Des chercheurs questionnent l'utilité de l'école

GleasonEmulsiveValue.jpgLes diplômes représentent un obstacle à la liberté de l’éducation. (Ivan Illich)

Certaines idées prennent du temps à prendre racine, car elles tombent en sol aride. Déjà, au siècle des Lumières, Jean-Jacques Rousseau ramenait l’éducation à des considérations plus naturelles. Plus près de nous, et en réaction au conformisme, des pédagogues tels que Paulo Freire, Ivan Illich, Seymour Papert et John Holt tentent de ramener la finalité de l’éducation à l’individu plutôt que le soi-disant bien collectif. Récemment, les nouvelles technologies de la communication ont bouleversé le rapport de l’homme à l’information sans que, curieusement, les systèmes d’éducation modifient leurs pratiques.

Le système scolaire étatisé est le Microsoft de l’éducation, une application vastement adoptée par convenance de compatibilité, célébrant l’automatisme et l’uniformité des procédures, et étouffant la concurrence. Au fil du temps, le réseau s’est sclérosé, un appareil circulatoire à ce point athéromateux que le changement ne vient que sous l’ordonnance du médecin, un remède qui atténue le mal, mais incapable de rajeunir. L’inflammation naît surtout de l’excès d’évaluation, une arthrite qui paralyse l’organisme.

Incapables d’innover efficacement, les gestionnaires oeuvrent à consolider les structures existantes sous le couvert des nouvelles théories. Ainsi, on se gargarise régulièrement de « gestion participative », de « métacognition », de « collaboration » ou de « transversalité », comme une dorure sur un mauvais plâtre. Hormis les éducateurs en contact avec les enfants, les paliers supérieurs, de la direction d’école au ministère, en passant par les commissions scolaires, se soucient davantage du système que de l’élève. De fait, la condition de l’école ne se mesure réellement que de l’intérieur.

Ainsi, je me réjouis quand on rapporte que des chercheurs doutent de l’utilité de l’école à l’ère de l’accès à l’information (Globe and Mail : Researchers question school in high-tech age). L’accès à l’information n’est qu’une facette du problème : encore faut-il savoir trouver l’aiguille dans la botte de foin, l’analyser et, enfin, la synthétiser. A-t-on oublié que l’éducation part des acquis antérieurs et de la nature de l’apprenant? Mohammed Ally, de l’Université d’Athabasca a raison : l’école s’éloigne dangereusement de la réalité des jeunes.

Students who interact on the web, talk to each other digitally to resolve questions, post to the web and blog on the web are going to have problems adapting to sitting, listening, then regurgitating on an exam the words of one person standing at the front of the room.

Le problème de l’éducation ne tient pas tant à une fracture numérique des générations. C’est plutôt une affaire de disconvenance pédagogique, de méthodes vieillissantes dont les moyens ne correspondent plus aux besoins. L’accord du sujet, de la fin et du moyen n’est plus.

Mise à jour, 4 septembre 2007 | Christopher Sessums, un blogueur que je lis assidûment, signale ce numéro de l’humoriste George Carlin. Crue, cynique et caustique, son attaque contre l’école au service du pouvoir s’inscrit néanmoins dans l’esprit de ce billet.


(Image thématique : Rising Emulsive Value, par Jimi Gleason)


Par ricochet :
L’école d’hier et de demain
L’école de l’ignorance
Les commissions scolaires sous le couperet
Pourquoi les TIC dans les écoles
L’éducation n’appartient pas à l’école
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Ce que les écoles peuvent apprendre de Place Lo
La Loi de Pareto et l’éducation
Vers l’éducation 2.0
Pourquoi le Web change tout

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3 réponses

  • Daniel Bigué dit :

    «Récemment, les nouvelles technologies de la communication ont bouleversé le rapport de l’homme à l’information sans que, curieusement, les systèmes d’éducation modifient leurs pratiques.»
    En effet, c’est curieux ! Parallèlement à l’émergence des TICE (mais aussi des recherches en psychologie, en pédagogie, en neuroscience et peut-être même en gestion scolaire… etc.), le taux de décrochage, par exemple, se maintient toujours à un niveau assez élevé selon moi. Le «goût» de l’école auprès des élèves semble de plus en plus amer (perception erronée de ma part ?). Également, n’y a-t-il pas aussi une émergence, depuis au moins une dizaine d’années, de chaires de toute sorte, ayant comme sujet d’observation «l’école» ? La problématique de «l’école» semble en effet inhérente à l’institution elle-même !! S’il y a une autoréférence insoluble, je peux en effet comprendre le titre de votre billet ! L’école, comme vivier expérimental extraordinaire semble se tarir de son eau pour l’élève, à savoir le bonheur d’être là !
    Reset !
    Où avais-je la tête ? Pourquoi se questionner au sujet de «l’utilité» de l’école ? N’avons nous pas la réponse à cette question lorsqu’on lit les lignes (mais surtout à mon avis, entre les lignes) la chronique de madame Nathalie Elgrably, «Des notes… pour déchiffrer le bulletin» (Le Journal de Montréal, p. 22, 30 août 2007). Est-ce que je vais finir par comprendre un jour ?

  • Thierno dit :

    J’aimerai avoir votre position sur ce sujet « la déscolarisation de la société pronée par Ivan ILLICH »

  • La déscolarisation de la société est déjà amorcée. Elle ne sera cependant ni si soudaine, ni si radicale qu’Illich l’avait anticipé. Il s’étonnait d’ailleurs, dans les dernières années de sa vie que les gens ne profitent pas du maillage du Web pour renverser les structures scolaires.

    À mon avis, Illich a sous-estimé les forces politiques et sociales en jeu pour maintenir les institutions scolaires. Par ailleurs, il n’a pas réalisé que les gens profiteraient du Web non pour renverser l’école, mais pour la contourner. Pour le moment, la majorité des parents sont trop craintifs face aux réformes scolaires pour jouer leur va-tout. En conservant l’école dans sa forme actuelle, ils assurent leurs arrières. Les plus avertis, notamment les jeunes, complètent, voire réalisent, leur éducation hors des murs de l’école. En ce sens, ils jettent les premiers jalons d’une déscolarisation de la société.

    Cette déscolarisation ne se fera pas uniformément. Les plus hardis ouvrent déjà la voie. D’autres suivront. Inévitablement, Illich aura gain de cause. Ce n’est qu’une question de temps, même si cela doit prendre un autre siècle. L’école, telle qu’on la connaît, n’est qu’un épisode dans l’histoire de l’humanité, un modèle que les historiens du futur associeront à l’ère industrielle.



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