage, comme la charrue qui précède la semence.

Or, que se passe-t-il quand le chamboulement ne donne aucun signe de fatigue et qu’il s’étend, à l’instar de la révolution industrielle, sur plusieurs générations? Ceux qui subissent la transformation numérique, comme c’est généralement le cas en éducation, ne s’exposent-ils pas à un décrochage technique, précurseur d’une aliénation fonctionnelle? La fracture ne guette pas que les non-initiés, mais aussi les utilisateurs en proie à la fracture “au second degré” (La lettre ÉMÉRIT : La boîte noire des usages d’internet) [PDF].

Après seulement quelques décennies, le monde se trouve déjà métamorphosé par le numérique. Et le phénomène n’en est qu’aux balbutiements. Il tâtonne, explore, titube, rectifie, et grandit, quoique parfois délinquant.

John Naughton cerne bien l’ampleur des répercussions à venir en comparant le phénomène à l’imprévisibilité du chavirement initié par Gutenberg (The Observer: The internet: Everything you ever need to know) :

The first printed bibles emerged in 1455 from the press created by Johannes Gutenberg in the German city of Mainz. Now, imagine that the year is 1472 — ie 17 years after 1455. Imagine, further, that you’re the medieval equivalent of a Mori pollster, standing on the bridge in Mainz with a clipboard in your hand and asking pedestrians a few questions. Here’s question four: On a scale of one to five, where one indicates « Not at all likely » and five indicates « Very likely », how likely do you think it is that Herr Gutenberg’s invention will:

(a) Undermine the authority of the Catholic church?
(b) Power the Reformation?
(c) Enable the rise of modern science?
(d) Create entirely new social classes and professions?
(e) Change our conceptions of « childhood » as a protected early period in a person’s life?

De tout temps, l’homme a composé avec de multiples relations: avec la nature (environnement), ses pairs (social), et ses outils (homo faber). Aujourd’hui, il est entraîné dans un monde galopant qui dépasse souvent sa capacité individuelle d’adaptation. Bien peu de gens sont prêts à surfer la vague qui va déferler (ReadWriteWeb : Google CEO Schmidt: “People Aren’t Ready for the Technology Revolution).

Invité à donner une conférence à l’inimitable événement qu’est Clair2011, où j’ai eu le plaisir d’entendre Sébastien Paquet, Laurence Juin et Daniel Peraya, il me semblait pertinent de brosser un tableau des révolutions concomitantes qui secouent nos sociétés, et des conséquences pour l’éducation. J’y développais plusieurs idées avancées au congrès de l’AQEUS en octobre. Je résume ici les principales révolutions que l’école doit intégrer, si elle désire rester pertinente.

La machine numérique

En l’espace de quarante ans, nous sommes passés de l’ordinateur central à l’ordinateur personnel, au portable, au smartphone et à l’ardoise numérique. L’engouement pour ces appareils témoigne d’un besoin non seulement d’information, mais de productivité. Ce besoin, et le marché qui le sous-tend, alimentent l’innovation en génie informatique, notamment au regard des microprocesseurs et des composantes périphériques. Le premier courant de la révolution qui nous entraîne trouve sa source dans ce qu’il est permis d’appeler la machine numérique.

Contre tourte attente, la loi de Moore tient la route. Ray Kurzweil, auteur notamment de The Singularity Is Near, fait des prévisions renversantes. Entre autres, que dans dix ans, la puissance informatique de mon ordinateur portable égalera celle de mon cerveau. Plus hallucinant encore, Kurzweil prévoit que dans moins de 50 ans mon ordinateur aura la puissance computationnelle de tous les cerveaux de l’humanité réunis (Kurzweil: The Law of Accelerating Returns).

L’accélération phénoménale de la miniaturisation et de la diversification des composantes numériques, tout comme la diminution des coûts de production, contribue à l’invasion du microprocesseur dans les objets. Y a-t-il encore un électroménager ou un appareil d’une quelconque complexité non muni d’une puce électronique? L’avenir n’est pas si loin où les objets communiqueront entre eux, comme c’est actuellement le cas dans les voitures.

Dès lors que nous manipulons des instruments de cognition, leur connaissance s’avère cruciale.

Les implants cervicaux se dessiner à l’horizon. Plusieurs équipes de chercheurs tentent de relier le microprocesseur au cerveau. L’année dernière, des chercheurs de l’Université de Calgary ont franchi une autre étape en cultivant des neurones sur un microprocesseur (University of Calgary : Neurochip technology developed by Canadian team).

Dans ce contexte, le rôle de l’éducation ne se limite plus à acquérir des savoirs, mais d’apprendre à composer avec les outils de cognition, notamment ceux qui n’ont pas encore été inventés. Dès lors que nous manipulons des instruments de cognition, leur connaissance s’avère cruciale.

La créativité à l’ère du binaire

Toute cette capacité informatique, une sorte de matière première, rimerait à peu de chose s’il n’y avait un code qui permette de l’animer. Or, la simplicité du binaire ouvre la voie à une panoplie de langages informatiques, des protolangues en quelque sorte, qui permettent de créer de nouvelles formes d’activité. Olivier Bomsel voit bien la portée de ce nouveau langage (Télérama : “C’est la première fois depuis cinq mille ans qu’on invente une nouvelle écriture”) : « Dans l’émergence de cette nouvelle écriture, l’autre devient l’intern-autre. »

Pour la première fois, la production de masse n’est plus l’apanage des détenteurs de capitaux, comme durant la révolution industrielle. Plus besoin de machinerie lourde pour extraire le minerai, produire des matériaux et assembler les produits finis. Les moyens sont à portée de main de quiconque est mu par l’inspiration, le génie, et la volonté d’apprendre un langage de programmation. L’usine s’est métamorphosée en portable.

Nous assistons à l’essor d’une phénoménale productivité. Il suffit d’observer la panoplie d’applications développées pour les smartphones. Par ailleurs, nous sommes témoins d’une évolution fulgurante de l’intelligence artificielle, laquelle gagnera inévitablement les objets.

L’usine s’est métamorphosée en portable.

On me reprochera de ne pas reconnaître en l’intelligence artificielle une révolution en soi, particulièrement au regard des récents exploits de Watson. Il n’en demeure pas moins que l’intelligence artificielle, pour l’instant, reste le fruit d’une innovation numérique. Toutefois, l’on voit poindre des instruments qui disposent d’une faculté d’apprentissage (New York Times : Aiming to Learn as We Do, a Machine Teaches Itself). Dès lors que la machine peut apprendre par elle-même, il y a sans doute lieu de parler plutôt d’intelligence numérique.

Cette créativité n’influe pas que la production de logiciels. La démocratisation du pouvoir économique, pour ne pas dire du pouvoir d’expression, entraîne déjà une refonte de nos pratiques sociales, notamment politiques. À ce dernier sujet, voir les tentatives timides du Canada et de l’Australie, ou, l’essai plus théorique et visionnaire de Dominique Cardon (La vie des idées : Vertus démocratiques de l’Internet).

Dommage que l’école néglige la créativité. Les programmes scolaires, dans leur normalisation et dans l’uniformisation des connaissances, sont des laminoirs. On fera davantage, à l’échelle sociale, en misant sur l’essor de la potentialité individuelle. Pour l’élève surtout, le développement de la créativité est un meilleur gage d’épanouissement et plus sûre garantie d’avenir que la conformité.

La production d’information

La facilité et la disponibilité donnent lieu à un déferlement d’information. Les nouveaux outils de diffusion ont démocratisé la publication. À ceux qui s’indignent de la profusion d’inepties, simple reflet du quotidien, on soulignera la phénoménale augmentation d’information partagée par les experts (chercheurs, professionnels, journalistes, connaisseurs, etc.), notamment sur les blogues et, de plus en plus, par le biais des médias sociaux.

Nous sommes passés de la consommation de médias à la production de médias, magnifiquement illustré par Brian Solis dans le Prisme de la conversation. Pour Eric von Hippel, l’auteur de Democratizing Innovation, l’innovation se retrouve désormais entre les mains des utilisateurs. Douglas Rushkoff résume bien le renversement : « L’internet ne permet pas seulement de distribuer l’information à des millions de gens, il permet à des millions de gens de distribuer l’information. »

L’exponentiation de l’information dépasse l’entendement. Lyman et Varian ont évalué qu’en la seule année 2002, on a produit plus d’information que durant les 5000 ans qui ont précédé (Berkeley: How Much Information?). Plus récemment, Gantz et Reinsel ont estimé que la production de données numériques entre 2009 et 2020 augmentera 44 fois, propulsée entre autres par les appareils mobiles et les senseurs incorporés aux objets (IDC : The Digital Universe Decade – Are You Ready? [PDF]). Pour se représenter l’état actuel des données accumulées, voyez l’infographie réalisée par Wikibon : The Rapid Growth of Unstructured Data.

Déjà, dans les années 1960, Marshall McLuhan observait que notre ignorance à savoir comment utiliser les nouvelles connaissances augmente exponentiellement. L’école d’aujourd’hui devrait prendre note que dans le flot immensurable des nouvelles connaissances, miser sur l’apprentissage des connaissances (au sens de connaissances déclaratives ou encyclopédiques) est une partie perdue d’avance. Le salut réside dans le « savoir comment utiliser les nouvelles connaissances », pour reprendre le constat de McLuhan. La métacognition ne concerne plus que l’objet du savoir, mais la méthode d’acquisition de ce savoir.

La propriété intellectuelle

Dès lors que la production n’appartient plus seulement à l’industrie, les lois sur la propriété intellectuelle s’avèrent caduques. Le système légal, comme toutes les institutions paléointernet, est déboussolé à l’émergence de ce nouveau pôle magnétique. Si le modèle industriel repose essentiellement sur le profit, il n’en va pas de même de la production individuelle. Pour plusieurs, la renommée constitue un gain plus précieux que la pécune. Pour d’autres, l’altruisme ou la satisfaction matérielle favorise le don à la communauté. Peu importe la motivation, nous assistons à la diversification des modèles de propriété intellectuelle, notamment ceux offerts par Creative Commons.

Le source libre a ouvert les vannes. Le partage gratuit de son travail, chose pourtant si naturellement communautaire, est facilité par la reproductibilité instantanée et sans coût réel des objets numériques. Comme une traînée de poudre, le mouvement s’est propagé à la science (open science data), à la recherche (open research), au savoir (open content) l’éducation (open education, open educational resources, Open University). Le phénomène n’en serait que plus ample s’il avait bénéficié du soutien des gouvernements, cultivant la richesse du bien commun comme l’entend l’économiste Yochai Benkler dans The Wealth of Networks.

What characterizes the networked information economy is that decentralized individual action — specifically, new and important cooperative and coordinate action carried out through radically distributed, nonmarket mechanisms that do not depend on proprietary strategies — plays a much greater role than it did, or could have, in the industrial information economy.

À l’opposé, les écoles foisonnent d’enseignants protégeant jalousement leurs ressources. Sans doute ceux-là mêmes qui vilipendent Wikipédia, sans jamais douter de la validité de leurs propres connaissances. Peut-être croient-ils aussi que les manuels sont exempts d’erreurs.

Les réseaux virtuels

Enfin, il y a l’extraordinaire maillage des réseaux en ligne, lequel a donné naissance à une science des réseaux. Selon les dernières données des Nations Unies, près du tiers de la population mondiale est connectée en un vaste réseau virtuel. Il en découle une synergie sans précédent dans l’histoire de l’humanité, une interaction scientifique, économique et sociale qui propulse le progrès dans une voltige vertigineuse. Alimentée par la participation et la créativité des masses, elle donne lieu à ce que Chris Anderson appelle l’innovation accélérée des essaims (crowd acceleration innovation).

Depuis l’avènement d’internet, la réalité est déjà augmentée.

Le phénomène est si nouveau et d’une telle ampleur que le vocabulaire peine à distinguer le réel du virtuel, cette dernière ayant imprégné la réalité. À tel point que dans cet univers numérique, certains conçoivent des applications de réalité augmentée. Quant à moi, depuis l’avènement d’internet, la réalité est déjà augmentée.

George Siemens y voit une nouvelle théorie de l’apprentissage baptisée le connectivisme. Siemens défend la thèse que le savoir est distribué à travers un réseau de connexions, et donc que l’apprentissage consiste à l’habileté à construire et naviguer ces réseaux. Considérant que les jeunes y baignent, l’école gagnerait à y puiser de nouvelles pratiques.

Le mot de la fin

La convergence de tous ces bouleversements précipite le changement au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer au début d’internet. L’émergence de domaines interdisciplinaires de recherche ne fait qu’ajouter à l’effervescence (MIT : The Convergence of the Life Sciences, Physical Sciences, and Engineering). Jordan Lejuwaan brosse un excellent tableau de ce que les 10 prochaines années nous réservent, notamment en biotechnologie, en architecture, en santé, en robotique, et dans notre interaction avec le monde (High Existence : 10 Ways the Next 10 Years Are Going to Be Mind-Blowing).

Si l’école ne sait comment intégrer les technologies de la cognition, celles-ci sauront intégrer l’école.

Les jeunes développent dans les médias sociaux des compétences que l’école leur interdit. L’intégration scolaire des technologies de l’information et de la cognition illustre une incohérence, en ce qu’elle se fait dans le paradigme obligé de l’enseignement. Même les plus technopédagogiques ne le voient pas, tellement leur pensée opère dans un cadre institutionnel. L’intégration de ces instruments à des fins éducatives est déjà bien réelle, sauf qu’elle se fait malheureusement en marge de l’école. Or, si l’école ne sait comment intégrer les technologies de la cognition, celles-ci sauront intégrer l’école.

En dépit de la gravité de la situation, il est encore temps sans doute de repenser l’école à la lumière des technologies de la cognition. Le dossier Pernser l’école à l’ère du numérique contient un excellent débat auxquels ont participé Christian Laval, Philippe Meirieu, Denis Kambouchner et Bernard Stiegler, dont nous pourrons nous inspirer (Skole : École et société de la connaissance – vidéo – Débat Kambouchner, Laval, Meirieu et Stiegler).

En attendant l’inévitable révolution du système scolaire, il est certaines stratégies pédagogiques qu’on peut déjà adopter. On les trouvera dans la troisième partie du diaporama de la présentation à Clair2011.


Références :


(Image thématique : Revolution Nr. 9, par Heike Schmidt)


Par ricochet :
L’éducation de l’I-génération
Le changement en éducation : évolution ou révolution ?
Enseigner au futur
L’évolution du bureau virtuel
Le Web est le futur de l’éducation
La prochaine révolution : la neuropharmacologie
Les grandes mutations qui transforment l’éducation

Vous pouvez suivre les commentaires en réponse à ce billet avec le RSS 2.0 Vous pouvez laisser une réponse, ou trackback.

12 réponses

  • Wow! Excellent papier qui fait la synthèse des différentes connaissances sur la révolution numérique et son impact sur le système d’éducation. Malheureusement, les établissements scolaires, en raison de leur structure, leur mission et leur grosseur, sont réfractaires au changement et à l’évolution rapide des moyens de transmission du savoir et du savoir-faire. Comme l’ère de la lettre, l’ère de l’école façon XIXe siècle est dépassée. Ça va prendre cent ans avant que la structure du système change…

    • Je partage votre grisaille quant à l’avenir de nos écoles. J’ai beau me triturer les méninges, je ne vois pas comment, à long terme, elles peuvent prétendre à une efficacité qui justifie le coût social. Le système scolaire porte en lui les gènes de son inéluctable vieillissement. Au mieux réussit-il à dissimuler cette caducité sous certains habits et beaucoup de fard.

  • Jean-Pierre Lepage dit :

    Bravo, le diapo est merveilleux. On voudrait le revoir en boucle tellement le texte et les images sont percutants, intéressants et bien choisis. Dois-je cependant vous avouer mon scepticisme devant l’abondance, laquelle ne pourra jamais égaler l’excellence, la quantité écrasant trop souvent la qualité. Pardonnez-moi mais les Anciens l’avaient vu bien avant moi: ajoutez-moi une micropuce directement au cerveau, aura-t-elle une capacité 44 fois plus grande que celle des ordis les plus performants, que pourra-t-elle m’apporter de plus, en tant que personne? Je suis entouré de machines de plus en plus intelligentes mais tel Socrate se promenant dans les rues d’Athènes, il y a 2400 ans, je cherche encore, avec lui – ou grâce à lui – le sens de ma vie, celui de l’Univers. Je ne vois pas comment 2 ou 3 encyclopédies de plus ajoutées à ma « mémoire vive » pourraient m’y mener. J’en pense autant pour mes étudiants, lesquels, je crains, tombent victimes sous le chant des nouveaux dieux technologiques, sinon de leurs thuréféraires.
    En somme je vous accorde raison sur presque toute la ligne, mais ce « presque » est incompressible. Peut-être contient-il une différence d’essence entre ce que l’on peut espérer de la science, et ce qu’il faut entreprendre par soi-même, selon ce que l’on définit comme la vie bonne?
    Merci pour l’excellent article.
    Jean-Pierre Lepage

    • En dépit des apparences, et mon inlassable émerveillement de la science, je demeure sensible à cette critique que vous formulez si bien. Je la trouve même salutaire, dans sa défense de l’humanisme.

      Nul n’est en mesure de prédire où nous mènera tant de créativité. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, sans égard à la valeur (qualité) de cette créativité, laquelle est l’immensurable destin de l’esprit humain. Aussi est-ce de sa propre nature dont l’homme est condamné à se méfier. Il est impensable que nous persistions dans la pensée des philosophes de la Grèce antique. Cela dit, la néantisation de la philosophie dans les programmes scolaires et la culture générale est une tragédie.

      Philosophie et technologie ne sont pas incompatibles. L’on aurait tort de blâmer celle-ci pour les déboires de celle-là. Pour ma part, je garde la foi en la puissance des bien-pensants, assistés au besoin de nouveaux moyens techniques. J’ose espérer que ceux-ci permettront à l’humanité de réussir là où elle a lamentablement échoué en leur absence.

  • Merci pour ce billet. Je vais le méditer longtemps…

  • Merci pour ce remarquable billet que je découvre trop tardivement. Vous y posez nombre de questions qui sont au coeur de mes préoccupations comme enseignant autant que comme père de famille et citoyen. Je me demande dans quelle mesure les perspectives peuvent être le mêmes de chaque côté de l’Atlantique.
    Cette évolution que vous décrivez me semble effectivement fondamentale, l’habituelle comparaison avec l’imprimerie est en fait plutôt insuffisante.
    Ce qui m’inquiète c’est la possibilité que la resistance au changement, pour l’instant conservatisme classique, dérive vers une volonté réactionnaire d’arrêter le cours des choses. Nous avons déjà connu dans le passé des situations semblables dont l’issue a été dramatique. Nous assistons en ce moment en Europe a une forte montée en puissance d’une pensée xénophobe assortie d’un net repli nationaliste. Comment éviter que la situation ne s’aggrave ? L’éducation peut-elle encore jouer un rôle?
    La réflexion de M. Lepage, pleine de sagesse, me semble ouvrir une piste de réflexiion. La sagesse des anciens est indéniablement un outil de compréhension et une source permanente de réflexion. Peut-on cependant, quand les outils dont nous disposons nous offre la possibilité d’un renouveau fondamental de la pensée, continuer à s’interroger comme le faisait Socrates. N’y a-t-il pas urgence à changer nos façons de penser et sans forcément faire « du passé table rase » au moins renoncer à une certaine vénération plus ou moins paralysante pour aborder la réalité sous de nouveaux angles?

    • Votre modestie vous honore, considérant la l’étendue de votre plume, tout comme celle de Tremeur Denigot, sur Solution de continuité. Pour une raison que j’ignore, votre commentaire a failli se noyer dans le spam qui inonde mon blogue. Heureusement, j’ai eu un peu de temps aujourd’hui pour les passer en revue plutôt que de les supprimer d’un seul coup, comme à l’habitude.

      Pour peu que mon opinion vaille, je pense que la situation en Europe est la conséquence d’une vieille garde qui s’accroche à ses institutions. Le Vieux Continent en est plus affecté que le Canada ou les États-Unis en raison de son long passé. J’ai bon espoir que la jeunesse européenne, plus maillée en ligne, saura faire renaître les valeurs chères à l’humanité. J’entrevois à long terme la révolution qui secoue l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient gagner l’Europe, quoique plus pacifiquement.

      Je ne m’inquiète pas tant pour l’avenir de la pensée humaine. La jeunesse, en raison des réseaux sociaux, est beaucoup plus réflexive, qu’on l’admet. Cette réflexivité est facilement obnubilée par le brouillard sombre de la masse d’inepties, non pire qu’auparavant à l’exception qu’elle déferle désormais au vu et au su de tous, qui accapare beaucoup notre imagination.

      Merci de cette visite. Je ne manquerai pas un jour de vous rendre la politesse sur votre blogue.

  • Jacqueline dit :

    Je me sens peu qualifiée devant ces commentaires et pourtant je me lance depuis la vieille Europe. Si vieille qu’elle ne serait plus pertinente ? Comme un des commentaterus l’a écrit je ne conteste pas les avancées technologiques ni les progrès qu’elles apportent, mais je questionne notre capacité à les mettre en perspective humblement. Surtout au vu de la vitesse dans laquelle elles s’inscrivent et de la complexité des situations. Nos sociétés s’envolent, literalement, elles quittent le sol. Et pourtant l’homme n’a t il pas son avenir dans la place qu’il doit se creer entre le sol et l’univers. Ne faudrait il pas systematiquement conjointement partager technique et philosophie et questionner?
    Humblement votre

    • Votre questionnement est essentiel. J’ai maintes fois dans ce blogue souligné, comme vous le faites si bien, l’importance de préserver notre humanité, notamment par la valorisation et le recours à la philosophie.

      Par ailleurs, force m’est de constater que l’individuation a trop souvent mené à l’égotisme, aux dépens de la civilisation. Peut-être ce nouveau maillage par le biais des réseaux virtuels permettra-t-il une intelligence connective qui servira mieux la collectivité. Enfin, c’est un espoir.



Laisser un commentaire à Jean Paul Jacquel

*